A force de se préoccuper de vendre la musique, on en oublie l’Art

Le 2 août 2010

Si l’on veut faire de l’argent, il faut devenir expert comptable. Si l’on veut faire de l’art et de la musique, alors il faut continuer d’en faire. Créer n’est pas un préalable pour gagner de l’argent

Rich Huxley est membre du groupe de musique indé “Hope and Social”, producteur, et un des fondateurs d’Alamo music, le premier label anglais collaboratif qui appartient aux fans.

Le débat constant sur le besoin de monétiser la musique est assez déroutant pour moi. Ce n’est pas parce que l’on fait de l’art que l’on mérite de gagner de l’argent avec.

L’art pour l’amour de l’art

Art —nom

1 . La qualité, de production, d’expression ou d’un domaine spécifique selon les principes esthétiques de ce qui est beau, séduisant, ou qui sort de l’ordinaire. (Dictionary.com)

Relisez cette phrase encore une fois : « …ce qui est beau, séduisant, ou qui sort de l’ordinaire ». C’est ce qui devrait être à la fois la motivation et la récompense des musiciens, de faire quelque chose de beau et d’original.

Les chefs d’œuvres sont rarement produits dans le but unique de faire de l’argent. (je suis sûr que beaucoup argumenteront que les deux s’excluent mutuellement).

Pourquoi Bowie a fait « Changes » ? Pourquoi Lennon et McCartney ont écrit « A Day in the Life » ? Pour moi, si l’on veut faire de l’argent, il faut devenir expert comptable. Si l’on veut faire de l’art et de la musique, alors il faut continuer d’en faire. Créer n’est pas un préalable pour gagner de l’argent (fabriquer un marteau ne signifie pas que quelqu’un devra, de droit, acheter ce marteau).

Tu fais et joues de la musique ? Quelles sont les raisons pour lesquelles tu as commencé à jouer ? Pourquoi as tu rejoins un groupe ou joué pour la première fois devant un public ? Souviens-toi, quelle était ta motivation !

Dans mon cas, je me rappelle avoir vu mon père jouer du rock’n roll devant des amis et des inconnus, pendant des parties de déboire à guichet fermé en dehors des horaires d’ouverture des bars. Il jouait pour le plaisir des autres, gratuitement. Sa récompense était les visages illuminés et le sourire des gens qui partageaient ce moment. Il est, par essence un Fun-Pusher (donneur de plaisir).
C’est pourquoi je suis fier de dire « je fais partie de Hope and Social  et je vends du plaisir. Bien que ce ne soit pas le produit le plus cool ou le plus trendy (ce n’est pas du sexe, ni quelquechose de matériel, ni la plus belle coupe de cheveux, ou le jean le plus slim), c’est tout de même une monnaie à part entière.

Nous avons notre propre identité, notre propre concept, ça engage des fans et des nouveaux amis, et ça nous suit à chaque concert. Nous créons une expérience et à chaque nouveau concert il se passe un truc différent. En plus, contrairement à un CD/enregistrement/mp3 ce n’est pas copiable, on ne peut le mettre sur aucun support matériel.

Have fun make art

Pourquoi nous ne méritons pas de gagner de l’argent avec la musique

Tout d’abord, l’art que tu fais n’est pas nécessairement du goût de tout le monde : putain, ça peut même être de la merde ! En outre, les gens peuvent ne pas te donner de l’argent, à toi spécifiquement. Ils peuvent faire leur choix non pas en fonction de la qualité de ta musique ou de ton merchandising, mais du montant qu’ils veulent bien t’accorder.

Il y a un tas de raisons très variées qui expliquent pourquoi les gens choisissent de ne pas acheter tes produits. Ce que l’on peut néanmoins faire, c’est leur donner des bonnes raisons d’acheter.
Bien que je ne pense pas que n’importe qui mérite, par principe, de gagner de l’argent en faisant de la musique, je crois fortement que les artistes méritent l’opportunité d’avoir les moyens de créer, dans l’espoir qu’un jour cela leur devienne profitable.

Il s’agit aussi en partie de minimiser les dépenses : s’assurer que ce n’est pas l’artiste qui paye de sa poche pour, par exemple, organiser un concert ou presser ses cds.

Il faut profiter des médias web, de la distribution numérique et des nouveaux moyens offerts par internet pour entrer en contact avec votre public. C’est la raison pour laquelle je pousse sans arrêt les artistes à vendre leur musique sur les plateformes Pay What You Want (Prix libre), et dans une moindre mesure en Cds si ils ont le budget pour cela.

Le Pay What You Want donne la possibilité non seulement de payer ce que l’on veut mais aussi de donner à qui l’on veut. C’est avec cette idée présente à l’esprit que les musiciens doivent désormais continuer, avec le désir de faire de l’art, de créer des belles choses et d’amener les gens à vouloir partager leur argent avec vous.

piano bar

Alors pourquoi faire de la musique ? Pourquoi faire de l’art ?

La musique est d’une force si puissante et attrayante que les non-musiciens cherchent aussi à y travailler. Les attachés de presse par exemple, vont souvent travailler pour un salaire bien moindre que dans un autre secteur, mais vont y trouver beaucoup plus d’épanouissement. C’est la même chose pour un musicien, mais dans des proportions encore plus grande.
Je me rappelle quand j’ai commencé à écrire de la musique, c’était mon espoir qu’un jour quelqu’un viendrait me dire qu’une de mes créations l’a touché de la même manière que la musique m’a touché moi. Si quelqu’un te dit que ta musique est celle qui le motive avant de partir en soirée, que ça l’a aidé à dépasser un moment difficile, ou encore l’a inspiré artistiquement, alors voilà ta rémunération en tant que musicien. A mon sens, c’est cela qui devrait être la motivation principale pour commencer une carrière dans la musique, ce qui devrait pousser à écrire, répéter, jouer en live.

A travers la distribution en pay what you want, les concerts, le fait de donner du plaisir aux autres, comme j’ai pu voir mon père le faire gratuitement pendant 20 ans, je fais maintenant partie du groupe avec lequel j’ai toujours rêvé d’être.

Hope and Social est devenu au fil du temps un groupe de scène. Un peu comme un E-Street du Yorkshire, nous proposons un spectacle, un événement. Nous ne proposons certainement pas qu’un concert (bien que si c’était le cas, ce serait un putain de concert !). Ce que nous faisons est financièrement viable, et parfois il y a même un extra pour nous tous, mais au delà de ça, pouvoir faire de la musique est la récompense en elle-même.

Qui plus est, en saisissant les nouvelles opportunités qu’offre internet pour rentrer en contact et partager avec son public, nous sommes arrivés aujourd’hui à un point où nous sommes bien plus rentables qu’à l’époque où nous investissions dans la pub, la communication ou la distribution. Rentabilité d’abord, bénéfices ensuite.

Au delà du fait de profiter des nouvelles opportunités qui s’offrent à nous aujourd’hui, il est tout aussi important de ne pas perdre de temps et de l’énergie à se plaindre sur le fait que tout le monde télécharge gratuitement la musique, et de commencer à donner aux gens des putains de bonnes raisons de vous donner de l’argent.

This article was written by Rich Huxley for Creative Deconstruction – a place for music entrepreneurs.
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Traduction : Miruna Mitranescu

Crédits Photo CC Flickr : pictour_this, matthileo,

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