La circulation sur le web des images du séisme japonais

Le 12 mars 2011

Comment circulent les images d'un fait d'actualité international? Vendredi, en cherchant des photos du séisme japonais, Fatima Aziz s'est interrogée sur la façon dont on utilise les media sociaux comme FlickR et Twitpic pour trouver les photos d'une actu brulante.

Ce vendredi matin, comme d’autres internautes j’ai appris la triste nouvelle du séisme japonais à travers mes navigateurs. Ma prise de conscience de l’événement a commencé par une image de la Une de Yahoo qui montrait des voitures à flot dans un déluge. D’habitude je ne prête pas attention au flash en image de Yahoo qui est souvent consacré  aux célébrités, mais dans ce cas, j’étais sûre qu’il s’agissait d’une photo d’actualité1 . C’est à partir de cette photo/capture d’écran de la Une que ma simple visualisation s’est transformée dans une quête d’informations sur la toile.

Capture d'écran, une des premières images du séisme à circuler sur le web par exemple BroadSheet. Les méta données associées à cette images sont les suivantes: A screen grab taken from news footage by the Japanese Government broadcast NHK, on March 11, 2011. Photo credit AFP/Getty Images)

L’efficacité du hashtag

En me connectant simultanément sur Twitter et Google Actualités, j’ai pu localiser la catastrophe. Effectivement les mots-clés tendances sur Twitter #prayforjapan, #tsunami, #japon et #Tokyo Disneyland, ont signalé immédiatement les régions affectées et ont affiné considérablement ma recherche. En plus de signaler d’autres pays touchés, les tweetos affichaient également des images partagées via TwitPic.

L’intégration du lien vers l’image dans les tweetos est une fonctionnalité efficace car elle amène directement sur le compte TwitPic du titulaire et  donne accès à un corpus d’images regroupées sous le même hashtag. Depuis 2008, le TwitPic Image Share permet  le partage des images sur Twitter et propose sur son propre site une recherche de contenu visuel  à partir des mots clés & hashtags associés aux photos/vidéos.

Corpus d'images proposé par TwitPic Image Share à partir d'une recherche du hashtag #prayforjapan

Dans le cas du séisme, un exemple des tweetos  affichant des TwitPics étaient le hashtag #Tokyo Disneyland  avec  des photographies partagées par @mrdaps concernant les dégâts à Disneyland Tokyo.

Une des photographies du corpus #Tokyo Disneyland partagée sur twitter via TwitPic. compte @mrdaps

La réutilisation & circulation des images TwitPic

La reprise de la TwitPic partagée sous le hastage #Tokyo Disneyland sur Twitter.

Quant à la recherche des articles sur Google Actualités j’ai repéré dans quelques articles de blogs privés et des sites de presse la réutilisation des photos Twitpic comme les images les plus récentes du séisme. Par exemple l’article “Latest pictures of Japan’s 8.8 magnitude earthquake” sur le site International Business Times est illustré avec des photographies  provenant de TwitPic (7 sur 8 images sont créditées “Twitter Users). Curieusement, la réutilisation de ces images amènent à leur léger changement  éditorial par exemple, la légende du départ est effacée ou modifiée.

En comparaison avec des premières images partagées en temps réel via Twitpic des sites de presse comme la BBC, la Washington Post, Rue 89, Libération ont proposé des extraits du JT japonais rediffusé par des chaînes américaines, des diaporamas ou bien des photos en  grand format, très nettes.

Faute de comprendre le japonais, je n’ai pas cherché les tweetos nippons, par contre on peut retrouver les extraits du JT japonais  partagés sur Ustream.

Et Flickr?

En m’interrogeant sur ma propre démarche, je me suis demandé si Twitter et sa fonctionnalité de fournir l’information en temps réel n’avait pas remplacé la proposition iconographique de Flickr?

La recherche sur Flickr se fait également par mots-clés et les tags les plus utilisés, mais le site ne propose pas de recherche du contenu partagé en temps réel  ou des tags  tendances. Mais en effectuant une recherche par les tags : japan, earthquake j’ai découvert des séries de photos consacrées au séisme, de belles images en grand format que j’avais déjà vu sur les sites de presse plus tard dans la journée d’aujourd’hui. En voici quelques exemples:

Un échantillon de photos réutilisées dans les diaporamas proposés par la BBC & la Washington Post.Les tags associés sont Japan & Quake. http://www.flickr.com/photos/egbok/

Suite à cette découverte, j’estime que Twitter ou Twitpic n’ont pas remplacé Flickr, c’est l’usage des ces outils qui leur attribue un statut différent. La presse s’est servie des photos Flickr à plusieurs reprises, voir l’article sur ARHV “Tous journalistes?” Les attentats de Londres ou l’intrusion des amateurs. Alors, ce serait peut-être notre manière de rechercher l’image sur le web qui a changé car ce sont des outils proposant des moyens plus efficaces comme les hashtags et  les flux de mots-clés tendances qui s’avèrent être le premier choix.

Dans le contexte de la catastrophe, l’avatar peut-il se détourner en image?

En plus du partage des tweetos comme soutien aux victimes du séisme, plusieurs groupes et pages Facebook ont été crées vendredi sur le réseau social. Les membres de ces groupes et communautés partagent des liens, des images,  commentent et participent, mais aucun de ces membres, ni sur Facebook, ni sur Twitter n’a pas pensé afficher et/ou  diffuser leur soutien auprès des victimes à travers leur avatar.

Dans les contextes récents comme l’affaire Boris Boillon ou l’assassinat du Ministre des Minorités au Pakistan, l’avatar a été détourné de sa fonction visuelle pour servir à des fins iconographiques sur Twitter et Facebook, voir le billet “L’avatar est-il une image?”. Comment expliquer cet absence du détournement dans le cas du séisme japonais? Plusieurs hypothèses sont possibles, peut-être il n’y a pas d’image éditée et  mise en ligne qui peut servir la cause du détournement de l’avatar, ou bien il n’est pas toujours facile de résumer une catastrophe naturelle, de la réduire à une seule figure. Que faire et comment expliquer ce phénomène du détournement? Faut-il aller mener des entretiens auprès des utilisateurs des réseaux sociaux et leur demander d’expliquer leur choix d’avatar?

Suite à cette observation, au moins  un point méthodologique semble claire: le choix de l’avatar pour le détourner en image s’opère très vite, il est influencé par un événement national  ou international. L’image choisie est souvent affichée comme soutien à un événement d’actualité. Toujours dans le contexte du détournement de l’avatar, le choix de l’image dépend aussi du corpus visuel proposé sur le web.

Cependant, dans le contexte de ce séisme, le corpus visuel est présent, mais peut-être trop vaste pour proposer une figure. Compte tenu de tous ces facteurs observables sur le web qui démontrent ses limites, mais aussi ses avantages  il devient possible d’étudier le contexte du choix des images en termes de leur circulation et leurs usages.

>> Article initialement publié sur Image Circle, un blog de Culture Visuelle

>> Photo d’Illustration de l’article : FlickR CC by-nc-sa HisashiToday

  1. En fait, il ne s’agit pas du tout d’une photo, mais d’une capture d’écran d’un JT japonais. Faute d’images, les blogs et les sites de presse illustrent leurs billets avec cette capture d’écran, que certains sites affichent sans les titres en japonais, comme Yahoo. Cette découverte a été faite lors de la rédaction de ce billet []

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