MyMajorCompany : la fin de l’histoire ?

Le 24 novembre 2010

Trois ans après son lancement, Romain Péchard s'interroge sur les résultats de MyMajorCompany, le pionnier du crowdfunding musical en France. Il semblerait que derrière le succès commercial d'un artiste, le bilan soit loin d'être satisfaisant.

Article écrit par Romain Péchard, associé de The Persuaders, cabinet conseil en stratégies web. Il a été publié sur le site Tech Crunch France. romain Péchard écrit également sur le site Weqli.com.

MyMajorCompany a fait rêver toute la sphère web lors de son lancement en décembre 2007. Après 3 ans d’existence, 32 artistes produits dont un devenu grand public (Grégoire) et un autre en passe de le devenir (Joyce Jonathan), il ne fait malheureusement plus rêver. Autoproclamé “label musical communautaire” sur le fondement qu’il permet à qui veut d’investir dans la production d’un artiste, ce label d’un genre nouveau lors de son lancement s’est rapidement rangé dans la liste des labels standard, seul le modèle économique étant légèrement différent.

Après avoir surfé sur la vague des Arctic Monkeys et autres groupes comme Ok Go ayant vu leur notoriété exploser grâce à MySpace ou Youtube, le modèle fondé sur la production communautaire semble prendre du plomb dans l’aile avec des résultats plus que médiocres… et voir arriver des concurrents qui pourraient bien enterrer pour de bon ce modèle.

Phénomène de mode. Jeu d’argent et rêve. Sans les fans.

Après avoir été un phénomène de mode, les labels communautaires ont pour la plupart fermé par incapacité à trouver un artiste capable de rapidement être grand public comme Grégoire, artiste signé chez MyMajorCompany. Mais aussi par incapacité à produire une véritable valeur ajoutée pour les visiteurs de ces sites qui se retrouvent bien souvent confrontés à des artistes très formatés. La promesse de produire de nouveaux artistes, et par “nouveau” entendez différents, n’est pas tenue. Joyce Jonathan et Grégoire sont de bons exemples du formatage musical.

Car ce modèle de label ne se repose pas sur la prise de risque mais l’investissement de particuliers qui espèrent bien gagner de l’argent après le lancement de stars, comme cela a pu être le cas avec l’artiste Grégoire. La direction artistique peut être faite en amont par une pré-sélection de l’entreprise, comme il fait chez MyMajorCompany, mais ce sont les investisseurs qui décident de produire tel ou tel artiste, sans connaissance artistique ni expertise du milieu musical. Ce qui fait qu’ils vont investir dans des artistes qui ressemblent à ce qu’ils aiment actuellement, empêchant alors cet artiste de sortir du lot car bloqué par la star du moment.

La faiblesse de ce modèle réside donc dans la notion du particulier qui prend le rôle d’expert et qui investit dans des artistes qui ressemblent à des artistes grand public. Mais ce qui est le plus dangereux pour MyMajorCompany est le fait que l’entreprise ne prend pas en compte la relation avec les fans et la force de ces derniers pour faire émerger de véritables révélations, le véritable moteur qui fait de Youtube le plus grand découvreur de talents au niveau mondial.

Pas une aide aux fans ou aux artistes mais une aide aux producteurs et maisons de disque.

Mais le véritable point qui a fait chuter les entreprises sur le modèle de MyMajorCompany, et qui en fera tomber d’autres dans des domaines différents, est la découverte du pot aux roses : ces sites soit-disant “communautaires” avec pour objectif d’aider les artistes ne sont que des sites permettant de réduire la prise de risque du label de production. En effet le label est payé quoiqu’il arrive, puis il prend la part du lion si l’artiste sort du lot, et éventuellement il reverse de une partie marginale de l’argent gagné sur la vente de CDs aux investisseurs.

Cette mécanique ne produit donc pas de résultat valable, sauf dans les rares cas où les directeurs artistiques des grandes maisons de disque ont raté un artiste qui passe alors sur ce réseau alternatif pour être subventionné par un label secondaire. Avant de reprendre l’ascenseur vers les grandes maisons de disque via l’accord entre MyMajorCompany et Warner Music. Un véritable circuit de récupération généré par l’industrie musicale et soutenu par des particuliers qui jouent au directeur artistique au lieu de jouer au boursicoteur.

Le modèle MyMajorCompany ne répond pas au besoin des artistes (trouver leur public) ou à celui des audiences (découvrir de nouveaux artistes) mais à celui des labels (faire baisser la prise de risque) et des maisons de disque (réintégrer rapidement les artistes oubliés dans le circuit traditionnel). Mais surtout il ne crée pas la valeur qui peut aider cette industrie à prendre avantage de l’Internet pour aller de l’avant.

L’avenir : Mass market vs Long Tail ?

La problématique de la production est une fausse problématique. Il est possible de produire son album à prix très réduit sans avoir recours à des services du type MyMajorCompany. L’enjeu pour les artistes n’est plus alors de produire, il est de se confronter, de se faire connaître et reconnaître par son public. Official.fm, startup suisse, semble aujourd’hui bien placé dans ce registre, bien que loin derrière les Youtube, Facebook et MySpace. Ce qui supprime irrémédiablement tout intérêt à MyMajorCompany.

Mais les véritables concurrents de MyMajorCompany ne sont pas ces mastodontes ou les startups qui tentent de percer dans les sites communautaires sur le thème de la musique. Ce sont les entreprises qui vont être capables d’aider les artistes à générer plus de revenus. Et dans ce domaine les startups comme BandCamp qui facilite la vente de produits dérivés, LiveStream ou Awdio qui permet de diffuser des événements en live sur Internet sont pour le moment bien placé pour devenir les partenaires à la fois des maisons de disque que des artistes en devenir.

Dans un modèle où la production n’est pas un souci, où la diffusion ne l’est plus non plus, tout se jouera sur la capacité des artistes et des maisons de disques à rester en contact avec son public et fournir du contenu fréquemment pour ne pas être oublié et remplacé par un autre. L’avenir ne sera pas un débat entre mass market et long tail mais reposera sur la capacité à produire des contenus inédits et nouveaux qui pourront être vendus aux fans.

Article initialement publié sur Tech Crunch France

Crédits photos : FlickR CC louisvolant; Steve Crane

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