OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Caméras myopes contre le terrorisme http://owni.fr/2012/03/23/les-cameras-myopes-contre-le-terrorisme/ http://owni.fr/2012/03/23/les-cameras-myopes-contre-le-terrorisme/#comments Fri, 23 Mar 2012 17:25:24 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=103122

Face à une discrète caméra, il faut sonner et montrer patte blanche pour atteindre le premier étage. A l’intérieur des locaux de la police municipale, le centre de supervision urbaine (CSU) est particulièrement protégé. Les escaliers gravis, s’ouvre une pièce spacieuse.

Au mur, 26 moniteurs, dont deux grands écrans. Ils projettent les images des 47 caméras de vidéosurveillance installées à Montauban sur la voie publique. Avec un ratio de 1 234 habitants par caméra, la ville a un taux d’équipement élevé, au point qu’elle aurait pu figurer à la 7e position de notre palmarès des villes les plus vidéosurveillées.

Le 15 mars, quatre d’entre elles ont filmé les premiers instants de la fuite du pilote de scooter qui venait de tirer à bout portant sur trois militaires ; deux sont morts sur le coup, le troisième est très grièvement blessé.

Suivi en différé

Le directeur de la police municipale de la ville, Yves Lafourcade, raconte :

Dès qu’ils sont arrivés sur place, les pompiers et la police nationale nous ont appelés pour qu’on regarde sur nos écrans. Aucune caméra n’avait directement accès à la scène mais l’opérateur a utilisé une caméra proche.

L’opérateur chargé de la vidéosurveillance cet après-midi là, jeudi 15 mars, rembobine les bandes “de trois minutes” selon Yves Lafourcade. Il est seul – son binôme est en arrêt maladie – et ne tient pas à nous parler, affirme son chef. Avec ce différé de quelques minutes, il retrace la première minute du trajet du fuyard à partir des signalements donnés par des témoins du crime.

L’opérateur suit sur quelques centaines de mètres le scooter noir qui passe le long des berges du Tarn. Puis le perd. Les enquêteurs ont une indication sur la direction générale. Une caméra située dans la zone industrielle Sud confirme qu’il n’a pas emprunté la route de Toulouse, ni la rocade, elle aussi équipée de caméras.

Par déduction, les policiers supposent que le conducteur du scooter a pris une autre route pour sortir de la ville, qui file vers le Sud elle aussi. La confirmation est donné par un automobiliste. Dans l’après-midi, jeudi, il contacte les autorités pour signaler la présence d’un motard roulant à grande vitesse, qui l’a doublé à “au moins 130 km/h”.

“La vidéosurveillance permet d’ajouter des éléments à l’enquête” avance le directeur de la police municipale, rejoint par Brigitte Barèges, député-maire (UMP) de Montauban :

Une enquête policière s’appuie sur une série de pistes. Certaines n’aboutissent pas, mais tout est utile.

Mardi matin, lors de la visite des grands magasins dans le centre de Toulouse, le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, avait confirmé que les images de vidéosurveillance n’avaient pas été très bavardes.

Dimanche soir, trois jours après le double assassinat de Montauban, “un expert informatique, accompagné d’officiers de la SRPJ [Service régional de la police judiciaire, NDLR], sont venus recueillir les bandes vidéos de la ville” précise Brigitte Barèges, député-maire UMP de Montauban :

Ils ont pris une semaine d’enregistrement.

Soit plus de 7800 heures, des milliers d’heures qui nécessitent au moins une semaine pour être exploitées. Légalement, les bandes de vidéosurveillance peuvent être conservées jusqu’à un mois. A Montauban, cette durée est restreinte, regrette Yves Lafourcade :

Les capacités de stockage limitées contraignent le CSU à ne les garder qu’une semaine.

Matière surabondante

Sept fois 24 heures de 47 caméras enregistrées donnent une matière surabondante aux forces de police. Les enquêteurs y cherchent une éventuelle reconnaissance des lieux, puisque l’assassin semblait connaître les lieux et les rues de la ville.

Enquête en bas débit

Enquête en bas débit

L'identification du terroriste au scooter a été très rapide, selon certains. La chronologie que nous avons reconstituée ...

Les 47 caméras sont installées à des intersections, détaille le directeur de la police municipale. “Des caméras dômes” qui peuvent être pilotées par les opérateurs. Dans le CSU, leur plan de travail est divisé entre les moniteurs au mur et un écran d’ordinateur sur leur bureau.

Avec, au choix, un joystick, un clavier ou une souris, ils peuvent prendre le contrôle des caméras pour les faire tourner sur elles-mêmes ou zoomer sur un point. “Un zoom x26″ précise l’un des opérateurs présents. Sur l’écran d’ordinateur s’affiche le plan des rues autour de la caméra et en couleur le spectre balayé par la caméra.

Lorsqu’un opérateur agrandit la façade d’un immeuble privatif, un cache apparaît sur les fenêtres. Une mesure obligatoire. Étonnamment, les images restent en clair lorsque la caméra dézoome. En 2006, la ville comptait 24 caméras, installées sous l’impulsion de Brigitte Barèges, élue en 2001. Jeudi, elle défendait vigoureusement ces choix locaux, et d’autres à l’échelle nationale :

Je suis moi-même avocat, opposée à la peine de mort et attachée aux libertés publiques. Ceci dit, les libertés publiques supposent aussi que la société se protège. C’est la raison pour laquelle nous avons voté la LOPPSI 2 afin de renforcer notamment la lutte contre le terrorisme.

Dans la LOPPSI, nous avions voté tout un chapitre pour pouvoir utiliser les fichiers et avoir des contrôles sur les adresses IP. Toutes ces mesures permettent d’aller un peu loin dans la vie privée des gens, mais les nécessités l’imposent, on le voit bien aujourd’hui.

Le maire PS de Toulouse, Pierre Cohen, a répété jeudi sa méfiance envers la vidéosurveillance, alors que l’installation de 642 caméras “sécuritaires” dans le métro et le tram était reportée :

La vidéoprotection est présentée par certains comme la solution miracle pour cacher les difficultés à juguler la délinquance, mais elle pose des problèmes en matière de libertés.


Illustration et couverture par Marion Boucharlat pour Owni /-) Photos additionnelles par Pierre Alonso

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Dix jours de profils terroristes http://owni.fr/2012/03/22/dix-jours-profils-terroristes-mohamed-merah/ http://owni.fr/2012/03/22/dix-jours-profils-terroristes-mohamed-merah/#comments Thu, 22 Mar 2012 11:02:45 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=102925

Un inconnu qui règle ses comptes, un déséquilibré, un néo-nazi viré de l’armée, un jihadiste. Depuis une semaine, les enquêteurs ont étudié des pistes multiples, et autant de profils, pour trouver le coupable des assassinats qui secouent la région de Toulouse.

Mercredi, à 16h30, le procureur de Paris, François Molins a brandi une réponse : l’auteur présumé, Mohamed Merah, présente un profil “d’autoradicalisation salafiste atypique”. La formule clôt une enquête de 12 jours, depuis l’assassinat d’Imad Ibn Ziaten, un sous-officier du 1er régiment du train parachutiste.

Tous les profils

La Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), saisie, étudie alors toutes les pistes, y compris des querelles personnelles. L’affaire prend une tournure plus sérieuse à partir du 15 mars, quand trois militaires du 17e régiment du génie parachutiste sont pris pour cibles ; deux sont tués d’une balle dans la tête, le troisième très grièvement blessé.

La DCPJ reçoit l’aide des services spécialisés dans les affaires terroristes, la sous-direction antiterroriste (SDAT) et la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Mais le profil du tueur reste éthéré. Lundi, trois enfants et le père de deux d’entre eux sont assassinés dans une école juive, à Toulouse. Les enquêteurs semblent alors privilégier deux pistes : celles du néo-nazi et du jihadiste.

En 2008, la caserne de Montauban, le 17e RGP, avait été éclaboussée d’un scandale. Le Canard Enchaîné avait publié une photo montrant trois militaires du régiment devant un drapeau nazi, en train de faire le salut fasciste. Plusieurs voix dénonçaient alors un climat raciste au sein de la caserne.

Autre source d’intérêt pour les policiers, l’assassin semble aguerri au maniement des armes. Dans les témoignages recueillis et sur les images filmées dans l’école, ils notent son sang-froid, sa parfaite maîtrise et son calme.

Du néo-nazi au jihadiste

Mardi en fin d’après-midi, le procureur de Paris dément favoriser une hypothèse plutôt qu’une autre. Toutes les pistes restent ouvertes, martèle-t-il. Du néo-nazi au jihadiste, Mais dans la nuit, mercredi matin très tôt, assaut est donné contre le logement d’un habitant du quartier bourgeois de la Côte Pavée à Toulouse, au 17 rue du Sergent Vigné.

Enquête en bas débit

Enquête en bas débit

L'identification du terroriste au scooter a été très rapide, selon certains. La chronologie que nous avons reconstituée ...

Le profil de l’assassin présumé se dessine dans la journée, alors que s’égrainent les conférences de presse. Claude Guéant, le ministre de l’Intérieur, le décrit comme “celui qui a commis les assassinats successifs des 11, 15 et 19 mars”. Un jihadiste. Un jeune de la banlieue toulousaine. Il a grandi entre la cité du Mirail et les Izards, un quartier populaire. Le premier assaut des unités d’intervention spéciales du RAID, lancé à 3h10, a été accueilli par un rafale de tirs par l’occupant des lieux. Il blesse deux policiers, l’un au genou, l’autre légèrement. Un autre assaut à 5h donne un résultat similaire. Un nouveau blessé, à l’épaule, côté policier et l’homme reste toujours retranché à son domicile.

Zones tribales

Mais un canal de communication est établi. Un négociateur du RAID parvient à parler avec lui. Il est prolixe, dévoile son passé et revendique les sept assassinats de la semaine. L’homme a un nom et un âge, rendus public tôt le matin. Mohamed Merah, 24 ans, finalement ramené à 23 en fin de journée.  Il dit agir au nom d’Al-Qaida, vouloir punir la France pour son engagement en Afghanistan et tuer des enfants juifs pour venger la mort d’enfants palestiniens.

Selon le procureur du parquet antiterroriste, François Molins, Mohamed Merah a effectué deux séjours dans les zones tribales afghano-pakistanaises. Il s’y serait rendu par ses propres moyens, “sans avoir recours aux filières connues”, et surveillées. Contrôlé par hasard par les autorités afghanes, il est remis à l’armée américaine, puis renvoyé en France lors de son premier séjour, dont le parquet n’a pas précisé la date.

Son second séjour aurait duré deux mois, entre “mi-août et mi-octobre 2011″, date à laquelle il rentre en France, atteint d’un hépatite A. Mineur, Mohamed Merah avait été condamné à de nombreuses reprises pour des délits de droits communs. Il avait été écopé d’un an de prison. Mohamed Merah a deux frères aînés, dont Abdelkader, 29 ans. Tout comme leur mère, Abdelkader a été interpellé un peu après 3h30 mercredi matin.

Pas très pratiquant

Dans la matinée de mercredi, alors que Mohamed Merah est retranché à son domicile, des jeunes du quartier, connaissances et anciens camarades d’école, viennent à la rencontre des journalistes rassemblés à une centaine de mètres du 17, rue du Sergent Vigné.

L’un d’eux, Samir, décrit Mohamed comme une personne calme et généreuse, un type “qui porte les courses des vieilles”. Il dit ne pas comprendre, n’être pas au courant de séjours en Afghanistan ou de sa radicalisation. “Un croyant, mais pas très pratiquant” selon lui.

Kamel affirme être sorti la semaine passée avec Mohamed Merah dans une “boîte orientale” de Toulouse, le Calypso, et n’avoir rien remarqué. Tous condamnent unanimement. “Et encore, condamner, le mot n’est pas assez fort” ajoute l’un d’eux. “C’est comme le 11 septembre” déplore Samir.

Mercredi après-midi, le procureur, Michel Salins décrivait un jeune homme ayant connu des troubles du comportement enfant, un passé compatible avec “le profil psychologique du suspect”. Une personne au profil solitaire, qui pourrait passer des heures à regarder des vidéos très violentes, “comme des scènes de décapitation”, un loup solitaire au profil “d’autoradicalisation salafiste atypique”.

Jeudi matin, vers 11h30, Mohamed Merah est tué lors d’un assaut mené par les policiers.


Illustration (cc) par Truthout.org

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Enquête en bas débit http://owni.fr/2012/03/21/tueur-toulouse-dcri-mohamed-merah/ http://owni.fr/2012/03/21/tueur-toulouse-dcri-mohamed-merah/#comments Wed, 21 Mar 2012 19:22:54 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=102968

Interrogé sur RTL sur le point de savoir si on aurait pu identifier le terroriste au scooter plus tôt, et donc empêcher la tuerie dans l’école juive de ce lundi – quatre victimes, dont trois enfants -, Gérard Longuet, ministre de la défense, a répondu “je ne pense pas, sauf à transformer la France en Etat policier“. Et d’ajouter :

“C’est la question de l’Etat de droit. Nous pouvons en effet considérer chaque Français comme suspect. Ce n’est pas notre culture. Un Français n’est pas, à première vue , “coupable”.

À une personne qui demandait si les croisements de données qui ont permis l’identification de Mohamed Merah n’auraient pas pu être effectués plus avant, rapporte Le Point, un haut fonctionnaire a déclaré : “Oui, mais nous serions dans un État totalement surveillé“.

Interrogé par LesInrocks.com, Didier Hassoux, co-auteur de “L’espion du président“, sur les dérives de la DCRI, s’interroge de son côté : “pourquoi a-t-il fallu attendre neuf jours ? Je ne vois pas pourquoi on ne lui a pas collé une balise au cul durant les deux ou trois jours ayant suivi le premier meurtre“.

La réponse est simple : il a fallu attendre deux jours pour localiser physiquement Mohamed Merah, mais aussi et surtout six jours pour identifier quels ordinateurs, et donc potentiellement quels internautes, avaient consulté la petite annonce postée par la première victime du terroriste. Reste à savoir pourquoi. Retour sur une enquête qui aura duré dix jours.

La petite annonce, priorité des enquêteurs

Lundi 12 mars. Un motard abattu d’une balle dans la tempe à Toulouse. C’est ainsi que La Dépêche évoque, à 3h49, un faits divers ayant eu lieu la veille, sans préciser que la victime est un militaire. Le 13, le journal se demande s’il s’agit d’un vol ou d’une affaire de coeur, mais précise cette fois qu’il s’agissait d’un officier parachutiste considéré comme “un excellent élément“.

Plus important : La Dépêche évoque le fait que la victime avait posté une petite annonce sur LeBonCoin.fr fin février afin de vendre sa moto, et qu’il aurait reçu, quelques minutes avant d’être abattu, “un coup de fil” à ce sujet :

Ce rendez-vous était-il un piège ? Le ou les faux acheteurs ont-ils paniqué ? Le bike-jacking a-t-il mal tourné ? L’hypothèse fait partie des « priorités » des enquêteurs.

L’article, publié le 13 à 7h46, laisse entendre que la police avait fait de cette petite annonce l’une de ses “priorités” dès le lundi 12, au lendemain du meurtre.

La DCRI l’identifie jeudi

Jeudi 15 mars. Suite au meurtre des deux autres militaires, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) dresse, dans la journée, rapporte Libé, la liste d’une dizaine d’individus suspectés de sympathie avec les groupes islamistes en Afghanistan et au Pakistan, dont Mohamed Merah.

Une information confirmée par Le Monde, qui précise que Mohamed Merah avait effectué “plusieurs séjours en Afghanistan et au Pakistan, dans des camps d’entraînement d’Al-Qaida“, et qu’il faisait partie des “profils que nous surveillons, a indiqué au Monde une source du renseignement intérieur. Nous l’avions dans le collimateur“.

Claude Guéant aurait ainsi précisé, rapporte Le Parisien, qu’il “était suivi depuis plusieurs années par la DCRI et ses agents toulousains, mais jamais aucun élément de nature à (faire) penser qu’il préparait une action criminelle n’était apparu“.

Ce même jeudi soir, les services de Police judiciaire font le lien entre l’arme utilisée à Toulouse et celle qui avait frappé à Montauban : “à cet instant, s’est déclenché un énorme effort de mobilisation“, a expliqué Gérard Longuet, avec près de 200 enquêteurs lancés sur la piste du tueur au scooter.

Six jours pour identifier des adresses IP

Contacté par OWNI, LeBonCoin.fr a déclaré ne pas être “autorisé” à nous dire quand les services de police judiciaire lui avaient demandé la liste des ordinateurs ayant consulté la petite annonce en question, ni quand le site les leur avait transmis.

D’ordinaire, nous confirme une source policière, ce genre d’opérations ne prend que quelques minutes. Un autre source, proche de ceux qui répondent à ce type de réquisitions judiciaires, indique de son côté qu’elles sont traitées “en 48h maximum“.

Or, selon nos informations, ce n’est que le vendredi 16 mars, soit cinq jours après le premier meurtre, et trois jours après que la piste, considérée comme l’une des “priorités” des enquêteurs, ait été évoquée dans la presse, que la liste des 576 adresses IP a été transmise aux fournisseurs d’accès à l’internet (FAI). Ces adresses IP identifient les ordinateurs sur les réseaux, permettant donc de remonter jusqu’aux utilisateurs.

Ensuite, les FAI semblent eux avoir œuvré prestement : François Molins, procureur de la République de Paris, a expliqué que les résultats des vérifications, et donc la liste des abonnés à qui avaient été attribuées ces adresses IP, ont été connues le samedi 17 mars.

Une multitude de pistes

Cette liste, qui va s’avérer décisive, n’était que l’une des pistes suivies par les enquêteurs, qui ont également vérifié, toujours selon François Molins, 7 millions de données téléphoniques, et procédé à plus de 200 auditions, entraînant la rédaction de plus de 1000 PV.

La Dépêche précise que parallèlement, près de 20 000 dossiers militaires sont examinés par la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) “puis, pour certains, croisés avec les connexions internet. Chou blanc.“.

Dans la liste des internautes ayant consulté la petite annonce, un nom attire l’attention des enquêteurs, écrit Rue89 : Mme Aziri, mère de deux garçons connus des services de police :

Abdelkader Merah, impliqué dans une filière de transferts de djihadistes en Irak.
Mohamed Merah, condamné à 15 reprises par le tribunal pour enfants de Toulouse et apparu selon un « profil d’autoradicalisation salafiste atypique ».

Lundi après-midi, les enquêteurs identifient, selon la journaliste Audrey Goutard (à 1h35 de la vidéo) le n° de téléphone portable de Mohamed dans la liste de ceux présents autour de l’école juive où a eu lieu la tuerie.

Le lundi soir, huit lignes téléphoniques de Mme Aziri et de sa famille sont mises sur écoute, a expliqué François Molins : “Problème, on n’avait pas d’élément permettant de les rattacher aux trois affaires.

Mardi, les enquêteurs recueillent le “témoignage décisif” d’un concessionnaire Yamaha, qui révèle avoir reçu la visite d’un des frères Merah lui demandant comment désactiver le traqueur GPS du modèle de scooter utilisé par le tueur.

Mohamed est localisé mardi en début d’après-midi, son frère Abdelkader en fin d’après-midi. La décision de les arrêter dans la nuit est prise à 23h30, ce mardi.

La vidéo de Gérard Longuet, interrogé sur RTL :


Gérard Longuet, ministre de la Défense : "20… par rtl-fr


Merci à Pierre Alonso, envoyé spécial d’OWNI à Toulouse.
Illustrations par Marion Boucharlat pour OWNI /-)

Vous pouvez me contacter de façon sécurisée via ma clef GPG/PGP (ce qui, pour les non-initiés, n’est pas très compliqué). A défaut, et pour me contacter, de façon anonyme, et en toute confidentialité, vous pouvez aussi passer par privacybox.de (n’oubliez pas de me laisser une adresse email valide -mais anonyme- pour que je puisse vous répondre).

Pour plus d’explications sur ces questions de confidentialité et donc de sécurité informatique, voir notamment « Gorge profonde: le mode d’emploi » et « Petit manuel de contre-espionnage informatique ».

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http://owni.fr/2012/03/21/tueur-toulouse-dcri-mohamed-merah/feed/ 55
Les fab labs, incubateurs de futur http://owni.fr/2011/10/22/les-fab-labs-incubateurs-de-futur/ http://owni.fr/2011/10/22/les-fab-labs-incubateurs-de-futur/#comments Sat, 22 Oct 2011 11:53:28 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=84362
Tomas Diez est directeur de projet Fab Lab Barcelona à l’IAAC (Institute for Advanced Architecture of Catalonia). L’idée est de faire de Barcelone une grande Fab City composée d’une communauté interconnectée de fab labs implantée dans les quartiers.

Comment est venue l’idée de mettre en place une Fab City à Barcelone ?

Le Barcelone d’aujourd’hui est le produit de grands évènements tels que les jeux olympiques de 1992 et le forum universel des cultures en 2004. Une ville construite sur des évènements, de la spéculation, du tourisme et du spectacle. La réflexion sur le Barcelone du futur a commencé à ce moment là avec des personnes issues de l’IAAC comme Vincente Guallart, ancien directeur de l’IAAC et chef architecte de Barcelone, et Antoni Vives, député maire chargé de l’urbanisme et des technologies de l’information. Nous avons maintenant les moyens de construire Barcelone 5.0.

Justement, quels sont les objectifs de Barcelone 5.0 ?

Nous voulons retrouver l’esprit de production et d’invention de Barcelone tout au long des siècles passés mais avec de nouveaux outils et les nouvelles plateformes que sont les fab labs. La première expérience avec de l’électricité au siècle dernier a été faite à Barcelone par exemple, sur les Ramblas. Les fab labs sont les vecteurs de ces nouveaux concepts. Nous avons deux fab labs pour le moment. Un dans le Musée du design qui sera déplacé à l’est de la ville et un autre dans la vieille ville. Nous en préparons deux autres pour l’été 2012. Un green fab lab dans le nord de l’agglomération de Barcelone et un second dans le quartier défavorisé de Ciutat Meridiana. C’est un challenge. Nous voulons montrer que ce modèle peut changer les modes production, changer le lien social.

Quels sont vos moyens pour mettre ce projet en place ?

Nous allons créer une fondation et nous sommes en train de développer un label appelé FabCity. Nous pensons à un financement à la fois public et privé pour promouvoir ce projet qui sera également générateur d’une nouvelle économie. A moyen terme, nous pensons monter un fab lab par quartier. Ils seront gérés à terme par les habitants. Nous les formeront, et ils formeront à leur tour d’autres personnes. Dans quelques mois à Ciutata Meridiana, nous allons lancer le premier fab lab de quartier. Nous aurons toujours un pôle recherche et éducation mais le but est de produire des objets qui apportent du sens localement à la communauté. Des générateurs d’énergie, des antennes Internet. Tout cet argent investit générera de la productivité et de nouveaux modèles économiques, les gens fabriqueront leurs objets, des prototypes qu’ils pourront vendre à des compagnies. Même les compagnies pourront utiliser les fab labs pour tester des prototypes.

Et ces objets seront-ils gratuits ?

Je ne pense pas qu’il faut aller vers le tout gratuit. Toutes les choses ont de la valeur, ce peut-être du temps, ou le fait de donner quelque chose en échange. Vous utilisez une machine pour construire votre projet et en retour vous pouvez faire un site, ou réparer un ordinateur par exemple. Payer un abonnement à l’année peut aussi être une solution. Par exemple, vous dessinez un meuble et vous créez votre start up pour le commercialiser. Vous pourrez utiliser le fab lab pour faire vos prototypes et mettre en place votre production. Et vous versez un pourcentage au fab lab. C’est réellement un atelier de production par et pour la communauté, un partenaire de projets également. La réflexion est toujours en cours sur comment rendre les fab labs viables économiquement. Ce n’est pas facile mais nous n’en sommes qu’au début.

Les hackers parlent déjà de retour aux petites communautés reliées entre elles, les fab labs sont dans cette même continuité. C’est un retour vers un modèle coopératif local ?

Quand vous êtes sur Facebook ou YouTube, vous pensez que vous formez une communauté mais ce n’est pas le cas. Ici, il s’agit de créer des objets qui auront une utilité locale, sociale, environnementale, pour la société. Nous sommes clairement en train de changer de modèle de revenir vers le local, de fabriquer des choses utiles pour le bien commun. Nous avons tous les outils en main. Les imprimantes 3D, les machines de découpe laser même Internet. Les fab labs sont une opportunité pour connecter tous ces outils ensemble. Nous avons atteint le point où nous avons des outils puissants qui permettent de créer d’autres outils. Nous devons prendre tout cela au sérieux.

Trois étudiants en informatique et robotique, Gaétan Séverac, Aymeric Barthes et Vincent Boucher, développent un projet de robot pour aider l’agriculture durable. Gaétan, qui n’a rien à voir avec le milieu agricole, a eu cette idée en discutant avec des exploitants à la fête des asperges de Pontonx-sur-l’Adour en 2010 : ils lui ont fait part du manque de main d’œuvre pour effectuer certaines tâches. C’est grâce à Artilect, le fab lab toulousain, que le trio a pu développer une première maquette.

Présentez-nous votre concept.

Naïo technologies développe un projet de petit robot autonome, compagnon des maraîchers qui les aidera dans les tâches quotidiennes répétitives et coûteuses, en temps et en argent. Pour l’instant, nous avons identifié une application : désherbage. Cela servira aussi pour l’entretien, la récolte et l’identification des besoins pour le suivi des cultures (monitoring et aide à la décision). Par exemple, quand mettre des intrants (pesticides, engrais, etc ), pour cibler au plus juste et éviter le gaspillage en traiter uniquement la parcelle qui a besoin. Nous voulons rapprocher l’agriculture des nouvelles technologies, entre le tout bio et l’agriculture intensive, sans passer par des machines très chères, comme celles qui existent actuellement et sont rentables uniquement pour de grosses exploitations. Nous visons un produit intermédiaire. Actuellement on importe des oignons de Chine, notre projet permettrait de relocaliser.

Comment est-il reçu dans le milieu des agriculteurs ?

La problématique les intéresse mais ils sont incrédules sur la faisabilité technique. Ils voient ça comme une économie de main d’œuvre, qu’ils pourront utiliser pour optimiser le temps de travail et la gestion de la main d’œuvre, et se libérer du temps libre mais ils veulent voir un prototype avant. Il y a aussi une méfiance par rapport à l’autonomie, ils aiment garder le contrôle.

Quelles sont les prochaines étapes, quels obstacles devrez-vous passer ?

Nous avons validé la preuve de concept, nous allons ensuite fabriquer un prototype fonctionnel, soutenu par l’Icam, une école d’ingénieur toulousaine et pour la partie déplacement autonome et analyse d’image par le LAAS-CNRS à Toulouse aussi. Il devrait être prêt mi-2012 pour le tester pendant la saison des cultures.
L’autonomie dans un milieu ouvert, le champ, ce qu’on appelle la gestion des aléas, est un des principaux problèmes. Nous voulons aussi maîtriser le coût de la technologie pour que le produit reste accessible, on vise moins de 20.000 euros.

Existe-t-il des projets dans le même état d’esprit ?

[Un temps de réflexion] Aux États-Unis, un des fondateurs du ménager robot ménager Roomba prépare des robots pour le transport de charge [en].

Que pensez-vous de l’explosion des fab labs ?

C’est génial pour combler les lacunes ! Chez Artilect, nous avons trouvé des experts gratuitement pour faire un premier projet, sans argent.

Makus Kayser et son projet Solar Sinter

L’Allemand Markus Kayser s’est fait connaître avec Solar Sinter, un superbe projet d’impression 3D avec du sable. Diplômé du Royal College of Art, il vient de monter le Markus Kayser Studio à Londres, où science, art et ingénierie se rencontrent, par-delà les barrières disciplinaires.

Présentez-nous votre projet.

Le Solar Sinter est un projet qui parle de l’abondance. C’est une imprimante 3D gratuite qui utilise la lumière et le sable pour fabriquer des objets en verre dans le désert. Le but est réellement de montrer le potentiel porté par cette idée. Quand nous parlons de matières premières aujourd’hui on parle de rareté, quand on parle d’énergie, c’est pour évoquer les nombreux problèmes liés à l’environnement. Ce projet fait rêver les gens. Et c’est rare aujourd’hui.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Des personnes s’intéressent-elles déjà à ce projet ?

Nous avons eu des retours incroyables sur le Net, des milliers de gens ont vu la vidéo sur Vimeo. Je ne m’attendais pas non plus à voir des papiers de thèse déjà publiés qui explorent le développement de cette technologie sur Mars ou sur la Lune. Beaucoup de gens m’écrivent et me racontent leurs idées sur le futur de ce projet. Où cela pourrait nous mener. Cela fait rêver les gens et c’est important pour moi de continuer à le développer. Les gens pourraient s’emparer de ces idées, faire des machines similaires qui combinent technologie et nature.

Cette technologie pourrait-elle être mise en place en Afrique ?

Nous en sommes à un stade très expérimental. Nous avons besoin de plus de développement pour rendre le projet viable et donc d’argent. Par exemple, les architectes s’intéressent de très près au développement de ce projet sur une grande échelle pour imprimer directement des immeubles. Enrico Dini a déjà commencé en Italie à imprimer des structures à grande échelle. Donc, pour répondre à votre question, ce projet pourrait potentiellement venir en aide à des populations en imprimant des abris par exemple. Mais il est encore trop tôt. Tout dépend vraiment du financement !

Vous parliez d’Enrico Dini, quels sont les autres projets d’impression 3D similaires ?

En terme d’impression 3D d’ensembles architecturaux, Enrico Dini est celui qui est allé le plus loin. Beaucoup de projets existent, dont celui de l’Université de Loughborough en Angleterre, où ils utilisent du béton à la place du sable. Dini utilise du sable mais aussi un liant biologique qu’il a inventé.

Que pensez-vous du développement du réseau des fab lab à travers le monde ?

C’est un réseau fantastique. Je n’en fais pas partie directement, mais j’utilise beaucoup leurs logiciels libres, ceux des Reprap et de la Makerbot. J’espère collaborer de plus en plus à l’avenir avec eux.

Pensez-vous que nous vivons une révolution dans notre manière de produire les choses ?

Je pense que c’est ce qui se passe en ce moment même. C’est une technologie (l’impression 3D) qui devient plus efficace et qui rentre en production, mais en restant loin de la production de masse. Je ne sais pas si c’est une bonne idée que tout le monde ait une imprimante 3D mais des technologies qui permettent de réutiliser des vieux objets ou matières sont développées tous les jours. J’espère que la loi de Moore s’appliquera à cette technologie. J’y crois vraiment.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Interviews réalisées à Toulouse par Sabine Blanc et Ophelia Noor

Retrouvez les autres article du dossier fab lab :

Le Grand Emprunt booste les fab labs

Imprimer le réel à portée de main

Image de une par Ophelia Noor pour Owni /-)
Captures d’écran de la vidéo de Markus Kayser, Solar Sinter Project, CC Flickr Paternité KevinLallier

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Au Tetalab Hacker Space Factory, le courant alternatif passe http://owni.fr/2011/05/29/au-tetalab-hacker-space-factory-le-courant-alternatif-passe/ http://owni.fr/2011/05/29/au-tetalab-hacker-space-factory-le-courant-alternatif-passe/#comments Sun, 29 May 2011 18:03:19 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=64882

Nous sommes revenues cramées du Tetalab, le festival du hackerspace toulousain. Pourtant, nous ne sommes restées que le samedi. Le réveil à 5 h 30 et la jolie chaleur qui régnait sous le hangar du collectif d’artistes Mix’Art Myrys qui accueillait l’événement n’étaient pas les principaux coupables: non, ce qui nous a exalté, happé, épuisé, c’est le bouillonnement politique qui émanait de cette seconde édition placée sous le signe du Do-It-Yourself (DIY).

Pas politique au sens partisan, mais au sens de : quelle société je veux ? Une société de consommation passive ou je gobe du produit tout prêt, d’un coup de carte bancaire ? Ou ne vaut-il mieux pas se réapproprier les outils de production, apprendre à fouiner dans les objets pour les adapter, les réparer, les récupérer ?

À l’heure où la révolution gronde dans la proche Espagne, lassée du «système», le THSF, le temps d’un atelier de soudure ou d’une conférence sur Arduino, la fameuse plate-forme électronique open source, apportait une solution aussi tangible que les objets conçus durant ce week-end à l’aide des imprimantes 3D.

Les conversations avec les  participants sont denses et vivifiantes, à l’image de leurs parcours. Des festivaliers qui dans l’ensemble n’ont rien de vieux nostalgiques du Larzac: on tourne plutôt autour de 35 ans de moyenne d’âge, et à voir les ados et les enfants galoper entre un vieux fauteuil et un robot tout droit sorti de Metropolis, il est permis de croire que le courant alternatif continuera de passer.

Pour rendre compte de cette effervescence, voici une série de portraits-rencontres expresses, comme autant de mini-révolutions incarnées. Une lecture qui rendra définitivement détestables nos appartements peuplés de meubles IKEA.

Jérôme, hackable-devices: vivre de la technique éthique

John et Jérôme

La boutique en ligne de hardware open source hackable-devices (HD) est un peu aux festivals hacker ce que Renault est aux salons auto: un incontournable. John, son fondateur, était déjà venu l’année dernière lors de la première édition du THSF. Il est maintenant secondé par Jérôme, coordinateur développement.

Comme John, qui a quitté son bourgeois et lénifiant métier d’opticien, Jérôme a un parcours atypique: après un passage dans le commerce équitable, il y a vingt ans, avant que la grande distribution ne mette le grappin dessus, il a fait un tour du côté de la technique «pure et dure, Windows certifiée». Aujourd’hui, il parvient enfin à faire la synthèse en faisant de la « techno éthique, écoresponsable ».

Petite entreprise, HD espère bien évangéliser au-delà du noyau dur des hackers, Jérôme s’active dans ce sens. Aux côtés du shop virtuel, HD est en train de développer une activité de consulting en B to B.Jérôme:

Nous nous rapprochons des industriels, des collectivités locales et d’un public élargi en général.

HD se dirige vers des collaborations avec des villes en Bretagne et en Île-de-France sur la décroissance énergétique, avec des outils de monitoring de compteurs électriques. Négawatts plutôt que mégawatts. HD s’est associé sur ce projet avec les jeunes Toulousains de SnootLab, L’Internet des objets, c’est-à-dire la connexion au Net des objets du quotidien, est aussi un axe important de travail. La rentrée de septembre devrait être active…

Atelier de soudure avec John

En écumant les events hackers, Jérôme cherche à mieux connaître la communauté hacker au sens large du terme. Dans l’optique du développement de sa boîte, les Fab Labs, ces usines miniatures proposant des machines-outils pilotées par ordinateurs, sont un terrain fertile. « Nous voulons passer du stade du prototype à celui de la création digitale », explique Jérôme.

En clair, permettre aux gens de fabriquer eux-mêmes les objets en leur fournissant un «patron numérique» open source, avec cette idée primordiale de redonner aux consommateurs passifs le contrôle de la production. Le processus de fabrication passe par un décloisonnement des métiers, artisans, designers, techos, il insiste sur le mixage des compétences.

Pour conclure le programme aussi chargé qu’exaltant de Jérôme, on rajoutera la création de boutiques réelles, associant magasins et ateliers. Faire plutôt que faire faire, encore et toujours. Le stand de Jérôme est d’ailleurs entouré de MakerBots, ces imprimantes 3D open source et d’ateliers de soudure. Lui-même s’y essaye, il n’avait pas mis la main au fil d’étain depuis sa scolarité…

On fait un parallèle, en mode Cassandre, avec le commerce équitable: le DIY ne va-t-il pas se faire rattraper par le système ? Jérôme souligne une différence essentielle : acheter une tablette de chocolat équitable n’engage à rien. C’est un geste de deux secondes. Le DIY est une pratique, un mode de vie au quotidien. Nettement plus difficile à récupérer.

Massimo Banzi : « Everything has to be hackable »

Massimo Banzi [en], co-créateur des circuits imprimés Arduino [en], a un background assez étrange, selon ses propres mots : « J’ai commencé par étudier l’ingénierie électronique, et j’ai travaillé dans le logiciel pendant plusieurs années à l’international. ». Rien ne le prédestinait à être enseignant mais la proposition d’un ami au début des années 2000 lui fait sauter le pas. C’est à l’Institut d’Interaction Design d’Ivrea en Italie que Massimo Banzi se frotte à l’enseignement et à la pédagogie, et c’est là que naît le projet Arduino, en collaboration avec quatre enseignants développeurs et une bonne centaine d’élèves cobayes qui ont indirectement contribué à sa création.

Le succès d’Arduino aujourd’hui tient beaucoup à ce fondement pédagogique. Tout est basé sur le «faire». La théorie est bannie, la pratique est reine. Explication de Massimo pendant sa conférence au THSF:

Nous voulons que les gens mettent les mains dans le camboui. Nous avons conçu les circuits Arduino avec l’idée qu’un enfant pourrait s’en emparer.

Autant que les hackerspaces, beaucoup d’écoles se servent de ces circuits pour monter des projets. L’éducation, un créneau dans lequel Massimo et ses collaborateurs ont décidé d’investir. Ils lancent le 18 juin une plateforme d’échanges pédagogiques multilingue destinée aux personnes qui utilisent les circuits Arduino pour enseigner. Objectif affiché : collecter le maximum de tutoriels écrits dans un langage pédagogique, éloigné de celui des ingénieurs. Et surtout, continuer à travailler avec des écoles dans le monde entier.

Un autre atout d’Arduino est son modèle open source et sa philosophie DIY. « Ce modèle est fondamental. C’est ce qui nous a permis d’évoluer et d’embaucher aujourd’hui trois personnes à temps plein et d’autres pour des missions. » Ces circuits sont clonés dans le monde entier, de l’Inde en passant par la Chine.

Mais, selon Massimo Banzi, le géant Google ne se gêne pas non plus pour reprendre leurs inventions, comme dans le cas du Mega ADK . Tout cela ne l’inquiète pas, lui qui croit aux vertus de l’émulation et de la créativité que seuls peuvent apporter les projets sous licences libres. Pendant la conférence, Massimo présente plusieurs projets non dénués d’humour, réalisés à partir d’Arduino, comme la « tweeter plant » qui vous envoie un tweet pour vous dire qu’elle a besoin d’être arrosée… Il donne en exemple la création d’un autre module dont 80 % est en open source et le reste sous format propriétaire :

Je suis confiant en la communauté des utilisateurs. Dans moins de trois ans, le module sera à 100% open source. À chaque fois que nous enlevons des pièces sous propriété intellectuelle, les gens deviennent plus créatifs. Tout doit être hackable.

Un discours qui n’est pas sans échos avec la récente intervention de John Perry Barlow à l’eG8 forum [en] à Paris.

Massimo nous confie que c’est la première fois qu’il est invité dans un festival de hackers, bien qu’il côtoie assez régulièrement cette communauté. Tom Igoe [en], l’un des co-fondateurs d’Arduino est un membre reconnu du hackerspace new-yorkais NYC Resistor [en]. Et ajoute-il, le sourire en coin, « je ne refuse jamais un voyage en France ». L’autre date importante pour Massimo en 2011 est l’Open Hardware Summit [en] qui se tiendra à New York le 16 septembre pour lancer la version 1.0 d’Arduino et dévoiler plusieurs projets en cours…

Emmanuelle Roux : hacker l’université

Emmanuelle Roux

À la rentrée, l’université de Cergy-Pontoise accueillera FacLab, un Fab lab qui servira d’outil pédagogique, dans le cadre d’un diplôme universitaire. Le nom résume bien la philosophie d’Emmanuelle Roux : changer le monde est à portée de mains, un discours qu’elle martèle à ses élèves, trop passifs selon elle. Comme Laurent Ricard, avec qui elle a porté le projet, cette femme qui se définit comme «sympathisante hacker» présente un profil atypique dans le milieu universitaire.

Côté pile, elle est entrepreneuse, à la tête des Clés du Net, une web agency vendéenne: un aboutissement logique quand on est tombée dans la bidouille informatique à dix ans. Côté face, elle est vacataire universitaire, en charge d’une licence développement web et web mobile à Cergy. Pas une chercheuse pur jus.

Cette passionné de l’Internet des objets a fait une heureuse rencontre voilà un an, sur les conseils de son entourage: Arduino. Elle cherchait alors à « sortir de l’écran, qui enferme ». Le lien est fait. Emmanuelle fait l”apprentissage de la plate-forme électronique, et, dès cette année, met en place un cours sur le sujet. Pas courant en France.

Elle se heurte au cloisonnement du milieu, peu habitué à la transdisciplinarité, qui lui rentre dans le choux. « J’avais besoin d’étain, il n’y en avait pas chez nous, j’ai dû aller en chercher à l’étage en dessous en robotique, je l’ai découvert à cette occasion, on n’aurait pas eu l’idée de nous mettre en relation…» Encore balbutiant, ce cours a déjà abouti de façon concrète: les élèves ont connecté un objet à un programme en Flash.

Preuve que le milieu universitaire n’est tout de même pas si fermé, «on est financé par une faculté, c’est bien qu’on a convaincu. J’ai eu de la chance de tomber sur la bonne personne qui nous a montré de bonnes personnes», avance-t-elle pour expliquer ce que l’on pourrait appeler un hack d’université.

Si Emmanuelle est venue THSF «pour le plaisir», ses MakerBots sous le bras, les discussions avec les acteurs du milieu lui permettent de repérer au passage des intervenants pour sa licence. «Ils sont là, sous le hangar» : loin des théoriciens, elle cherche des praticiens, aux marges du système actuel. «John, typiquement, ferait un intervenant intéressant.» De là à voir se multiplier ce type de projet… La France attend encore son Neil Gershenfeld, on est en retard, « bien sûr », conclut-elle dans un sourire.

Heureux qui comme Alexandre Girard a fait la connexion entre Paris et l’Espagne

Lorsqu’il a créé le Tetalab en 2009, Alexandre Girard, un jeune développeur web, voulait montrer qu’entre les hackerspaces parisiens et ceux d’Espagne, il existait aussi des fans de bidouille. La première édition avait été placée sous ce signe franco-espagnols. Deux ans après, la connexion est définitivement faite, comme en témoigne la présence notable d’Espagnols, dont Lord Epsilon et d’Alex, les fondateurs du réseau social alternatif LOREA (voir ci-dessous). Créer très vite un festival était une évidence: après être allé au PHSF, le festival du premier hackerspace français le Tetalab, le Tetalab a appliqué « le principe du copié/collé », explique-t-il. Soit des ateliers, des conférences, des concerts, des performances et de la tambouille maison.

Du bar où il officie, Alex voit défiler le monde, déjà plus que l’année dernière. On trouve bien sûr la vingtaine de membres du Tetalab, dont les hommes sont pour l’occasion reconnaissables à leurs moustaches dignes des joueurs de foot de feu la RDA, ce sera du feutre pour les filles. « Nous comptons pas mal de jeunes, dont des pères de famille, précise-t-il. Par exemple ce soir, le fils de Sylvain fera du vidéomapping sur la façade. Il y a aussi des geeks, venus en famille. » Les autres hackerspaces français ont aussi fait le déplacement : le tmp/lab leur a rendu la pareille, Alex Korber et Ursula sont ainsi venus avec leur usinette, et un début de fraiseuse numérique, faite maison, une sorte de IKEA-killer ; le jeune ElectroLab, etc ; et de l’autre côté des Pyrénées, donc, entre autres, Hacktivistas [es].

Le mètre quatre-vingt-dix affable, Alex représente bien cette nouvelle génération de hackers, qui ne rechigne pas à sortir de l’ombre pour échanger sur la philosophie qui anime le groupe. Qu’ils fassent autant de travaux en lien avec l’art illustre bien cette tendance : «on a envie de montrer ce type de projet». Mais de là à s’institutionnaliser, il y a un pas que ces pieds chaussés de Vibram Fivefingers n’est pas près de franchir.

Lorea: «Les réseaux sociaux doivent être libres et non commerciaux»

Face aux géants des réseaux sociaux Facebook et Twitter, le positionnement et la philosophie de Lord Epsilon et Alex, fondateurs de Lorea sont clairs : « Les réseaux sociaux et Internet, c’est nous : la société civile doit se les réapproprier. Le réseau social est un outil qui vient de la société civile. » Lorea[en] est un réseau social libre créé en Espagne en 2008 par une communauté de hackers dont Lord Epsilon, 1m90, habillé de noir et la tchatche facile, et Alexandra, dite Alex, petite blondinette à l’air sérieux. Sur la scène du Tétalab, nous sommes loin du discours langue de bois de Mark Zuckeberg à l’eG8.

Lorea est un outil non commercial, à l’opposé de Facebook, fait par et pour la communauté et dont le but n’est pas de faire de l’argent ou de collecter des données pour les revendre à des tiers.

Les réseaux sociaux commerciaux ne respectent pas la vie privée, leur fonctionnement est opaque, ils bénéficient d’une certaine impunité juridique et leur culture de « l’honnêteté » par opposition à l’utilisation des pseudos rappelle fortement 1984 d’Orwell, résument nos deux activistes espagnols.

Alex et Lord Epsilon militent depuis des années pour un web social libre, dans la veine de l’open source et du respect de la neutralité du réseau « Actuellement, il n’est pas possible d’échanger entre MySpace et Facebook », s’agace Alexa sur la scène du Tetalab. En effet, pour échanger avec sa communauté, ses amis ou sa famille, il faut se créer un profil sur chacune des plateformes de ces réseaux sociaux, commerciaux.

Epsilon s’enflamme : « Lorea signifie “fleur” en basque, et nous espérons construire un champ du savoir entre les communautés, comme les abeilles qui viennent butiner de fleurs en fleurs, pour le disséminer à travers les cultures et les réseaux. Métaphoriquement, nous sommes un rhizome. » Applaudissement dans la salle. Ils restent lucides et prudents, admettent jouer le jeu de Twitter ou Facebook en les utilisant à fond dans certains cas, comme récemment, pendant les événements de la #spanishrevolution. Cependant, il se passe d’autre chose, ailleurs sur le web, où la résistance s’organise contre les ennemis de la neutralité du Net. Le petit réseau social alternatif a gagné des dizaines de milliers d’adhérents depuis les manifestations du 15 mai en Espagne.

Lorea sera de tous les rassemblements de hackers cette année et participera au Federated Social Webforum [en] de Berlin début juin où le thème des réseaux sociaux libres sera débattu. Organisé par le consortium W3C, ce dernier a récemment ouvert un groupe de travail sur l’interconnexion entre les réseaux sociaux, à la grande satisfaction d’Alexa et de Lord Epsilon.

Photos : Ophelia Noor [cc-by-nc-sa–] /-)
Affiche en Une de Stéphane Jungers téléchargez-la !

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