Presse tradi, ton rival est un lycéen de dix-sept ans

Le 25 juin 2010

Vittorio Zambardino, vétéran de Repubblica et auteur du blog "Scènes digitales" invite ses confrères journalistes ne pas ignorer l'ouverture du milieu aux non-professionnels. Édifiant.

Je suis tombé par hasard sur les (bons) papiers d’un envoyé (très) spécial au procès en appel contre le sénateur Marcello Dell’Utri (Peuple de la Liberté, parti de Silvio Berlusconi), mis en examen pour “concours extérieur en association mafieuse”.

Ce qui m’a étonné, ce sont plusieurs choses.

D’abord, l’envoyé en question, Federico Pignalberi, écrit pour AgoraVox Italia, site de journalisme citoyen fondé par des jeunes et dirigé par des jeunes. Ensuite, il ne se trouve pas sur place mais chez lui à réviser. Et oui, parce qu’il n’a que 17 ans.

“J’avais remarqué que personne ne s’en occupait quand j’ai commencé il y a un an et cela me semblait absurde, me dit-il au téléphone. J’ai donc commencé à suivre les séances à la radio. Puis, j’ai récolté des numéros de téléphone. Je me fais envoyer des documents en continu. J’y travaille tous les jours.”

J’ai passé un papier de Federico a un confrère, expert en chroniques judiciaires. Il m’a répondu : “C’est remarquable ce qu’il fait. Je vais garder son travail parce que moi non plus je n’ai pas suivi le procès.”

Donc : je ne suis pas le seul à être impressionné. Pourquoi ? Au-delà de son âge, Federico est publié par une rédaction de gens entre 27 et 30 ans qui travaillent depuis Paris (dans les bureaux d’AgoraVox France). C’est-à-dire, par d’autres gens qui, dans la presse traditionnelle, auraient, au mieux, été des stagiaires exploités.

Nous continuons à penser notre métier comme une industrie fermée

Chers confrères journalistes, est-ce que nous voulons regarder la réalité en face ? Nous continuons à penser notre métier comme une industrie fermée faite dans des lieux officiels, comme dans un film. Mais exactement comme pour la consommation de films, il y a ceux qui veulent et vivent le journalisme comme une activité ouverte et libre pour tous – libre aussi des écoles de journalisme – et qui ne demandent à personne l’autorisation pour en faire.

Comme vous voyez, ils y arrivent même avec des résultats. Si jamais vous daignez parcourir l’Italie du festival de Pérouse et des débats publics (comme je le fais dès que je peux), vous vous rendriez compte que le pays regorge de Federico qui ne demandent pas d’autorisation pour vivre le journalisme comme une valeur civile (“Je trouve cela absurde que personne ne s’occupe du procès !”).

Il ne s’agit pas de donner un travail à Federico. Il l’a trouvé tout seul même si je crains qu’AgoraVox ne le paye pas. L’embauche viendra tôt ou tard. Mais je ne sais pas s’il faut que je lui souhaite. Le problème est plutôt que nous sommes (vous êtes) désintermediés. Il n’y a pas d’iPad qui tienne. Seule la qualité (extrême) nous (vous) sauvera, en jouant chaque jour la compétition avec tous les Federico de ce monde. Mais attention, ces petits génies du journalisme ont de l’avenir.

Billet originel : Il nostro inviato dal liceo scientifico ci fa concorrenza. Bene – Traduction Adriano Farano

Les billets du lycéen sur AgoraVox

Version anglaise : Dear mainstream press, meet your rival. From high schoolress

À lire aussi : notre dossier sur le Festival International de Journalisme de Pérouse en Italie

Image CC Flickr Dunechaser

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