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Le 23 décembre 2009

Nous sommes il y a quelques années, au moins en 2006, lorsque vous rencontrez dans un wagon de la ligne 11, entre Hotel de Ville et Goncourt, une charmante jeune fille vous échangez quelques regards. Puis quelques mots. Puis “Je descends ici“, puis, plus rien...

Nous sommes il y a quelques années, au moins en 2006, lorsque vous rencontrez dans un wagon de la ligne 11, entre Hotel de Ville et Goncourt, une charmante jeune fille vous échangez quelques regards. Puis quelques mots. Puis “Je descends ici“, puis, plus rien. Immédiatement ou dans les jours qui suivent, vous déposez une annonce dans Libé ou vous attendez que votre nouvelle amoureuse d’un jour dépose elle-même l’annonce, preuve de la réciprocité de votre amour naissant. Vous pouvez également envisager une autre solution, en demandant à Jacques Pradel ou Bataille & Fontaine de s’en occuper et subir l’humiliant râteau sur un plateau de télévision, ou la révélation à la France entière de votre histoire étonnante et irradiante. “Je l’ai rencontrée dans le métro
De nos jours, rien d’aussi excitant… Pas besoin d’acheter Libé. Pas même besoin de le lire ! Il existe un site pour ça sur lequel les annonces sont classées par date, avec le petit pictogramme correspondant à la ligne. Pour rencontrer la personne vue dans le métro, une solution seulement est envisageable, celle qui consiste à regarder chaque jour si sur les lignes que vous avez pris la veille, quelqu’un a déposé une annonce. Ou alors, on pourrait imaginer une solution qui, couplée avec votre carte Navigo, cette carte qui rapte tous vos déplacement sur le réseau RATP et SNCF en ÃŽle-de-France, saurait vous dire quelles annonces ont été émises sur votre trajet.

Internet qui remplace les petites annonces, c’est la mort du petit commerce, me direz-vous. Détrompez-vous ! C’est surtout une formidable caisse de résonance. Internet, c’est l’occasion de mobiliser des bonnes âmes pour faire passer votre message à leur réseau plus facilement. Passons rapidement sur le blog Vélib, qui propose un service identique autour d’une bicyclette, le Vélib semblant être un terrain propice de rendez-vous.

Nous pouvons rester quelques instants sur “Je cherche un mec, Please RT” qui a demandé un peu de RT, et donc de participation, à la twittosphère un vendredi soir. Ce n’est pas vraiment un début en il était une fois. Ça ressemble plus à une détresse bridgetjonesque post-internet qu’à Un jour mon prince viendra en nettoyant le sol. Mais ensuite, ça devient un peu plus fairytalique. unmec crée un blog pour raconter à Marion pourquoi il avait répondu et comment il espérait la rencontrer. Marion répond sur Twitter qu’elle veut rencontrer unmec dans la vraie vie et ainsi fut fait.

On peut accorder également un peu de temps à Marc qui croise une hôtesse lors d’un vol Paris – Toulouse. Il lui écrit une lettre et veut tout faire pour la retrouver :

Depuis, le 20 décembre au matin, je cherche à lui transmettre une lettre. La seule chose que je sache d’elle, c’est qu’elle habite le Gers et qu’elle fait de l’équitation…

Libération lui propose rapidement d’ouvrir un blog pour raconter son histoire. Il espère retrouver l’hôtesse. Il se donne un an. Sur son blog, il demande de relayer son appel et raconte ses péripéties. Un récit intéressant, des références culturelles, de nombreux personnages forment un récit très intéressant. Hélas, le 30 mai 2009, il arrête son blog et sa recherche avant le 20 décembre. Nous n’en savons guère plus sur le résultat de sa quête mais comme le dit un commentaire : “plutôt que la fin d’une recherche, c’est le début d’une histoire…

Traversons maintenant l’Atlantique. Nous sommes le 4 novembre 2007. Il est 9:30. À New-York City, Patrick Moberg vient de rencontrer une femme dans la ligne 5 du métro. Il sait que ce n’est pas une banale rencontre, mais sûrement le début de quelque chose de grand. Assez habile de son crayon, il dessine un rapide descriptif de la fille en question, puis se dessine à côté.

de mignon cheveux bruns
une fleur dans les cheveux
des joues rouges
des collants bleus
un mini-short bleu
tu écrivais dans un calepin.

Il ajoute des informations sommaires sur le lieu de la rencontre. À son propos, il se dit maigre et grand. Il ajoute qu’il n’est pas fou1. Il achète un nom de domaine qui en dit long —http://nygirlofmydream.com— et y dépose son dessin. Ensuite, ne cessant de chercher de son côté, il laisse faire les autres. Après que la mayonnaise a bien monté sur Internet, tout New-York parlant de cette jeune fille et grâce à une personne qui a vu le site via une autre personne qui… On lui envoie une photo de la fille en question. Une jeune stagiaire australienne. Cinq jours après son appel désespéré, il rencontre Camille Hayton.

Cela vaut-il donc vraiment le coup de déplacer autant d’air pour une rencontre ? Drôle d’endroit —houlà, en relisant cette phrase, j’ai l’impression d’être Carrie Bradshaw avec ses réflexions à la con— Et puis, si on n’a pas la chance de rencontrer des gens dans la rue, dans le métro, dans l’avion, comment fait-on ? Internet peut être une solution pour rencontrer des gens.

Je ne peux pas vous parler de meetic, que je ne connais pas. Ni d’Adopte un Mec, que je ne connais pas non plus. Parlons donc de ce que je connais, les réseaux sociaux. À ce niveau, selon le Jacky Love 2.0 la situation peut se resumer par ce motto:

Facebook = EPIC WIN
Twitter = EPIC FAIL

D’un point de vue strictement drague s’entend. Draguer sur Facebook, d’autres en ont déjà parlé ailleurs. Entre “il est mignon ton pote sur telle photo, tu me le présentes” ou “salut, on s’est vu en soirée, on n’a pas eu le temps de discuter” qui enchaîne sur une friend-request —de la même façon que pour les exemples ci-dessous, nous ne nous intéresserons qu’à la rencontre—.

Twitter, c’est une autre histoire. Tout d’abord, les photos sont toutes petites, le MySpace angle règne en maître. Pour vous faciliter vos recherches, des utilisateurs ont prévus la liste des des jeunes femmes, des femmes mûres ou encore des hommes potentiellement intéressant.

Seulement, le physique (seul) ne fait pas tout, c’est la beauté intérieure qui compte comme dirait n’importe quelle personne sortant avec quelqu’un de moche. L’intérieur, on peut plus ou moins en juger par le contenu des tweets émis, à condition qu’ils soit un brin personnels. Donc à moins de n’avoir aucune pudeur2 et de se lancer dans des méthodes de drague (en 140 caractères) au vu et au su de tout le monde, il faut obligatoirement que la personne qui vous intéresse vous suive pour que vous puissiez échanger des messages directs discrets. Et que rapidement soient échangés des moyens de communiquer plus pratiques. Parce que discuter en 140 caractères, ce n’est pas ce qu’il y a de plus simple —ma préconisation serait un échange de dm, pas plus de 20, une friend-request sur Facebook pour avoir accès au chat et une rencontre dans le mois, gTalk soudera la relation.

Pour conclure, on n’a parlé que de rencontres, on ne s’est attardé que sur le début d’une histoire et pas sur l’histoire en elle-même. C’est le credo des contes de fées, et c’est ce que j’ai tâché de raconter. Ce qui est intéressant, dans ces histoires, c’est qu’elle réveillent chez les geeks que nous sommes quelque chose. L’espoir d’une rencontre 2.0 ! Meetic est trop utilisé et pas marrant. Ces histoires sont plus excitantes. C’est un peu comme aka-aki. Vous avez envie de parler à cette fille dans le bus ? Croisez les doigts pour qu’elle soit branchée sur aka-aki elle aussi. Magie du bluetooth, elle apparaîtra sur votre écran. Mieux encore, vous levez votre iPhone, et il indique automatiquement quel est le statut de cette jeune fille. Un clic, deux mots, et elle lèvera vers vous ses yeux clairs. La suite, c’est une autre histoire, une sombre histoire de coeurs dans les statuts Facebook…

1 : ce qui n’est pas forcément un signe de creepiness, note de l’auteur aux lectrices ↩

2 : je n’ai rien compris à cet article ↩

article publié initialement de manière beaucoup plus originale dans la forme sur alphoenix.net

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