OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Migrants tunisiens: la France dans un sale Etat http://owni.fr/2011/07/11/migrants-tunisiens-schengen-botzaris-france-etat/ http://owni.fr/2011/07/11/migrants-tunisiens-schengen-botzaris-france-etat/#comments Mon, 11 Jul 2011 16:24:02 +0000 Pierre Deruelle http://owni.fr/?p=73358

Le peuple français est né d’une mère chrétienne et d’un père inconnu… Je dis père inconnu parce que la France est et a toujours été une nation d’immigrants.

Andre Frossard (1915 – 1995) – journaliste, essayiste, membre de l’Académie française

Un peu d’histoire dans le sang

La “Révolution tunisienne de 2010-2011″ ou “Révolution de jasmin” est une suite de manifestations non violentes et de sit-in, qui, au bout quatre semaines en décembre 2010 et janvier 2011, ont abouti au départ forcé de Zine el-Abidine Ben Ali, en poste depuis 1987.

Plus de 20.000 Tunisiens ont quitté leur pays après la chute du régime, le 14 janvier.

Avec un taux de chômage qui atteint 14,2%, nombre d’entre eux ont quitté leur sol natal pour tenter “d’améliorer leur existence” ou “laisser les places de travail aux autres” selon les dires de certains.

Il n’est peut-être pas inutile ici de rappeler qu’entre le 12 mai 1881 et le 20 mars 1956, la Tunisie fut un protectorat français, et que son aide militaire fut loin d’être négligeable, ce qui est un euphémisme.

En 1884, l’armée française crée le 4e Régiment de Tirailleurs Tunisiens (4e R.T.T.), comprenant six bataillons de 600 hommes chacun en 1899. Les faits d’armes des tirailleurs tunisiens leur valent Croix de guerre, Médaille militaire et Légion d’honneur, six citations à l’ordre de l’armée (et par conséquent l’attribution de la fourragère rouge), ainsi qu’une participation au défilé du 14 juillet 1919.

Le général Weygand dans son Histoire de l’Armée française (1953) et le décrit comme :

Une unité d’élite qui porte la croix de la légion d’honneur à son drapeau.

En 1944, après les combats du Belvédère (Monte Cassino – Italie) du 24 janvier au 11 février 1944, le 4e R.T.T. sera bien plus que décimé : les trois quarts des cadres sont tués ou blessés, 279 hommes sont tués (dont 15 officiers), 426 hommes sont portés disparus (dont 5 officiers) et 800 hommes sont blessés (dont 19 officiers), soit au total les deux tiers de l’effectif engagé dans les combats.

Quelques mois plus tard, le 4e R.T.T. sera le premier régiment français à pénétrer en Allemagne en 1945. Il participera aussi à la guerre d’Indochine jusqu’en 1955.

Les liens qui unissent la France et la Tunisie se sont aussi forgés côte à côte dans le sang sur les champs de bataille, ce qui est un point non négligeable de l’histoire de France. Qu’il convient peut-être de rappeler.

De Lampedusa à Paris

Le premier réflexe de l’Europe, ensemble de pays qui compte plus de 500 millions d’habitants, face à ce qui est non pas un flux migratoire mais plutôt un afflux ponctuel de migrants, a été de se recroqueviller sur elle-même.

Invoquant à tour de rôle le risque d’un “appel d’air”, ou le “danger d’être envahi”, S. Berlusconi et N. Sarkozy se sont prononcés en faveur de la remise en cause des accords de Schengen sur la libre circulation des personnes au sein de l’Union Européenne.

Quand les peuples demandent leur liberté, la France sera à leur côté.

Mise dans le contexte du traitement réservé aux Tunisiens à leur arrivée en France, cette phrase prononcée par Nicolas Sarkozy en mai 2011 sonne comme un mensonge éhonté.

Selon Le Monde du 1er mai, la France souhaitait pourtant faciliter l’arrivée de travailleurs tunisiens sur son sol. Pour cela, Paris se base sur un accord signé en 2008 avec Tunis qui prévoit un objectif de 9 000 entrées par an dont 3 500 salariés. Or, seuls 2 700 Tunisiens sont arrivés  en France au cours de l’année 2010.

La délivrance par l’Italie de titres de séjours aux migrants tunisiens échoués à Lampedusa, grâce à la Convention de Schengen qui leur permettaient de venir librement en France a entraîné la réaction immédiate de Claude Guéant :

Il ne suffit pas d’avoir une autorisation de séjour en Italie pour venir en France.

Son ministère a donc émis, le 5 avril, une circulaire [PDF] établissant des critères stricts. Les intéressés sont ainsi notamment sommés d’avoir un minimum de ressources (31 euros par jour à condition d’avoir un hébergement, 62 euros dans le cas inverse) sur eux, en plus de leur titre de séjour.

L’article 5 de la Convention de Schengen signale que l’intéressé doit avoir “des moyens de subsistance suffisants” et ne fixe pas de montant précis : le migrant, doit “être en mesure d’acquérir légalement ces moyens”.

Ne peut-on considérer que deux bras, deux jambes, la volonté et l’envie de bosser sont des moyens suffisants ?

On notera que si les gouvernants sont fort prompts à faire adhérer les citoyens à la libre circulation des marchandises et des biens en Europe, il semble que les migrants soient une forme de marchandise bien plus encombrante, quelque part entre le traitements des déchets toxiques et la gestion du bétail.

J’exagère ? Peut-être. Ou pas.

Les contrevérités gouvernementales

On notera tout d’abord qu’il y a en France moins d’immigrés en 2011 qu’au début du XXe siècle.

Là où le discours gouvernemental s’effondre, c’est comme souvent à regarder les chiffres : les bénéfices issus de l’immigration sont supérieurs à ses coûts pour les pays d’accueil, selon un rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

En 1999-2000, les immigrés ont rapporté au Royaume-Uni 4 milliards de dollars de plus en matière d’impôts. Aux États-Unis, l’immigration a généré un revenu national supplémentaire de 8 milliards de dollars en 1997.

Quant à la concurrence dans le domaine de l’emploi, l’OIM rappelle qu’en Europe occidentale, “il est rare que les immigrés et les travailleurs locaux se trouvent en concurrence directe”, les premiers occupant fréquemment “des emplois que les nationaux sont soit dans l’incapacité soit peu désireux d’occuper”.

Deuxième constat, les immigrés ne pèsent pas sur les comptes sociaux, si l’on croit une étude [en] du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii). S’ils pèsent sur les caisses chômage , en revanche, ils ne pèsent pas sur les caisses de santé et de retraite.

Toujours selon le Cepii, les immigrés réduisent le poids fiscal du vieillissement démographique. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) a récemment montré qu’un accroissement des entrées de 50 000 par an pourrait réduire le déficit des régimes de retraites d’un demi-point de PIB à l’horizon 2050.

Le problème des migrants tunisiens ne serait donc pas économique, mais bien politique.

M. Claude Guéant réécrit ainsi la Convention de Schengen à sa sauce. Reste à savoir pourquoi.

Le contexte électoral

Nicolas Sarkozy chercherait à reproduire un “21 avril” en 2012, espérant affronter Marine Le Pen au second tour. Cette hypothèse a notamment été confirmée sur France 2 par un “proche de Nicolas Sarkozy” au cours de l’émission Complément d’enquête.

Décryptant la stratégie élaborée par Patrick Buisson, conseiller de l’Élysée et ancien directeur de Minute, charmant journal d’extrême droite, ce témoin anonyme raconte que la manœuvre consiste à créer “dans l’esprit public des stress complémentaires sur les sujets immigration, sécurité” pour en faire “une marotte, une obsession”, et ainsi amener le débat sur un terrain sur lequel la gauche française est en général mal à l’aise.

Et les Tunisiens font de parfaits boucs émissaires. Plus les CRS interviennent, plus la stratégie de Sarkozy prend corps. Plus les médias en feront des gorges chaudes, et plus le candidat Sarkozy se frotte les mains.

Je dis bien candidat Sarkozy, car il est évident que cette tactique n’a plus rien de l’attitude responsable d’un homme politique en charge de gérer la cohésion d’une nation et de ses différentes composantes, fussent-elles venues de pays voisins.

Sur la question des boucs-émissaires, Hakim Karoui écrit dans L’avenir d’une exception :

Dans la société française, les boucs émissaires ont été les juifs, mais aussi, au Moyen Âge, les « Lombards », à l’époque moderne, les protestants ou les catholique selon les camps, les agents royaux (du fisc par exemple) ou inversement les mendiants ou les prostituées, les « aristocrates » et parfois les prêtres à la Révolution; les « capitalistes », les « bourgeois » à l’époque contemporaine, les immigrés non encore assimilés à toutes les époques. Aujourd’hui, le bouc émissaire, ce sont les Arabes. Demain, ce seront peut-être les Noirs ou les Chinois. Les Arabes, parce qu’ils portent encore une différence (leur nom, leur religion) mais aussi et surtout parce que la société française se rend compte qu’ils sont de moins en moins différents. Leur différence apparaît alors d’autant plus importante qu’elle est finalement de plus en plus résiduelle.

Diviser pour mieux régner, nul besoin d’avoir lu Machiavel pour comprendre. Que nous soyons tous membres de l’espèce humaine s’oublie vite, semble-t-il, à quelques mois des élections.

Grossière erreur de jugement. C’est oublier de considérer que des jeunes gens (dont certains sont des mineurs) qui ont tout quitté, famille et amis, qui ont voyagé sur des embarcations de fortune, et ont réussi à survivre jusqu’au pied de nos immeubles, sont des forces dont la valeur humaine n’est plus à démontrer. Quelle volonté ne faut-il pas pour accomplir ce périple? Quel courage ? Quelle envie de vivre, d’avancer ?

Avons-nous plus peur d’eux qu’ils ont eu peur de partir à l’aventure, sans certitude ?

Ce sont donc actuellement environ 600 Tunisiens qui se trouvent à Paris, certains entassés dans des gymnases, d’autres dormant dans les parcs ou le long des bouches de métro.

Si la Mairie de Paris a voté des levées de fonds pour leur venir en aide, il apparaît que les structures d’accueil sont déficientes, trop peu nombreuses, souvent insalubres. L’Europe ne leur viendra pas en aide. Le gouvernement leur envoie les CRS. La mairie de Paris les déloge pour des raisons fallacieuses (Gymnase Fontaine au Roi).

Et ce sont de simples citoyens qui leur viennent en aide, comme ils peuvent.

Le cas #Botzaris36

Je ne raconterai pas ici ce qui se passe entre le 36 rue Botzaris et le parc des Buttes-Chaumont. Parce que je ne me suis pas rendu sur place, j’en serais donc fidèlement incapable, tandis que d’autres y sont jour et nuit, et en parleront concrètement mieux que moi.

Écœuré par cette situation hypocrite, indigne d’un état de droit, j’ai fait le choix de consacrer mon compte Twitter à ce sujet unique depuis plusieurs semaines.

Pour le caractère inhumain du traitement réservé aux Tunisiens d’une part (« comme des bêtes »), et parce que je le considère comme révélateur de l’état d’esprit dans lequel la petite gue-guerre électorale des partis majoritaires a plongé ce pays.

Si quelques médias se sont penchés sur le problème des migrants, il convient d’expliquer ici la relative omerta d’une partie de la presse française. Et c’est encore Le Canard Enchainé qui s’y colle dans un article intitulé “Quand le gratin de la presse française bronzait aux frais de Ben Ali”.

Je vous invite également à lire entre autres les articles suivants, et bien-sûr à faire vos propres recherches.

@OWNI :

Botzaris, territoire annexé par l’ambassade de Tunisie

@menilmuche :

Les Tunisiens de Botzaris embarqués par la police

Les Tunisiens du gymnase à la rue

La visite de Pascal Terrasse, député de l’Ardèche :

Être né quelque part

@LeClown :

Pourquoi les Tunisiens doivent sauver Botzaris36

Pour venir en aide aux migrants, une association « action tunisienne » vous fournira les renseignements nécessaires.

N’étant ni journaliste, ni chroniqueur, ni écrivain, je me suis exprimé ici en tant que simple citoyen français.

Billet initialement publié sur le Tumblr de Pierre Deruelle

Illustrations CC FlickR par skinny79, Wassim Ben Rhouma, Antonio Amendola Photography et empanada_paris

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Un système schizophrène, un peuple fatigué http://owni.fr/2011/05/13/un-systeme-schizophrene-un-peuple-fatigue/ http://owni.fr/2011/05/13/un-systeme-schizophrene-un-peuple-fatigue/#comments Fri, 13 May 2011 06:30:59 +0000 Benjamin Korn http://owni.fr/?p=62375 Cet article est tiré du numéro 1069 de Courrier international. Il est reproduit sur OWNI avec l’aimable autorisation de Courrier international et de son auteur.

L’histoire de France est riche en séismes politiques et révolutions sanglantes ; des rois ont été renversés, le clergé évincé, l’aristocratie désarçonnée ; la bourgeoisie a pris le pouvoir et maté le prolétariat rebelle ; rien n’est resté – rien, si ce n’est l’immuable socle du centralisme. Il y a ainsi eu, sous Louis XIV, l’État absolu qui attachait à la Cour tous les aspirants au pouvoir afin de les surveiller de très près. Puis, sous la Révolution, le Comité de salut public [1793-1794] qui réprimait brutalement les tentatives locales d’autonomie. Et, aujourd’hui, la France se trouve gouvernée par un président qui jouit d’une puissance unique dans le monde occidental. Aucun Watergate ne pourrait le renverser. Depuis son premier jour au pouvoir, il contrôle, il nomme, il élimine, il centralise. Il domine la France avec l’aide d’une armée de préfets, qui, comme jadis les intendants du roi, imposent ses décisions dans les régions et les départements les plus reculés, décident de la construction de lignes à haute tension, sont chargés de lutter contre les crues et coordonnent la chasse aux immigrés clandestins, nouvellement à la mode. Ses ministres sont assis sur des sièges éjectables et, comme à la cour du Roi-Soleil, placés sous la surveillance constante d’un escadron de conseillers au service du chef de l’État. Toutes les initiatives découlent d’une “suggestion” du président, d’un “accord” ou d’une “entente” avec lui.

Il est possible en France de débattre de l’existence de Dieu, du pouvoir des sectes, de la violence à la télévision et du sexe sur Internet – de tout, sauf d’une chose : la fin nécessaire de la Ve République. C’est pour moi un mystère de voir les Français, au pays de la Révolution, déplorer depuis des années que leur président ait les pouvoirs d’un “monarque élu” sans jamais rien tenter pour supprimer cette fonction. Qu’ils aiment ou détestent leur président, les Français ne peuvent vivre sans lui. Nicolas Sarkozy contrôle les sphères législative, exécutive et judiciaire. Séparer les pouvoirs au nom de la démocratie ? Pas en France ! Une fois élu, le président devient la réincarnation des tyrans absolutistes et sacro-saints d’antan. La France, pays de la Révolution, a décapité son roi, mais elle voue un culte à son président – je parle de la fonction, non de l’homme.

Les pleins pouvoirs

La trouvaille appartient au général de Gaulle. “Ce que j’ai essayé de faire, c’est d’opérer la synthèse entre la monarchie et la République”, confia-t-il un jour à son ministre Alain Peyrefitte. “Une république monarchique ?” demanda celui-ci, interdit. “Disons plutôt une monarchie républicaine.” Substantif : monarchie. Adjectif : républicaine. D’un point de vue historique, le régime présidentiel adopté en 1958 par référendum marque une victoire de la contre-révolution sur la révolution, dans cette lutte amère qui aiguillonne depuis 1789 l’histoire du pays. Ce n’est pas la première fois que, pour sortir d’une crise, le peuple accorde les pleins pouvoirs à un général : d’abord Napoléon Ier, puis Pétain et pour finir de Gaulle, afin qu’il mette un terme au chaos politique, aux guerres coloniales et aux attentats à Paris. Ce dernier aura réussi deux choses : décoloniser l’Algérie et liquider la démocratie parlementaire.

Ce crypto-monarchiste notoire, cet ennemi du système des partis, cet admirateur de Franco qui avait qualifié les Français de “veaux”, déclara le 31 janvier 1964, lors d’une conférence de presse mémorable :

l’autorité indivisible de l’État est confiée tout entière au président par le peuple qui l’a élu, il n’en existe aucune autre, ni ministérielle, ni civile, ni militaire, ni judiciaire qui ne soit conférée et maintenue par lui.

Depuis lors, l’Assemblée nationale française n’est plus qu’une parodie de parlement, peuplée d’ombres mouvantes qui nomment des commissions, votent, se disputent, quittent la salle en signe de protestation, dorment en séance ou inventent des interjections puériles, mais qui finissent toujours par donner leur bénédiction aux seules décisions du président.

Le pouvoir du chef de l’État est sans limite – et cela ne date pas de Sarkozy. Celui-ci met le Premier ministre sur la touche, oblige le directeur d’une radio publique à licencier deux humoristes qui ne lui reviennent pas, remplace le directeur de la Villa Médicis à Rome, engage la Société générale à se séparer de son PDG, impose à TF1 le directeur adjoint de sa campagne présidentielle, sauve un tyran africain avec l’aide de l’armée, envoie sa ministre des Sports remonter le moral de l’équipe nationale de football en Afrique du Sud et, à la fin de son mandat, sera automatiquement nommé membre du Conseil constitutionnel.

Sarkozy peut aussi, s’il le souhaite, appuyer sur le bouton atomique ; il jongle avec les institutions ; il ne doit de comptes à personne et ne tolère aucune objection. Le pouvoir est une drogue, il grise. Souvenons-nous du pathos exagéré de De Gaulle, de l’arrogance hautaine de Valéry Giscard d’Estaing, de l’autosatisfaction momifiée de François Mitterrand. Ce dernier n’avait-il pas, lorsqu’il était encore dans l’opposition, qualifié le pouvoir présidentiel de “coup d’État permanent” ? Une fois en poste, la sensation de pouvoir chatouille les instincts les plus bas des hommes. Ce dont les autres ne font que rêver devient de l’ordre du possible : anéantir ses ennemis, désarmer ses opposants, promouvoir ses amis, hisser sa famille vers le haut. Sauf que l’on bascule alors vers la tyrannie, l’économie de clan, le népotisme. Le népotisme n’est qu’un cas particulier de centralisme. Car rien n’est plus central que la famille. Se défiant de son ministre des Affaires étrangères, Mitterrand avait envoyé son fils Jean-Christophe en Afrique pour entretenir un commerce strictement secret avec des dictateurs africains (sur le continent noir, on le surnommait “Papamadit”).

La fille de Jacques Chirac, Claude, sa plus proche collaboratrice, filtrait toutes les personnes qui voulaient lui parler, était sa conseillère la plus influente, choisissait ses costumes et ses cravates, et influait sur ses décisions politiques. Elle était payée sur le budget de l’Elysée. Sarkozy ne diffère pas de ses prédécesseurs. Autocrates et détracteurs du Parlement, ils l’ont tous été. C’est vrai, il aime les feux de la rampe, quand eux appréciaient la pénombre ; il est pressé quand eux prenaient leur temps ; il assiège les médias quand eux restaient à distance. Mais il ne “pervertit” nullement l’« esprit de la Ve République », contrairement à ce qu’affirment certains commentateurs. Ce prétendu “esprit” est le pouvoir absolu d’un homme qui n’a d’autre opposant que le peuple qui, tous les cinq ans, descend dans la rue vider le sac de ses frustrations et de ses exigences. Sarkozy est peut-être fat, vaniteux et avide de pouvoir. Mais il n’est pas antidémocratique, c’est la fonction présidentielle qui l’est ; Sarkozy ne fait qu’en jouir impunément.

La république bananière

On le qualifie d’« empereur » car il partage avec Napoléon une ambition sans limite et une taille modeste ; on l’appelle “hyperprésident” car il décide souverainement de tout, tout seul ; on le surnomme “Speedy Sarko” parce qu’il est constamment en mouvement et que ses tics le pourchassent comme des puces. Le matin, en place du ministre de l’Éducation, il annonce une réforme de l’enseignement et la fin des privilèges de naissance ; l’après-midi, en place du ministre de la Défense, il veut vendre au Brésil une escadre d’avions de chasse pour son ami Serge Dassault, propriétaire du journal conservateur Le Figaro ; et le soir, en place du ministre de l’Industrie, il clame superbement devant les salariés en grève d’un géant de l’acier qu’il sauvera leurs emplois.

Sarkozy a ses complexes. En visite dans une usine de Normandie, il demande à la direction de ne l’entourer que d’employés plus petits que lui. Avant un discours à l’ONU, il fait discrètement installer un marchepied devant le pupitre, puis le fait tout aussi discrètement disparaître. Le sens du ridicule ? Il ne connaît pas. Lorsque, en octobre 2009, il tente de placer son fils cadet, alors étudiant débutant – et surnommé depuis “Prince Jean” – à la direction d’un puissant organisme parapublic, l’Établissement public d’aménagement de la Défense (EPAD), la France est promue “république bananière” dans toute la presse étrangère, de Londres à Nairobi. Cerise sur le gâteau, affirmation surréaliste, il aurait été, le soir du 9 novembre 1989, l’un des premiers à participer à la démolition du mur de Berlin. Car, évidemment, “Speedy Sarko” ne pouvait pas ne pas avoir été là.

Ridicule ? Caligula, qui se terrait sous son lit par temps d’orage, l’était, et pourtant, sous son règne, Rome ne riait guère. Lorsque le président ment, toute la Cour ment avec lui. Dans le cas du mur de Berlin, la peur que Sarkozy inspire va si loin qu’un homme politique chevronné comme le Premier ministre François Fillon a servilement confirmé son voyage à Berlin – même TF1, propriété de son fidèle ami Martin Bouygues, apporta sa pierre à l’édification de la légende en défendant obstinément la version Sarkozy, quand bien même plusieurs quotidiens français l’avaient incontestablement réfutée. Pour ce qui est de la nomination de son fils Jean, il n’a fait marche arrière qu’en raison de sondages catastrophiques auprès de son électorat. Ses conseillers et ministres avaient qualifié Jean Sarkozy, contraint de redoubler sa deuxième année de droit en raison de ses résultats médiocres, de “génie”, d’homme qui “regorge de talents” ; la secrétaire d’État Fadela Amara, autrefois militante pionnière des droits des femmes dans les ghettos des banlieues, avait déploré que la France eût “peur de sa jeunesse”. Que ne ferait-on pas pour un salaire de ministre !

[L’ancien] ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux, qui ne brille pas par sa grandeur d’esprit mais qui est le parrain de Jean et l’ami d’enfance de Nicolas, a loué les “qualités génétiques” du fils. Comme le président n’aime guère les lèche-bottes et supporte encore moins d’être contredit, personne n’ose plus ouvrir la bouche. Lui-même ne se fie d’ailleurs plus qu’aux chiffres et aux statistiques. En 2008, selon Le Canard enchaîné, il avait dépensé la bagatelle de 3,28 millions d’euros en sondages, la “cocaïne des élus” – une enquête tous les deux jours, afin de savoir ce qu’attendent de lui ceux qui financent cette manie. Tout le monde le connaît, le voit cent fois par jour sur des affiches et à la télévision ; autrement, tel un tsar anonyme, il aurait pu se rendre le soir dans les bars pour savoir ce que les gens pensent réellement de lui. Seuls les sondages le lui disent. Mais que lui disent-ils au juste ? Que le peuple ne l’aime pas. Depuis février 2010, plus des deux tiers des citoyens le jugent incapable de résoudre les problèmes de la nation. Sarkozy traite les Français de “régicides”.

Traîtres et transfuges

Tous les indicateurs sont au rouge, de la dette publique astronomique à la balance commerciale négative depuis des années, en passant par un nombre de faillites vertigineux et un chômage en plein essor. Sans oublier la population de Français (plus de 1 million) qui, sans logement, passent l’hiver dans des caravanes, des tentes et des hôtels miteux sans chauffage. Qu’a fait Sarkozy ? Il a donné la becquée à son lobby. Il a gavé les banques, qui ont engraissé leurs traders avec de l’argent à l’excès. Il a supprimé la taxe professionnelle et réduit la TVA des restaurateurs qui, au lieu de baisser leurs prix, ont empoché la différence. Toutes ces mesures n’ont guère ravigoté sa popularité. Une fois seulement, en 2009, le baromètre est remonté : pendant les congés parlementaires, lorsqu’il était en vacances. Du jour au lendemain, il avait manqué aux Français, devenus accros à son image.

Doit-il pour autant douter de sa réélection ? Nullement. Les élections intermédiaires, qu’il a perdues en beauté, ne représentaient pour lui qu’un match amical. Lorsque la situation devient critique, il sort l’artillerie lourde. La télévision, l’unique organe faiseur d’opinion qui importe à ses yeux, est entièrement de son côté. Elle appartient à des amis. Bouygues avant tout, le parrain de son fils Louis, patron de TF1 et de la chaîne d’information LCI. Arnaud Lagardère, le “frère” du président, possède plusieurs chaînes de télévision, la station de radio Europe 1, l’influent hebdomadaire Paris Match ainsi que le Journal du dimanche. Le Figaro, aux mains de son ami Serge Dassault, marchand d’armes, est la feuille de chou de l’Élysée. Vincent Bolloré, sur le yacht duquel il a passé des vacances après son élection, a mis à son service la chaîne de télévision Direct 8 et ses journaux gratuits Direct Soir et Matin Plus. Bernard Arnault, patron du quotidien économique Les Echos, appartient tout comme Bouygues au cercle des grands capitalistes que Sarkozy fréquentait bien avant d’arriver à la tête de l’État, quand il était leur avocat. Cette liste non exhaustive de patrons richissimes, également barons de la presse, donne une idée de l’influence, des moyens financiers et de la machine à propagande dont disposera Sarkozy lorsqu’il repartira à la conquête du pouvoir, mais aussi un avant-goût des boules puantes auxquelles doivent s’attendre ses futurs concurrents dans la course présidentielle.

L’unique rival dans son camp, Dominique de Villepin, est embourbé jusqu’au cou dans l’affaire Clearstream, une intrigue digne de Hollywood qui avait été montée contre Sarkozy quand il était candidat à la présidentielle. Villepin a certes gagné son premier procès [en janvier 2010], mais la procédure au début de laquelle l’ancien ministre de l’Intérieur avait promis de “le pendre à un croc de boucher” est renvoyée en appel [en mai]. Quant à son plus dangereux concurrent dans l’opposition, Dominique Strauss-Kahn, il l’a envoyé à l’autre bout du monde, à la tête du Fonds monétaire international ; nul doute que celui-ci s’y serait entièrement rouillé si la crise économique mondiale ne lui avait inespérément redonné de l’éclat. Du reste, au début de son mandat, le président s’était réservé les meilleurs morceaux du Parti socialiste en faillite, à prix cassés. Sous couvert d’« ouverture », cette incorporation des socialistes disponibles sur le marché présentait non seulement l’avantage de limiter la place disponible pour d’éventuels adversaires au sein de son propre parti, mais aussi de lui livrer pieds et poings liés les transfuges, qui franchissaient ainsi un point de non-retour.

Des mois durant, Sarkozy a cherché un poste pour l’ancien ministre de la Culture Jack Lang, lequel, en juillet 2007, avait été le seul socialiste à s’exprimer en faveur du projet présidentiel de réforme constitutionnelle et apparaissait depuis lors comme un transfuge aux yeux de son parti. En février 2009, Sarkozy l’a envoyé comme “émissaire spécial” à Cuba, à l’automne suivant, en “voyage d’information” en Corée du Nord et, de-ci de-là, il tente de le vendre au gouvernement allemand comme ministre franco-allemand – en vain. Finalement, il l’a placé comme conseiller juridique sur les questions de piraterie au secrétariat général des Nations unies. Autre prise de choix, Bernard Kouchner. Dans une vie antérieure, celui-ci avait promu le “droit d’ingérence humanitaire” ; en 2009, comme ministre des Affaires étrangères de Sarkozy, il a supprimé le Secrétariat d’État aux droits de l’homme qu’il avait lui-même fondé, au motif qu’il empêchait une “politique extérieure réaliste” [Kouchner a quitté le gouvernement en novembre 2010, à la faveur d’un remaniement, ndlr].

Racisme et haine des Tsiganes

Le traître préféré de Sarkozy reste toutefois Éric Besson, homme sans convictions, qui, comme l’écrit son ancienne épouse, “poussé à bout, pourrait tuer s’il ne craignait pas de retourner derrière les barreaux”. En pleine campagne présidentielle, ce proche collaborateur de Ségolène Royal était passé dans le camp de Sarkozy – qu’il qualifiait encore, peu de temps auparavant, de “clone” de George W. Bush – et avait écrit un pamphlet contre son ancienne chef, assurant qu’il aurait “peur pour ses enfants” si elle était élue. Éric Besson en a été récompensé par un très polémique ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, un portefeuille-clé dans le système idéologique sarkozyste. Début 2010, Besson a témoigné sa reconnaissance avec une campagne de propagande consistant à aborder, dans les 100 préfectures et 350 sous-préfectures françaises, le thème fantôme de l’identité nationale, acheminant jusqu’aux préfets un kit de 200 questions pour les aider à animer les débats – avec notamment des questions tendancieuses comme : “Pourquoi nous sentons-nous proches des autres Français, même sans les connaître ?

Ces manifestations publiques, lors desquelles les vétérans et les partisans de l’extrême droite ont été les premiers à s’en donner à cœur joie, devaient préparer le terrain pour les élections régionales de mars 2010. Pour éviter une défaite retentissante, Sarkozy avait besoin des suffrages du Front national. Avec cette manœuvre, il comptait stopper sa chute dans les sondages. Il s’agissait, deux ans avant la présidentielle suivante et sur fond de chômage galopant, d’éviter un désastre. Or le racisme, héritage mal digéré des guerres coloniales, assure encore en France un réservoir de voix. L’idée de la supériorité de la civilisation française demeure vivace. Sarkozy a essayé de rassembler autour de lui la “vraie France”, à savoir “la France éternelle et chrétienne”, n’hésitant pas à exploiter la méfiance croissante vis-à-vis des immigrés, en particulier musulmans. Tout à coup, le président, fils d’un immigré hongrois, s’est mis à pérorer sur cette “identité nationale” qui se trouverait dans “la terre”, étant donné que la France a “un lien charnel avec […] sa terre”. Le maréchal Pétain avant lui avait tenu le même genre de propos : “La terre ne ment pas […], elle est la patrie elle-même.” Christian Estrosi, proche de Sarkozy et maire de Nice, a contribué aux discussions en avançant l’hypothèse surprenante qu’un débat sur l’identité nationale, organisé en Allemagne, aurait permis d’empêcher l’accession au pouvoir de Hitler.

Résultat de toutes ces manœuvres : le Front national a fait un bon score, Sarkozy a essuyé un revers. Mais il n’a d’autre choix que de continuer sur cette voie. Pour gagner la présidentielle, Sarkozy aura aussi besoin des voix de l’extrême droite. Rien n’est plus facile en France que de surfer sur la vague anti-Roms. Sur Internet, certains commentaires à propos des communautés tsiganes font froid dans le dos. La haine, l’envie et le mépris grondent de façon éhontée dans les entrailles de la nation. Il y a des années déjà, une directrice d’école m’avait déconseillé d’emprunter en voiture une certaine route de campagne parce qu’elle était bordée de campements de Tsiganes.

En juillet 2010, Sarkozy a stigmatisé ceux-ci durablement en dénonçant “les problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms” – tous les Roms, y compris les français. On leur lance dans la rue des regards plus haineux que jamais, on ne leur donne plus de travail, on ne leur achète plus les rebuts de ferraille qu’ils récupèrent. Ils vivent depuis des siècles dans ce pays ; leurs grands-pères ont défendu la France au cours des deux guerres mondiales ; ils sont horlogers, marchands de tissus, travailleurs journaliers, musiciens, vanniers. A la campagne, on continue de les accuser de presque tous les vols. Sarkozy a rendu respectables les vieux préjugés à leur encontre. Au demeurant, il est facile de salir l’image d’un peuple à qui la France n’a toujours pas demandé pardon depuis que, entre 1940 et 1946, devançant l’ordre de l’envahisseur allemand, elle avait entassé des milliers de Roms dans 27 camps d’internement. Mais Sarkozy ne tolère point que l’on critique le comportement de la France.

Quiconque compare le gouvernement français avec le régime collaborationniste de Vichy sera envoyé devant un tribunal”, avait prévenu un préfet, instruit par Besson. Dans des courriels adressés au préfet des Pyrénées-Atlantiques, cinq citoyens avaient comparé l’expulsion de Roms albanais à la politique de discrimination de Vichy ; ils ont été condamnés avec sursis à une amende de 1 000 euros chacun [en juillet 2010]. Un autre internaute a été poursuivi pour avoir protesté, en juillet 2008, contre le fait que des enfants d’immigrés âgés de 5 à 17 ans étaient parqués dans des camps de transit, affirmant que cela lui rappelait “une triste époque où l’on mettait les enfants dans des wagons”. Un homme qui avait lancé au visage d’un policier : “Sarkozy, je te vois !” [en février 2008, à Marseille] n’a échappé à une inculpation que grâce aux protestations publiques massives. Le président et son bras droit sèment la peur. Ceux qui logent un clandestin, ceux qui, dans un avion, protestent contre le fait que les personnes expulsées sont frappées et enchaînées à leur siège doivent s’attendre à des amendes considérables, voire à de la prison.

Simone Veil, rescapée d’Auschwitz et figure de proue de la droite française, a récemment fait valoir qu’après la guerre, de Gaulle avait laissé filer les criminels pour éviter une guerre civile ; qu’en conséquence les problèmes de la France avec le maréchal Pétain, les milices d’extrême droite et la collaboration active des gendarmes lors des déportations n’étaient pas réglés ; et que les souvenirs de la collaboration avait été effacés de la mémoire de la France. De fait, dans l’Hexagone, la haine des Tsiganes et le racisme ont bonne conscience parce qu’ils n’ont jamais été digérés. La guerre achevée, le général de Gaulle n’est jamais venu rappeler aux Français que, cinq ans plus tôt, ils avaient acclamé Pétain le collaborateur avec la même frénésie qu’ils l’acclamaient à son tour ; il leur a épargné tout examen de conscience et toute remise en question, ce pour quoi ils lui sont aujourd’hui encore reconnaissants. Un jour, Churchill a dit qu’un peuple qui oublie son histoire est condamné à la répéter. Le fait est que la brutalité des policiers qui mettent à sac les caravanes et les cabanes des Roms évoque le régime de Vichy. La comparaison fait mouche et fait mal, aussi voudrait-on l’interdire. Les valeurs cosmopolites de la France et sa devise “Liberté, égalité, fraternité” ne figurent pas au lexique de “la Firme”, ainsi qu’est surnommée la garde rapprochée autour de Sarkozy. En revanche, lorsque le chef de l’État parle d’“identité nationale” – un terme qui a besoin d’ennemis pour exister –, il frétille comme un poisson dans l’eau.

La réaction idéologique

A l’heure actuelle, la France est le théâtre d’une contre-attaque idéologique menée par la pensée réactionnaire contre les acquis de la République. Idéologue en chef de la restauration, Henri Guaino est devenu l’incarnation des arrière-pensées de Nicolas Sarkozy, un auteur de discours influent ou, comme on le dit en France, le nègre du président. Cette “contre-révolution” a pris pour thèmes la valorisation de la Chrétienté face aux Lumières, la réhabilitation de la colonisation, la banalisation du racisme, l’idée que la punition est plus importante que l’éducation, bref : une “brutalisation” totale de la pensée.

Henri Guaino s’est fait connaître à l’étranger en juillet 2007, lorsque Sarkozy a déclaré à Dakar, devant un public abasourdi : “L’homme africain n’est pas encore entré dans l’Histoire.” Cette bombe verbale sortie de la bouche d’un homme dont la patrie a rasé des centaines de villages africains, propagé des maladies qui ont décimé les populations locales, et déporté des dizaines de milliers d’êtres humains sur des négriers, retentit aujourd’hui encore en Afrique. Pour le chef de l’État et ses conseillers, l’idée de la supériorité de l’homme blanc est naturelle. La colonisation a également eu ses bons côtés, a-t-il expliqué au Maghreb ; il n’y a donc pas lieu que la France présente des excuses. Lorsque le comique Dany Boon a reçu la Légion d’honneur pour le film Bienvenue chez les Ch’tis, Sarkozy, d’humeur plaisantine, l’a félicité d’avoir abandonné son nom d’origine (Daniel Hamidou), qui aurait pu lourdement handicaper sa carrière. Et [l’ancien] ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux “blaguait”, évidemment, lorsqu’il s’est fait photographier avec un membre de l’UMP d’origine arabe :

Quand il y en a un ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes.

Des propos dignes du Café du commerce auxquels personne ne s’oppose.

La peur en campagne

Je ne vous mentirai pas !” tel était le leitmotiv de la campagne de Sarkozy. Parmi ses promesses majeures, et qu’il n’a pas tenues, l’abandon du projet de taxe carbone (une “grande réforme”, comparable “à la décolonisation […], à l’abolition de la peine de mort”, qu’il serait “malhonnête” de ne pas mener, avait-il déclaré) est la plus spectaculaire. Que Sarkozy aille dévotement applaudir Poutine, qu’il avait sermonné à propos des massacres en Tchétchénie, était prévisible. Mais qu’il oublie son grand projet, son “plan Marshall” pour la réhabilitation des banlieues, est bel et bien dangereux. Les banlieues, détestables métastases des vieilles colonies, sont maintenues en quarantaine. Elles ne sont ni ouvertes ni assainies. Les exclus restent entre eux, la bourgeoisie peut continuer à dormir sur ses deux oreilles. Dans les “zones sensibles”, le taux de chômage des jeunes stagne à un niveau inchangé de 43 % depuis l’élection de Sarkozy. Le désespoir s’exprime sous forme de violences contre la police et de guerres de bandes. Depuis des années, les voitures ont recommencé à partir en flammes. Le ministère de l’Intérieur ne communique pas les chiffres – prétendument pour ne pas donner de visibilité aux auteurs des incendies. Sarkozy a-t-il besoin d’une étincelle pour pouvoir, comme il l’a déjà fait, éteindre l’incendie au Kärcher avant les prochaines élections ?

Les nouvelles promesses électorales ne vont plus se faire attendre longtemps. Tout en haut de la liste trône la sécurité*, ce remède tout-puissant contre la peur. La stratégie de la peur lui a déjà réussi une fois, pendant le soulèvement des banlieues* de 2005, et a contribué à son élection deux ans plus tard. La politique de la peur est efficace, elle anesthésie la pensée. La question de la sécurité domine tous les problèmes sociaux. Sarkozy, ce maître de cérémonie des médias, a évité une discussion sur l’expulsion des Roms en zappant sur la menace d’une attaque imminente d’Al-Qaida. Il est le directeur des programmes de tous les thèmes d’actualité.

Selon Reporters sans frontières, le “pays des droits de l’homme” a perdu depuis 2002 trente et une places dans le classement mondial de la liberté de la presse et se place actuellement au 44e rang mondial – se hissant à peine devant l’Italie, juste derrière la Nouvelle-Guinée, et loin derrière l’Afrique du Sud, Hong Kong, le Mali ou le Ghana. Dans son rapport annuel, Reporters sans frontières dénonce une kyrielle de problèmes en France : “Violation de la protection des sources, concentration des médias, mépris et même impatience du pouvoir politique envers les journalistes et leur travail, convocations de journalistes devant la justice.” L’ancien secrétaire général de l’UMP Xavier Bertrand a accusé Edwy Plenel, directeur du site d’information Mediapart, qui a mis au jour l’affaire Woerth-Bettencourt, d’user de “méthodes fascistes”. Peu après, plusieurs ordinateurs et disques durs ont été simultanément dérobés dans les rédactions de Mediapart, du Monde et du Point ; ils contenaient des informations sur cette affaire d’État tentaculaire, qui mêle histoires d’héritage et de corruption. Pour l’heure, aucun des cambrioleurs n’a été identifié. Mais, au fait, les a-t-on recherchés ?

Le silence des foules

Reste cette question : pourquoi le peuple français laisse-t-il faire tout cela sans réagir ? Il descend dans la rue, bloque le trafic ferroviaire, occupe des raffineries et paralyse la moitié de l’État pour défendre ses acquis sociaux mais, pour sa liberté, il ne lève pas le petit doigt.

Des dizaines de milliers d’Espagnols ont manifesté contre la suspension du juge Baltasar Garzón, qui voulait faire la lumière sur les crimes de Franco ; les Italiens ont massivement protesté contre la mainmise de Berlusconi sur la presse. Mais la majorité des Français ne se mobilisent plus que pour défendre leurs salaires et leurs privilèges. L’influence dictatoriale de Sarkozy sur les médias nationaux laisse l’opinion publique de glace. Et le fait qu’un juge complaisant étende l’immunité du président à ses conseillers, qui signent pour lui des contrats illégaux, passe quasiment inaperçu.

Même les jeunes ne protestent pas contre l’épidémie de racisme, contre l’acquittement d’un gendarme qui, sans avoir à craindre pour sa vie, a tué par balle un jeune gitan en fuite, ou contre le fait que 13 chefs d’État africains – notamment les dirigeants du Tchad, du Togo et de Djibouti –, dont huit sont considérés comme des dictateurs par des organisations de défense des droits de l’homme, applaudissent leurs armées lors du défilé du 14 Juillet, date anniversaire de la Révolution. Mais ils manifestent en masse contre la réforme du système de retraite – par crainte pour leurs emplois futurs ou, déjà, par préoccupation pour leur lointaine retraite ? La société est-elle en état d’« usure psychique », comme l’écrit avec clairvoyance le Médiateur de la République en mars 2010 à Sarkozy ?

Cet épuisement tient à la faillite de tous les contre-pouvoirs politiques (je m’épargne tout commentaire sur les remaniements gouvernementaux de novembre 2010 et février 2011). Elle maintient le peuple dans un état de révolte latent mais permanent, qui, de temps à autre, se décharge dans des sursauts de violence. Une fois l’orage fini, comme s’il ne s’était rien passé, les choses reviennent peu à peu à la normale, dans un état d’hypocrisie caractéristique. Si le peuple ne supporte guère la politique de son président, il voue un culte à sa fonction. C’est peut-être là le véritable problème d’identité de nombreux Français : ils ne savent toujours pas s’ils veulent une monarchie ou une république. Et c’est le signe d’un trouble mental grave que de ne pas le remarquer. Étonnamment, la Ve République passe pour une forme gouvernementale stable. Schizophrène, mais stable, a-t-on envie de préciser. La “monarchie républicaine” de la France est une créature aussi harmonieuse qu’un chat avec une tête de chien. Un animal étrange, vénéré par la majorité des Français.

C’est de Gaulle qui a enraciné dans l’esprit des Français cette profonde méfiance envers la démocratie parlementaire, qui fait que tous les problèmes de l’après-guerre, l’effondrement de l’empire colonial et le chaos politique ont été mis sur le dos de la IVe République, et qu’il n’est question pour personne d’abolir la “monarchie électorale”. Étrange, au pays de la Révolution. Les siècles de monarchie héréditaire ont manifestement laissé des traces. Les charniers des guerres coloniales menées à Madagascar, au Vietnam ou en Algérie ne pèsent pas sur la conscience des Français, mais le souvenir de leur roi décapité il y a deux cents ans les hante encore. Ils le regrettent tellement qu’ils ont érigé, en la figure de leur président, un monument ambulant en l’honneur du fantôme. La royauté a été abolie parce que, laissée aux mains d’incompétents ou de mégalomanes, elle constituait une institution effroyable. La Ve République, qui, placée entre les mains d’un homme qui n’est pas à la hauteur, forme une institution tout aussi effroyable, a encore de beaux jours devant elle.



Article initialement publié sur Lettre International (Berlin)

Du même auteur : Feu sur la présidence !

Sur le même sujet : Les années Sarkozy dans Courrier international

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Gaypride: la polémique poids plume http://owni.fr/2011/04/12/gaypride-affiche-polemique-coq-lgbt/ http://owni.fr/2011/04/12/gaypride-affiche-polemique-coq-lgbt/#comments Tue, 12 Apr 2011 17:50:26 +0000 Hélène David http://owni.fr/?p=56566

Pour l’Égalité, en 2011 je marche, en 2012 je vote.

C’est le slogan de la Gaypride de cette année. L’invitation à l’engagement politique est pleine de noblesse, mais sa mise en image fait largement débat. Cette année, l’inter LGBT a fait appel à une agence de communication pour réaliser (gratuitement) l’affiche de l’événement. Le choix de l’illustration s’est porté sur un coq blanc portant un boa rouge, le tout sur un fond que certains voient bleu. Des codes symboliques et des couleurs qui renvoient à la République et la nation.

Le but de cette affiche est notamment d’interpeller le public au-delà des réseaux habituels“, explique Nicolas Gougain, président de l’inter-LGBT, qui concède qu’il a lui-même été surpris quand il l’a découverte.

Un jury d’associations de l’inter-LGBT s’est réuni pour valider l’affiche. Nous avons été surpris, mais on a aussi pris du recul, en se disant qu’on était pas obligés de proposer une affiche consensuelle, avec un rainbow flag, et qu’un peu de second degré ne ferait de mal à personne!

Sur twitter, les désaccords s’expriment :

En plein “débat” sur “l’identité nationale”, l’affiche infecte de l’Inter-LGBT

La réflexion initialement partagée par Marc Endeweld, journaliste, a beaucoup circulé. Certains demandent si la gaypride sera “un défilé de dindes“. “Il fait de l’œil à qui le coq borgne de l’affiche?” s’interrogent d’autres.

“Cette République n’est pas la mienne”

Un groupe facebook intitulé “l’affiche officielle de la Marche des Fiertés parisienne 2011 est infecte” a également vu le jour. Cécile Lhuillier, qui se réjouit du succès du groupe qu’elle a créé explique que sa démarche a été personnelle et spontanée, en réaction à une affiche qu’elle juge “lamentable et souverainiste“:

Quand j’ai découvert l’affiche, j’ai tout simplement eu envie de vomir. Ce ne sont pas des signes dans lesquels je me reconnais. Je ne comprends pas du tout la démarche de l’inter-LGBT. On parle de réappropriation des codes de la république, avec un coq et le bleu, blanc, rouge, d’un message qui dirait “on est tous citoyens”… Moi je ne suis pas particulièrement fière d’être française, surtout pas en ce moment. Et de quelle république parle-t-on? De celle qui ne veut pas reconnaître nos droits, qui ne veut pas qu’on ait de famille? Cette république, ce n’est pas la mienne!

Dider Lestrade est un membre fondateur d’Act Up. Il estime que “tout le débat qui a lieu sur facebook a tout à fait lieu d’être“, jugeant que cette affiche constitue “une bourde esthétique et symbolique“:

Je ne suis pas un adepte du politiquement correct. Mais là franchement on pourrait trouver autre chose! Il y a quelque chose de grossier dans cette affiche. Elle appelle à des associations d’idées…

Le coq, propriété du FN?

Pour Gilles Bon-Maury, président de l’association Homosexualités et Socialisme (HES), la polémique est “surprenante et dangereuse“. S’il concède que “l’usage fait par le FN de ces symboles est nauséabond“, il estime qu’ils ne sont et ne doivent pas être la propriété du parti d’extrême droite.

Nous avancerons contre le FN justement en nous appropriant les symboles de la nation. La référence au coq est un jeu sur la virilité dans la basse-cour, je suis très embêté que des militants y voient une référence au nationalisme. Je trouve ça bien d’interpeller les citoyens.

Ce qui est certain, c’est que l’affiche aura eu le mérite de faire parler d’elle et de la marche des fiertés. C’est donc mission accomplie pour l’inter-LGBT. “En ce sens, le buzz est plutôt positif” lâche Nicolas Gougain, alors que l’affiche n’est même pas encore imprimée.

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Le faux débat http://owni.fr/2011/04/05/le-faux-debat/ http://owni.fr/2011/04/05/le-faux-debat/#comments Tue, 05 Apr 2011 14:41:11 +0000 Jean-Francois Bayart http://owni.fr/?p=55262 L’islam n’existe pas. Politiquement ou socialement, s’entend. Il n’existe que comme foi et relève alors de la transcendance, qui concerne le rapport du croyant à son Créateur, et non les autorités de l’État. Politiquement, l’on peut faire dire à l’islam, comme à chaque religion, tout et le contraire de tout. Même une notion aussi connotée que celle de djihad revêt des significations différentes, voire antagoniques : elle désigne le combat que le croyant mène en lui-même pour mieux vivre sa foi, aussi bien que la guerre d’Al-Qaida contre l’impérialisme occidental.

Néanmoins, l’extrême droite et la droite françaises banalisent jour après jour cette idée fausse selon laquelle l’islam serait incompatible avec la République, ou lui poserait problème. Contre toute évidence : de par le monde, l’immense majorité des musulmans vivent en République, et l’islam n’a rien à faire avec ce fait puisque ces Républiques sont toutes différentes les unes des autres, comme je l’ai montré dans mon Islam Républicain (Albin Michel, 2010) en comparant la Turquie, l’Iran et le Sénégal.

Aucune prédisposition démocratique ou républicaine

République ne signifie pas forcément démocratie. Mais il n’est point besoin d’être musulman pour le savoir. Les pays chrétiens n’ont-ils pas connu, eux aussi, des régimes républicains autoritaires, par exemple en Europe du Sud ou en Amérique latine ? La République française a-t-elle été toujours démocratique, et pour tout le monde, elle qui a réprimé dans le sang le mouvement ouvrier, n’a reconnu le droit de vote aux femmes qu’après la Turquie, et a colonisé à tour de bras ? Rien ne prédispose l’islam à la démocratie ou à la République. Rien, non plus, n’y préparait le catholicisme, dont l’Église n’est au demeurant pas une institution démocratique.

Dans leur rapport à Dieu, les religions composent avec le monde, et leurs fidèles avec leur temps. Coran ou pas Coran, les musulmans peuvent être sécularisés dans leur comportement personnel et adhérer à la laïcité sur le plan politique, tout comme les jeunes catholiques qui adulaient Jean-Paul II pratiquaient allègrement la contraception. Ils peuvent évidemment aspirer à la démocratie, ainsi que le prouve l’actualité. En leur âme et conscience, les croyants bricolent avec leur dogme, et ne sont pas moins sincères.

À force de compter les burqa, les Français ont laissé passer une statistique intéressante : pendant que leur consommation moyenne d’alcool a diminué de 2005 à 2010, celle du Moyen-Orient a augmenté de 25%, et la région est devenue un marché porteur pour les fabricants.

Un débat inepte et pervers

Sous la conduite de son Président au petit pied, toute à sa trivial pursuit avec le Front national – trivial pursuit dont le nom originel québécois était « Quelques arpents de piège » ! – l’UMP s’entête donc à enfermer la France dans un débat inepte et pervers sur la place de l’islam dans la République, quitte à le rechaper précipitamment en réflexion sur la laïcité, ce qui ne trompe personne. Et cela à un moment où l’islam a été le grand absent des bouleversements que traverse le monde arabe, et Al-Qaida leur grand perdant ! On ne peut être plus anachronique.

Ceux qui veulent parler d’islam n’en savent rien : à tout seigneur tout honneur, le président de la République vient d’en apporter une illustration grotesque en parlant d’écritures en « langue soufique » sur la basilique du Puy-en-Velay (le soufisme n’est pas une langue, mais la voie mystique de l’islam). Et les musulmans ne veulent pas en débattre car ils savent qu’il s’agit de les rendre moins français aux yeux de leurs compatriotes. Déjà Paris avait renoncé à étendre aux trois départements d’Algérie la loi de séparation des Églises et de l’État… dont l’association des ulémas demandait l’application ! Aujourd’hui comme hier, la très universaliste République française assigne des identités particularistes – maintenant musulmane, jadis juive – à ceux de ses citoyens qu’elle veut subordonner ou exclure du corps national.

Piètres fondamentalistes de la laïcité

Comble de la crapulerie politique, les initiateurs de ce psychodrame se réclament de la laïcité. C’est méconnaître l’extraordinaire pragmatisme des auteurs de la loi de 1905, loi évolutive qui a subi de multiples révisions pour rendre possible l’accommodement entre l’Église et l’État, tout en promouvant les principes constitutifs de la République, laquelle, constitutionnellement, n’est devenue « laïque » qu’en 1946. Il ne suffit pas de citer Jaurès pour être aussi intelligent visionnaire que lui. Et les salafistes de la laïcité, qui ont transformé sa « maïeutique » en religion, sont de piètres fondamentalistes.

S’ils daignaient (re)lire le texte dont ils se revendiquent, ils constateraient que son article 27 confère aux autorités municipales, ou préfectorales en cas de désaccord entre ces dernières et les autorités religieuses, le règlement des « cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d’un culte ».

La France connaît chaque vendredi, pendant deux heures, une dizaine de « prières de rue », compte quelques centaines voire quelques petits milliers de femmes voilées, enregistre un nombre d’incidents dans les services publics très inférieurs à ce que le gouvernement, le FN et certains médias assènent, mais préfère consacrer son débat public à ces questions picrocholines relevant de réglementations municipales ou préfectorales, plutôt qu’à la montée du chômage et de la précarité, à l’aggravation de la pauvreté, à la dislocation des services publics, à la déshérence des banlieues et des campagnes. Cherchez l’erreur. Et cherchez à qui elle profite.

Article initialement publié sur le blog de Médiapart de Jean-François Bayart sous le titre : La chimère de l’islam

Crédits Photo FlickR CC : khowaga1 / sierragoddess

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http://owni.fr/2011/04/05/le-faux-debat/feed/ 5
La performance du FN piège les partis républicains http://owni.fr/2011/03/21/elections-cantonales-fn-front-national-piege-partis-republicains/ http://owni.fr/2011/03/21/elections-cantonales-fn-front-national-piege-partis-republicains/#comments Mon, 21 Mar 2011 15:27:37 +0000 Eric Dupin http://owni.fr/?p=52530 Les absents ont toujours tort. La règle vaut aussi en matière électorale. Une majorité de Français appelés dimanche aux urnes pour le premier tour des cantonales a manqué à l’appel. Le taux d’abstention, de 55,6%, a battu tous les records pour ce type de scrutin. Mais saluons aussi le civisme de la petite moitié du corps électoral qui a participé à une compétition négligée par la plupart des médias et privée d’enjeux palpables…

Plutôt que de faire parler des abstentionnistes dont le message est, par définition, assez confus, écoutons donc ces courageux électeurs. Leur vote exprime l’état d’esprit de la partie politiquement la plus mobilisée de la population. Une indication qui n’est pas négligeable à un an de l’élection présidentielle de 2012 où le camp le plus vaillant disposera d’un avantage décisif.

Effondrement de l’UMP

L’identité du principal perdant de ce premier tour ne fait aucun doute. Tout l’art des additions du ministre de l’Intérieur n’y changera rien : le parti présidentiel essuie un échec humiliant. Avec 17,1% des suffrages exprimés, les candidats de l’UMP enregistrent un résultat exceptionnellement faible pour un parti au pouvoir. La chute est d’environ quatre points par rapport au premier tour des cantonales de 2004 . L’électorat populaire l’a quitté. Au total, la droite modérée doit se contenter de 31,9% des voix, ce qui n’a rien de glorieux et augure mal, pour elle, des prochaines échéances.

Le froid verdict des chiffres est également sévère pour le Modem qui ne recueille que 1,2% des suffrages, soit une baisse de trois points par rapport au score de l’UDF d’il y a sept ans. Dans un contexte de très vive hostilité à l’encontre du pouvoir, le résultat du principal parti d’opposition n’est pas non plus très glorieux. Avec 25% des voix, le PS ne retrouve pas, à un point près, son résultat de 2004. La performance n’est pas fameuse pour ce parti d’élus généralement à l’aise dans les élections locales. Mais le Front de gauche s’en tire un peu mieux avec 9% des voix (plus un point).

Les socialistes ont vraisemblablement subi la concurrence de candidats écologistes à l’offensive. Rassemblant 8,3% des suffrages exprimés, ceux-ci progressent de quatre points au regard du scrutin de référence. Mathématiquement, ce sont les écologistes – qui ont pu être portés par le contexte du drame nucléaire japonais – qui apparaissent comme les premiers vainqueurs de ce scrutin. Politiquement, c’est autre chose. Le Front national ne gagne, lui, que trois points mais son score national de 15,2% représente un succès qui ne doit pas être sous-estimé. Soulignons que ce progrès est mesuré par rapport à sa performance aux cantonales de 2004, lorsque le FN était porté par son succès du 21 avril 2002. Aux cantonales de 2008, ce parti n’avait recueilli que 4,8% des voix. C’est dire si le redressement est vigoureux.

Un Front nationalisé

Parti encore mal organisé, le FN n’était présent dimanche que dans 71% des cantons. Son score national est énorme pour une formation totalement dénuée d’implantation cantonale. L’extrême droite ne dispose d’aucun conseiller général sortant. Là où il participait à la compétition, son pourcentage est d’environ 20% des suffrages exprimés. Cela ne signifie pas que son audience nationale est d’un tel niveau dans la mesure c’est généralement dans ses zones de faiblesse que le FN n’avait pas réussi à présenter de candidat.

Ses résultats n’en sont pas moins impressionnants dans des régions qui étaient autrefois des terres de mission pour l’extrême droite. C’est le principal enseignement du scrutin de dimanche. Le vote frontiste s’est désormais largement nationalisé, avec des avancées notables dans une France rurale qui a cessé d’être paysanne pour héberger une large fraction des classes populaires .

Les départements traditionnellement modérés et conservateurs de l’Ouest, naguère rétifs aux séductions lepénistes, accordent ici ou là de beaux résultats au FN. Dans le canton rural d’Allonnes, en Maine-et-Loire, son candidat obtient ainsi 22,7% des voix. Citons encore le canton de Château-la-Vallière en Indre-et-Loire (21,1%) ou celui de Sainte-Mère-l’Eglise dans la Manche (22,3%). En Ile-et-Vilaine, ce parti n’était présent que dans un quart des cantons. Mais dans deux cas sur six, il a réussi à être qualifié pour le second tour.

Le FN retrouve encore des couleurs dans ses bastions un moments perdus. A Vitrolles (Bouches-du-Rhône), son candidat est en ballottage contre celui du PS avec 28,2% des voix. Il est en tête à Nice 10 (Alpes-Maritimes) avec 33,7%. Même position à Calais-centre (Pas-de-Calais) où son score est de 26,9%. Le Front de Marine Le Pen ne retrouve pas l’audience de celui de son père en Seine-Saint-Denis même s’il se redresse là aussi. Mais il cartonne dans la France pavillonnaire de la Seine-et-Marne. Dans le département de Jean-François Copé, le FN devance à la fois l’UMP et le PS. Il enregistre aussi des résultats flatteur dans les régions en proie à la désindustrialisation du nord-est de la France. A Saint-Dizier-Ouest (Haute-Marne), ville en lutte contre le déclin démographique, le candidat frontiste culmine à 38% des voix. C’est toute une partie de la France qui souffre qui regarde aujourd’hui du côté du Front national.

Le dilemme du « front républicain »

Arrivé en tête dans 39 cantons, le FN sera présent au second tour dans pas moins de 399 compétitions. Ces duels insolites, qui opposeront dans la moitié des cas une candidat d’extrême droite à un socialiste, posent de redoutables problèmes à la classe politique.

Pour être parée de vertus morales, la stratégie dite de « front républicain » (appels de la droite ou de la gauche à voter pour son adversaire face au FN) n’est pas sans inconvénients. Elle offre, en effet, à la formation lepéniste un avantage symbolique de poids : celui de pouvoir faire la démonstration qu’il est le seul véritable adversaire de partis de gouvernement finalement complices. L’argument de l’union sacrée anti-fasciste perd quelque peu de sa force de conviction dés lors que Marine Le Pen prend soin d’éviter le dérapages sulfureux de son père et tient un discours qui n’est pas celui de l’extrême droite traditionnelle.

Le refus de l’UMP de choisir la stratégie du « front républicain » ne s’explique toutefois pas principalement par ce type de considérations. Le parti sarkozyste est d’abord soucieux de ne pas se couper d’électeurs frontistes dans la perspective de la prochaine compétition présidentielle. Le président sortant escompte visiblement un bon reports des voix du FN au tour décisif. D’où l’impératif de ne pas braquer cette partie du corps électoral. Les socialistes ne sont pas prisonniers de pareils calculs. Ils ont, à l’inverse, tout intérêt à défendre une ligne qui isolerait la droite de son extrême.

>> Illustrations CC flickr Clementine Gallot ; staffpresi_esj

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Les juges paient des années de soumission collective http://owni.fr/2011/02/08/les-juges-paient-des-annees-de-soumission-collective/ http://owni.fr/2011/02/08/les-juges-paient-des-annees-de-soumission-collective/#comments Tue, 08 Feb 2011 17:49:32 +0000 Jean de Maillard http://owni.fr/?p=45761 Nicolas Sarkozy n’a pas le monopole de la démagogie. Il n’a même pas le mérite d’avoir inventé la chasse au juge, le sport préféré de la classe politique française.

Depuis des lustres, la justice est la tête de Turc de nos gouvernants parce que quelques magistrats – ceux que Mitterrand traitait jadis de « chiens » – osent parfois aboyer à leurs basques. Mais si l’actuel Président se contentait jusqu’à présent de les comparer à des petits pois, il n’est pas besoin d’être grand clerc pour deviner que ses offensives actuelles ont d’autres visées que de poursuivre les humiliations dont nos politiciens ont fait leur plaisir favori.

Faut-il pour autant applaudir le sursaut de dignité de la magistrature française, d’ordinaire si molle et si docile ? Sur la forme peut-être, quoique je sois sans illusion sur son audace éphémère, dont elle est la première effrayée.

Que fera-t-elle après trois ou quatre petits jours de grève – pardon, de « suspensions d’audiences », il y a des mots qui fâchent – sinon retourner bien sagement dans ses salles d’audience, loin desquelles elle se sent désespérément perdue ? N’est pas Tunisien ou Égyptien qui veut.

Les juges n’ont rien fait pour sauver une justice pénale moribonde

Quant au fond de l’affaire, c’est autre chose. Car si le président de la République a pu si facilement s’en prendre aux juges de Nantes ce n’est pas, comme disent ceux qui l’approuvent, parce que les juges n’en font pas assez, mais parce que la justice pénale que nous rendons est moribonde et que les juges n’ont rien fait pour l’empêcher.

Et de cela, ils sont comptables tout autant que les politiques parce qu’ils n’ont jamais su enrayer – ils n’ont même pas essayé de le faire – les dérives d’un système à bout de souffle. Les magistrats français paient aujourd’hui trop d’années de complaisance obséquieuse et de soumission collective, que l’on retrouve jusque dans les piètres arguments qu’ils opposent aux critiques qui les assaillent.

Car le vrai problème n’est pas de leur accorder plus de moyens, mais qu’ils se ressaisissent pour rendre – enfin – une autre justice.

Un éducateur aurait-il sauvé Lætitia ?

Si l’on voulait réfléchir un peu, il faudrait se demander par exemple en quoi mettre un éducateur derrière le meurtrier présumé de la malheureuse Lætitia aurait changé quoi que ce soit à l’horrible sort de la victime.

Mais les mythes ont la vie dure. Qu’on me pardonne de relater une anecdote pour illustrer mon propos.

Il y a vingt-cinq ans à peu près – on voit ainsi que le mal n’est pas récent – j’ai dû juger en cour d’assises un pervers sexuel multirécidiviste qui avait tué atrocement une petite fille après l’avoir violée avec un comparse.

L’individu avait auparavant bénéficié d’une libération conditionnelle qui s’était déroulée à la pleine satisfaction des éducateurs et du juge de l’application des peines. L’enquête révéla pourtant que le probationnaire modèle violait aussi la fille de sa concubine sur la table de la cuisine quand il attendait la visite de son éducatrice.

Heureusement, en ces temps anciens, on ne demandait pas aux juges de s’expliquer, pas même de s’excuser.

Fumeuse promesse d’embauche pour un braqueur récidiviste

En voulez-vous une autre ? Présidant plus récemment une audience de comparution immédiate, j’eus la surprise de voir un jour comparaître un braqueur de banques, récidiviste également, récemment sorti de prison grâce à une opportune libération conditionnelle.

Ayant dû prolonger sa détention provisoire quelque mois plus tôt comme juge des libertés et de la détention, j’étais fort étonné en effet de le voir déjà en liberté, même si je l’étais moins de le retrouver devant nous.

Car ce n’était pas un petit braqueur : avec sa bande, ils avaient volé des engins de chantier pour défoncer les distributeurs automatiques de billets et accueilli les gendarmes avec un pistolet mitrailleur – dont il fut fait usage faut-il le préciser ?

Passons sur l’indulgence de la sanction, obtenue probablement grâce à une maladie dont il avait guéri sitôt la peine prononcée : sept ans de réclusion. Le jour précis où il avait atteint sa mi-peine, éligible à la libération conditionnelle à condition de voir levée sa période de sûreté, il avait obtenu et l’une et l’autre sur-le-champ.

Sur la base de quelles garanties ? Une promesse d’embauche fournie par un garagiste qu’une balle dans le dos lors d’un règlement de comptes avait rendu invalide, mais qui offrait un généreux emploi au braqueur repenti dans son garage en liquidation ! Il n’y mit évidemment jamais les pieds. Je n’ai jamais eu de compte-rendu sur le déroulement de sa libération conditionnelle…

La justice dans une confortable illusion sanitaire et sociale

Ce ne sont, me dira-t-on, que quelques ratés comme on peut en trouver partout. Je veux bien, mais c’est refuser de voir aussi que les politiques, submergés par une délinquance et une criminalité qu’ils ne maîtrisent qu’en tripatouillant les statistiques, ont entraîné la justice dans la grande illusion sanitaire et sociale, si confortable et si rassurante.

Je me demande même dans quelle mesure ce ne sont pas les juges qui ont attiré les politiques et les médias dans ce mirage, tant la magistrature aime à donner d’elle-même l’image flatteuse de la compétence et de la pondération.

Empressés de prouver leur savoir-faire, les magistrats ont accepté d’assumer tous les maux d’une société trop heureuse elle-même de leur en abandonner l’impossible gestion. Ils ne savent plus, maintenant, comment s’en dépêtrer.

Le monde enchanté des Bisounours

Imaginons alors ce que cela peut donner quand on passe des grands prédateurs à la population pénale ordinaire, celle qui défile à la queue leu leu dans les bureaux du juge d’application des peines (JAP) pour quêter qui un bracelet électronique, qui une semi-liberté ou n’importe quel autre aménagement de peine qui évite de connaître les geôles, il est vrai lugubres, de la République.

Les JAP ont reçu injonction du législateur de les octroyer généreusement pour les peines inférieures à deux ans de prison car les maisons d’arrêt débordent, quoi qu’on fasse, de partout.

Mais voilà qui est parfait, disent les bonnes âmes : aménager la peine, c’est la rendre utile et fructueuse, en vue d’une réinsertion qui est bien le but de la réparation que demande la société.

Oui peut-être, dans le monde enchanté des Bisounours, quand on raconte aux enfants des histoires qui embellissent leurs jolies nuits pleines de rêves. Dans la réalité sordide de la violence sociale ordinaire, la vie est hélas moins rose et les happy end bien plus rares.

Des gadgets socio-psycho-médico-pédagogico-éducatifs

La vérité de cette vie est ailleurs : dans une société déboussolée, où l’ordre public apparent l’emporte maintenant sur toute autre considération car c’est lui qui conditionne le résultat des élections, la police arrête à tour de bras, place en garde à vue à la chaîne, boucle à la va-vite ses enquêtes et ficelle n’importe comment ses procédures.

La justice, qui juge en rang serré une chiourme habituée à errer entre hôpitaux et prison, abat, plus mollement qu’on ne le dit mais avec la lassitude de ceux qui connaissent l’inanité de ce qu’ils accomplissent, des peines qu’elle fait semblant de croire « utiles » en les assortissant de toute une panoplie de gadgets socio-psycho-médico-pédagogico-civico-éducatifs aussi creux les uns que les autres.

C’est ainsi qu’au terme, paraît-il, d’une quinzaine de condamnations, Tony Meilhon avait encore écopé d’un sursis avec mise à l’épreuve.

Mise à l’épreuve de quoi, le saura-t-on jamais ? La justice y croyait d’ailleurs si peu qu’elle a laissé le dossier dormir sous la pile de toutes les autres décisions, aussi vaines, qui s’entassent sur les bureaux des JAP.

Avec Tony Meilhon, les juges se sont piégés eux même

Dans un autre contexte, il faudrait en rire. Car si la justice dans cette affaire est responsable de quoi que ce soit, c’est bien d’avoir fourni à Nicolas Sarkozy le prétexte sur lequel il s’est précipité pour la rendre responsable de la mort de Lætitia.

La seule chose dont on s’autorise à sourire dans cette affaire, c’est de voir à quel point les juges se sont piégés eux-mêmes. Condamnant Tony Meilhon [soupçonné du meurtre de Lætitia, ndlr], pour outrage à magistrat, ils l’ont placé sous le contrôle d’un JAP et d’un éducateur qui avaient pour mission de le surveiller, ce dont ils étaient bien incapables.

Faute de moyens peut-être, puisque les effectifs fondent comme neige au soleil, mais faute d’abord et surtout de savoir pourquoi on met des individus dotés de lourds profils sous une surveillance qu’on sait – ou qu’on devrait savoir – aussi oiseuse que vouée à l’échec. Mais le mythe est indestructible.

Et les juges, d’un seul chœur, continuent envers et contre tout à psalmodier leurs demandes de moyens, pour dissimuler leur impuissance et leur désarroi devant la montée d’une société en miettes et pour éviter de se poser les seules questions qui vaillent : qui jugeons-nous, pourquoi, comment et pour quoi faire ?

Article initialement publié sur le blog de Jean de Maillard sur Rue89

Crédits photos CC FlickR ilkin., DieselDemon

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[Tribune] François Fillon: “offrir un nouveau sens à l’humanisme”? http://owni.fr/2010/08/27/tribune-francois-fillon-offrir-un-nouveau-sens-a-l%e2%80%99humanisme/ http://owni.fr/2010/08/27/tribune-francois-fillon-offrir-un-nouveau-sens-a-l%e2%80%99humanisme/#comments Fri, 27 Aug 2010 14:20:51 +0000 François F. http://owni.fr/?p=26357 Alors que se termine un été où les mots “étrangers” et “sécuritaire” ont plus brillé dans l’agenda politique que le soleil dans le ciel estival, ces mots de l’actuel Premier Ministre, François Fillon, sont emplis d’espoirs et sa plume est courageuse.

Si ce n’est que ce texte date de 2004, époque où François F. était Ministre de l’Éducation Nationale et a servi de préface au guide “L’idée Républicaine aujourd’hui”.

Cet ouvrage s’adressait à l’époque “aux enseignants, en particulier aux professeurs d’histoire, de français et de philosophie, aux chefs d’établissement et aux personnels d’éducation” mais les mots du Premier Ministre actuel s’adressent surtout à nos coeurs, n’est-ce pas ?

Assez discuté et que la tribune s’ouvre…

(ps : n’oubliez pas la capture d’écran, qui sait si cette tribune sera pérenne…)

Depuis plus de deux siècles, les Français entretiennent une relation particulière avec la République.

Plus qu’un simple système juridique, la République est pour la France un projet politique et social ordonné autour de fondamentaux que l’on appelle les valeurs républicaines. Ces valeurs portent une dimension morale et universelle et inspirent nombre de peuples qui cherchent, encore aujourd’hui, les instruments de leur liberté.

C’est dire notre devoir de cultiver et de garder toujours à jour notre idéal républicain.

Initié par Luc Ferry, cet ouvrage « L’idée républicaine aujourd’hui » s’inscrit dans une démarche pédagogique. Avec talent et conviction, ses auteurs ont cherché à mettre en perspective nos valeurs communes pour mieux en restituer la pertinence et les faire connaître à tous. Qu’ils en soient remerciés. Leur expérience personnelle et intellectuelle, la diversité de leurs fonctions et de leurs origines, font la force de ce document.

Celui-ci se situe au centre du débat démocratique ; il nous renvoie vers une question essentielle qui se pose à nous : comment concevons-nous notre « vivre ensemble » ?

Cette interrogation est d’autant plus importante que nous vivons une période où se nouent et se décident des choix qui dessineront le visage de notre avenir. Or, le combat pour la République n’est jamais fini. Preuve en est, alors même que nous sortons d’un siècle de fer et de sang, voici que ressurgissent certains des démons qui ont fait le malheur du passé : la violence, l’antisémitisme, le racisme ou encore l’égoïsme identitaire… Autant de phénomènes d’intolérance auxquels nous devons opposer avec conviction la rigueur et la générosité des valeurs républicaines.

La République reste le meilleur atout de notre cohésion nationale. Gage de toutes les déclinaisons des libertés, c’est elle qui crée les conditions de l’égalité des chances indépendamment des caractéristiques sociales, spirituelles et culturelles. Elle fonde cette communauté de destin au sein de laquelle chacun d’entre-nous, ensemble, écrivons l’histoire de notre pays. Quelles que soient l’origine ou la couleur de peau ; nos appartenances philosophiques ou religieuses ; que l’on s’appelle Pierre, Djamila ou Deng : il n’y a que des citoyens égaux en droits et en devoirs, tous dépositaires de la France républicaine.

C’est à l’école qu’il revient de préparer à la citoyenneté. C’est dès le plus jeune âge que s’acquiert le sens de la fraternité, de l’égalité et du partage.

L’idéal républicain est toujours une idée moderne. Il doit sans cesse être enrichi et actualisé, tout en conservant de son sens et de sa force culturelle. Dans cette perspective, le Président de la République a donné, lors de son discours du 17 décembre 2003, une définition de la laïcité, ferme dans son principe et pragmatique dans son usage. Il nous a invités à ancrer la République dans la modernité.

C’est à ce devoir que se propose de contribuer ce guide. Il permettra aux enseignants et aux élèves d’accéder aisément à la connaissance de notions clés qui fondent l’idée républicaine. Il permettra de les enrichir de concepts nouveaux comme la mixité, la lutte contre les discriminations ou encore celui si essentiel de la place de la femme dans notre société…

À l’aube du XXIe siècle, il nous faut plus que jamais offrir un nouveau sens à l’humanisme. Au coeur de cette ambition française, il y a la République.

Et pour paraphraser David Abiker qui a su porter ce texte sur la place publique :

Vive la République, vive internet et vive la crossfertilisation.

Copyright photo cc FlickR World Economic Forum

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Les bien belles valeurs de notre République http://owni.fr/2010/07/14/les-bien-belles-valeurs-de-notre-republique/ http://owni.fr/2010/07/14/les-bien-belles-valeurs-de-notre-republique/#comments Wed, 14 Jul 2010 07:31:21 +0000 Didier Kala (Brave Patrie) http://owni.fr/?p=21892 La conception bravepatriote des Droits de l’Homme fait de notre Nation un havre de justice sur l’horizon tempétueux d’un monde rempli d’inégalités et de petites brimades quotidiennes. Guidée avec responsabilité et discernement par un homme qui met au-dessus de tout « l’utilité, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles, d’une grâce individuelle prononcée de façon transparente », la France fait corps avec une des valeurs humaines fondamentales : la charité.

En plus de faire jaillir une bonté chaude et si collante que ses récipiendaires ont par la suite du mal à se défaire de ses stigmates, cette valeur remplit celui qui l’exprime d’un bonheur serein et lui fait un peu flageoler les jambes. C’est la Semaine de Nos Valeurs Communes, c’est Noël, Nicolas Sarkozy ne pouvait y couper : vive la charité faciale !

Troisième, et non la moindre, de nos valeurs communes, la charité est d’ordinaire décelable par le biais de son absence : Idi Amin Dada, par exemple, ne faisait montre d’aucune charité. Jean-Bedel Bokassa non plus, de même que Djibril Cissé au moment de tirer un boulet de canon. Tous trois sont d’origine Noire, comme ne peut manquer de le remarquer l’observateur attentif de la politique internationale.

Mère Teresa, Jésus et le mahatma Gandhi, en revanche, sont plus clairs de peau et très charitables.

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Jean-Charles Marchiani va pouvoir passer les fêtes en famille

Nicolas Sarkozy aussi, qui vient de grâcier Jean-Charles Marchiani, un haut fonctionnaire injustement vilipendé.

En choisissant de passer outre la rigidité d’un système judiciaire parfois trop sévère, le Président de la République permet à un anonyme, à quelqu’un comme vous et moi – M. Marchiani n’est qu’une très vague connaissance du cousin d’un ancien collègue de travail de Président de la République, ça n’est pas comme s’ils étaient amis sur Fafbook – passera Noël en famille. Et la Famille c’est important, Nicolas Sarkozy le sait bien, d’où cet acte absolument gratuit de gentillesse.

Nous voyons trop souvent des jeunes amers et désabusés qui font grief à la société de leur propre inaptitude à embrasser les conditions économiques du moment.

Une récente étude a établi que 97,3% d’entre eux étaient des enfants de la Diversité. Faut-il y voir un hasard ? Non, bien sûr : en général élevés dans des conditions déplorables par des parents paresseux et parlant à peine le français, ces jeunes sont en manque de repères et partagent une sidérante lacune de valeurs.

Ils seraient bien plus heureux s’ils adoptaient celles qui caractérisent la société française et pratiquaient eux-mêmes la charité.

Charité envers la police, par exemple, ou envers la vieille dame qui change de trottoir en vous croisant. Oui ce type de comportement peut irriter, et oui un plaquage contre le capot d’une Peugeot 306 banalisée n’est pas très agréable, nous l’admettons volontiers. Mais en se mettant à la place de l’autre, on peut le comprendre : c’est vrai que vous autres Noirs et Arabes faites un peu peur.

Pardonnez, charitablement !

Charité envers la France : oui, vos parents ont peut-être sué sang et eau sur les chantiers qui l’ont reconstruite, ou versé leur sang à la défendre contre l’ignoble agression d’ultra-gauchistes algériens dans les années 50 et 60. Mais peut-on, sérieusement, reprocher à une administration surchargée de travail de parfois oublier une pension par-ci par-là ?

Pardonnez, charitablement !

Pour reprendre les immortels mots de Christine Boutin, pratiquer, entre autres valeurs communes, la charité, permettra aux jeunes d’avoir le déclic :

« quelque chose dans leur parcours qui les a fait changer de cap, de comportement. Que ce soit un apprentissage militaire, manuel ou sportif, tous ont choisi un jour d’adhérer à des règles communes qui les ont fait grandir et prendre toute la place qui leur revient. »

Comment quelqu’un comme M. Sarkozy, lui aussi un enfant de la Diversité, on l’oublie trop souvent, a-t-il pu s’extraire du ruisseau, grandir, et occuper la place qui lui revenait ? En adoptant des Nos Valeurs Communes, bien entendu.
Plein de gratitude, il a décidé de rendre à la France en donnant lui-même l’exemple et en graciant, très charitablement, Jean-Charles Marchiani.

Un bien bel exemple en vérité.

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Billet originellement publié sur Brave Patrie sous le titre Nos valeurs n°3: la Charité.

Crédit Photo CC Flickr : Frenchy et MrGonzales (une).

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Nicolas Sarkozy : votre bilan en 140 caractères http://owni.fr/2009/12/07/nicolas-sarkozy-votre-bilan-en-140-caracteres/ http://owni.fr/2009/12/07/nicolas-sarkozy-votre-bilan-en-140-caracteres/#comments Mon, 07 Dec 2009 11:38:04 +0000 Alfred-Georges (Brave Patrie) http://owni.fr/?p=5973

Le président de la République vient de lancer un grand débat démocratiquement participatif sur les réseaux sociaux Twitter et Facebook.
Soucieux de prendre de la hauteur et de traiter des questions de fond qui passionnent les électeurs – et rejetant ainsi, comme à son habitude, le sinistre populisme épidermique qui caractérise certains opposants de sombre mémoire – Nicolas Sarkozy invite les Français à débattre de son bilan à mi-parcours. Ou en tout cas à mi-premier mandat, soit un quatre-centième d’un Parcours de Mille Ans.

La règle est simple : pour chacune des promesses du candidat de 2007, envoyez vos évaluations au président de 2009. Cela peut se faire sur Twitter ou bien sur Facebook :

» Sur Twitter : publiez votre réponse à chacune des promesses du candidat et marquez-la du mot-clé approprié (#sarkobilan_1, #sarkobilan_2, etc.)
» Sur Facebook : devenez fan de la page Sarkobilan et publiez vos appréciations enthousiastes sous chacune des promesses.

Pour mémoire, les 15 promesses du candidat Sarkozy étaient les suivantes :

»Mettre fin à l’impuissance publique
»Une démocratie irréprochable
»Vaincre le chômage
»Réhabiliter le travail
»Augmenter le pouvoir d’achat
»L’Europe doit protéger dans la mondialisation
»Répondre à l’urgence du développement durable
»Permettre à tous les Français d’être propriétaires de leur logement
»Transmettre les repères de l’autorité, du respect et du mérite
»Une école qui garantit la réussite de tous les élèves
»Mettre l’enseignement supérieur et la recherche au niveau des meilleurs mondiaux
»Sortir les quartiers difficiles de l’engrenage de la violence et de la relégation
»Maîtriser l’immigration
»De grandes politiques de solidarité, fraternelles et responsables
»Fiers d’être français

Miracle de l’internet et de l’API Twitter, un clic sur chacune des promesses ci-dessus vous permettra de consulter en temps réel les réponses des Français. Revenez donc souvent !

PS : Brave Patrie n’est pas à l’origine de cette opération, mais la trouve salutaire pour la nationale-démocrature. Si vous avez le même sentiment, croissez et multipliez, chers lecteurs, c’est du copyleft pur et dur !


» Article initialement publié sur Brave Patrie ]]> http://owni.fr/2009/12/07/nicolas-sarkozy-votre-bilan-en-140-caracteres/feed/ 1 Reuters et AFP tombent (à leur tour) dans le tout à l’égout ! http://owni.fr/2009/09/12/apres-olivennes-hadopi-reuters-afp-tombent-dans-le-tout-a-l-egout-internet/ http://owni.fr/2009/09/12/apres-olivennes-hadopi-reuters-afp-tombent-dans-le-tout-a-l-egout-internet/#comments Sat, 12 Sep 2009 16:39:39 +0000 Nicolas Voisin http://owni.fr/?p=3541 Internet est un “tout à l’égout” répète en boucle ce cher Olivennes (patron de l’ex-Obs et père caché de Zara Hadopi) semble-t-il en phase avec l’AFP et Reuters, qui se prennent salement les pieds dans les fils ces temps-ci…

Michaelski le dessine mieux que nul autre ne le décrit (voir le strip intégrale). Pierre Haski ce matin a également vue rouge et trainé France 3 dans ce grand bain de boue. C’est qu’il faut lire cette dépêche AFP et, pire encore, celle-ci, de Reuters. Amalgames, ratés, erreurs grossières, idées reçues. Tout y passe.

Ce que nul n’ose s’avouer est que ce n’est pas “Internet” qui “se permet des choses” qu’il ne “faudrait pas faire”, non. C’est Internet et Internet seulement où les rares audaces éditoriales, les exceptionnelles expérimentations et les éphémères coups d’épées rédactionnelles (le plus souvent dans l’eau) ont encore parfois lieu.

La vidéo de Ségolène sur les 35h avait été pointée sur mon blog par Le Monde [ndlr : leurs archives sont payantes, les miennes en goguette]. Le papier trappé par Bolloré à propos du Pass-Navigo avait été dévoilé sur mon Twitter suite – déjà – à un refus d’une rédaction nationale majeure de publier l’info. Naguère, même les sites d’information des médias traditionnels et en particulier de presse (la TV n’a pas en France la culture du scoop et de l’info chaude) s’appuyaient sur “le web”, en l’occurrence sur les blogs, pour “balancer”.


Cette semaine, c’est à la Une de son propre site que Le Monde à diffusé la vidéo
(une première – voir capture d’écran ci-dessus). Public Sénat n’avait pas osé diffuser ses propres images. Pas de fuite auprès d’un blogueur pour se défausser (ni de télé belge). Pas de “Pure Player” ou de “journaliste citoyen” ni de portable ou de tweet derrière cette information. Juste un média qui fait son travail: coller à la réalité. La restituer. En assumer les conséquences. Sans jamais réellement parvenir à contextualiser ou analyser les mécanismes à l’œuvre, soit dit en passant (Versac a tenté le coup sur Slate).

Internet n’est pas une poubelle, c’est même la seule surface résiduelle de liberté éditoriale et d’audace journalistique. C’est aussi là que le métier se réinvente (Benoit Raphael parle d’un ADN de l’information qui a changé, contrairement à celui des journalistes, qui résisteraient à se remettre en cause. Et vont trop souvent à l’aumône, rajouterai-je).

Oui, la “blague” de Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, est inadmissible – pour cette seule et unique raison. Car il incarne la République. Oui, il fallait diffuser ces images, quand un seul témoignage écrit du journaliste aurait posé d’autres problèmes. Oui il a fallut s’adosser à Internet pour le faire. Même pour Le Monde. Même pour le JRI de Public Sénat. Oui. Sans internet point de salut ?

Le problème avec les dépêches d’agence bâclées, c’est pas quand il y en a une. Quand il y en a une, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes, comme on dit en Auvergne.

Article cross-posté depuis Nuesblog /-)

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