Les VPN, les nouvelles “concessions” de liberté en Chine sur le Net

Le 17 mars 2010

Dans cet article d'El Mundo traduit, le blogueur chinois Michael Anti (Zhao Jing) explique que de nombreux internautes de son pays utilisent aujourd’hui le Virtual Private Network, un accès sécurisé à des ordinateurs à distance, permettant d'aller librement sur Internet. L'équivalent virtuel des anciennes concessions de Shanghai.

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Voici un article de Michael Anti (Zhao Jing) , blogueur chinois, fervent défenseur de la liberté d’expression dans les pays asiatiques. Il s’exprime ici sur la Chine virtuelle. Son article a été repris le 16 mars 2010 par le site du quotidien espagnol El Mundo et est traduit ci-dessous par mes soins. Il ne fait pas que dénoncer la situation, il explique comment et pourquoi elle n’est pas désespérée.

Lu Xun est un écrivain chinois majeur du XXème siècle. Il a vécu pendant neuf ans à Shanghai. La ville était alors répartie entre différentes concessions étrangères. L’Espagne, et onze autres pays occidentaux occupaient alors les lieux. Ces concessions permettaient à des progressistes comme Lu Xu de jouir d’une liberté d’expression, peu habituelle à cette époque chaotique. Ces concessions étaient donc des exceptions de liberté.

Aujourd’hui, nous savons que Google désire se retirer du marché chinois, ou plutôt que le groupe souhaite arrêter de s’autocensurer et mettre en place un moteur de recherche non filtré. De ce fait, il est indéniable que cela donnera lieu à la création d’un système de surveillance du net plus radical encore, le Grand « Coupe-feu », et la connexion à Internet se stoppera lors d’une recherche de sujets sensibles tels que Hu Jintao, Tian An Men ou encore dalaï-lama.

Toutefois, de nombreux internautes chinois se réunissent sur Twitter, bloqué en Chine depuis juin dernier, et espèrent que Google se retirera de façon officielle rapidement. Puisqu’il leur est désormais possible d’accéder à un Google non censuré sans que leur connexion se coupe, pourquoi pleureraient-ils la perte de google.cn ?

En Chine, les habitants n’ont pas accès à Facebook, Twitter, Youtube ou d’autres services interactifs intéressant et UGC (user generated content). Le régime tient à contrôler toute l’information, mais le web 2.0 est trop rapide et trop vaste pour que les censeurs parviennent à tout superviser. Et à la manière de leurs rivaux de la Chine ancienne, ils empêchent les citoyens de manifester leur désaccord.

Tout comme Lu Xun vivait dans les concessions étrangères, de nombreux internautes chinois utilisent aujourd’hui le Virtual Private Network (VPN), un accès sécurisé à des ordinateurs à distance. C’est donc un réseau virtuel s’appuyant sur un autre réseau et permettant ainsi un accès libre à Internet.

J’ai moi-même obtenu deux VPN (entre 25 et 40$ chacun). Le second ne me sert que de copie, de sécurité si le premier plante. De nombreux VPN et proxies ont déjà été supprimés par le Grand Couvre-feu chinois. Les autorités hésitent à le faire également pour les VPN commerciaux mais les cinq cents membres de Fortune, à Shanghai, en ont besoin pour les affaires et les expatriés les utilisent pour communiquer avec leur famille à l’autre bout du monde. Sans ces VPN, la Chine serait comme un désert informatif dans lequel les étrangers ne pourraient pas respirer, et donc vivre. Et si les communistes détestent la liberté d’expression, ils adorent le marché mondial.

De cette façon, grâce à ces hommes d’affaire et les émigrés, je profite d’internet librement avec ces concessions que sont devenues les VPN. Elles sont les exceptions de la censure chinoise. Beaucoup d’internautes les utilisent pour obtenir des infos qu’ils diffusent ensuite sur les sites chinois comme Sina, Youku, Tudou,…

Aujourd’hui, j’ai tweeté: « Ceux qui n’auront pas utilisé de VPN, seront des citoyens de seconde catégorie dans cette société de l’information parce qu’un abîme s’est ouvert entre le web des VPN et celui censuré » Cela signifie que la majorité des jeunes Chinois font partie de cette tragédie.

Doit-on avoir peur de la croissance de la Chine ? Non. Mais seulement en partie. Je ne pas que ceux qui vivent avec la censure d’Internet puissent innover et donc s’engager dans la création d’un grand futur. Mais ceux à qui on a lavé le cerveau, notamment par cette censure, pourraient avoir des idées et des opinions partiales sur le monde libre.

Je devrais remercier Google. Son action courageuse, même si elle semble stupide, est aussi un appel visant à réveiller les internautes chinois. Un d’eux a posté un commentaire après une propagande anti-Google : « Google, je t’en prie, va-t-en le plus loin possible mais n’oublie pas de m’emmener avec toi »

Google-bye, je te salue de la concession VPN en Chine. J’espère que c’est un au revoir temporaire avant de mieux nous retrouver.

> Article original : VPN, las ‘concesiones’ de libertad en Internet contra la censura en China

> A ce propos, lire aussi l’article du Soir : Le Cinquième pouvoir aux cyber-citoyens !

> Michael Anti : http://twitter.com/mranti

Billet initialement publié sur le blog d’Anaïs Martinez sous le titre “Les VPN, nouvelles concessions chinoises”

Image Pip_Wilson sur Flickr

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