OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les routeurs de la discorde http://owni.fr/2012/10/11/routeurs-discorde-bockel-zte-huawei/ http://owni.fr/2012/10/11/routeurs-discorde-bockel-zte-huawei/#comments Thu, 11 Oct 2012 12:26:29 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=122318 Car Trail Lights Art – photo CC by-nc-sa Theo van der Sluijs

Car Trail Lights Art – photo CC by-nc-sa Theo van der Sluijs

Les États occidentaux s’agacent de l’emploi de technologies chinoises aux coeurs des réseaux. La France a ouvert le bal en juillet dernier. Le sénateur Jean-Marie Bockel y consacre une partie de son rapport sur la cyberdéfense.

Recommandation n°44, interdire sur le territoire nationale et européen le déploiement et l’utilisation de “routeurs” ou d’équipements de cœur de réseaux qui présentent un risque pour la sécurité nationale, en particulier les “routeurs” ou d’autres équipements informatiques d’origine chinoise.

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Seuls les services secrets des États-Unis, et un peu d'Europe, auraient le droit de fricoter avec les géants du numérique ...

Le discours est clair. Il lui a été soufflé Outre-Rhin par le ministère de l’intérieur allemand et le BSI, l’équivalent de l’ANSSI française (chargée de la cybersécurité et de la cyberdéfense). Deux constructeurs sont visés : Huawei et ZTE.

L’entremise parlementaire est habile, elle n’engage pas le gouvernement français. Les États-Unis ont rejoint le mouvement cette semaine. Avec la même malice, l’annonce émane de deux parlementaires. Quels sont donc ces grands méchants routeurs qui les effraient tant ?

Échangeur pour paquets

Tout simplement des boites posées à l’endroit où se rencontrent deux ou plusieurs lignes (les points d’interconnexion). Traduisez boîte en anglais (box) et une image apparaîtra tout de suite : celle des chères box internet de chez vous.

Comme pour les box à domicile, les opérateurs utilisent des routeurs, dont la taille diffère certes, mais dont le principe reste le même. “Les routeurs voient passer les paquets de connexion et les transmettent” explique l’ingénieur Stéphane Bortzmeyer de l’Afnic, l’association qui gère les noms de domaine dont le .fr. Un échangeur en quelque sorte. Les données arrivent et sont redistribuées vers différentes routes en fonction de l’encombrement du trafic sur chacune.

Comme sur le routeur mécanique ci-dessous :

Mechanical router – photo CC by Joi Ito

Mechanical router – photo CC by Joi Ito

Des points clefs pour le bon fonctionnement d’Internet donc. En 2008, une erreur de routage de Pakistan Telecom avait tout simplement rendu YouTube inaccessible… dans le monde entier. Pour empêcher l’accès au site de partage de vidéos, les routeurs devaient renvoyer les connexions vers une destination inconnue, “un trou noir”. Les paquets (la bille sur la photo ci-dessus) n’étaient plus dirigés vers un tuyau, mais vers une impasse ou un trou. Problème : le fournisseur d’accès de Pakistan Telecom à Hong Kong a suivi la même règle de routage et ainsi de suite.

“Les routeurs sont un peu partout, dans les points d’interconnexion et dans les réseaux”, confirme Stéphane Bortzmeyer :

Il ressemble à des sortes de grands distributeurs de boissons (en fonction de leur importance).

Selon “la petite enquête informelle” de Jean-Marie Bockel, aucun opérateur français n’utilise d’équipements chinois pour les cœurs de réseau. A l’instar de France Telecom qui en a installé sur sa chaîne, mais qui préférerait des produits Alcatel-Lucent (le géant franco-américain) pour les points les plus sensibles.

Stéphane Bortzmeyer est sceptique. “Personne n’a intérêt à dire qu’il utilise les produits chinois, les moins chers du marché. Mieux vaut se prévaloir de Juniper ou Cisco”. Le hard discount contre l’épicerie fine en somme. Que se passe-t-il donc dans ses routeurs de coeurs de réseau qui affolent tant les autorités ?

Technologie duale

Le rapport Bockel pointe le risque “[qu’un] un dispositif de surveillance, d’interception, voire un système permettant d’interrompre à tout moment l’ensemble des flux de communication” soit discrètement placé à l’intérieur. Vu la quantité de données qui transitent par ces péages et la vitesse à la laquelle elles transitent, leur stockage paraît peu probable à Stéphane Bortzmeyer. “Il est possible de les dériver vers une autre ligne” explique-t-il. Avant de blâmer l’opacité qui entoure les routeurs, tant chinois que français et américains :

Aucun audit n’est possible. C’est l’archétype de la vieille informatique. Comme pour les serveurs, il faudrait utiliser uniquement du libre qu’on puisse “ouvrir”.

Que Huawei se vante de faire du Deep Packet Inspection – comme le note Jean-Marie Bockel dans son rapport (page 119) – cette technologie duale qui permet tant de mesurer la qualité du réseau que de l’interception, ne suffit pas à jeter opprobre sur le géant chinois. Stéphane Bortzmeyer rappelle au passage les performances françaises en la matière, qui portent entre autres les noms d’Amesys ou Qosmos.


Car Trail Lights Art – photo CC [by-nc-sa] Theo van der Sluijs ; Mechanical router – photo CC by Joi Ito.

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La société civile contrôlera aussi le Net http://owni.fr/2012/05/07/la-societe-civile-controlera-aussi-le-net/ http://owni.fr/2012/05/07/la-societe-civile-controlera-aussi-le-net/#comments Mon, 07 May 2012 11:00:14 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=109089 OWNI. Mais, sous la pression de plusieurs associations, le régulateur des télécoms (Arcep) ajuste le tir dans son projet de mesure de la qualité du Net français, selon des informations que nous avons recueillies auprès de proches du dossier. Un début de bonne nouvelle pour les consommateurs.]]>

Branchements internet de trois opérateurs différents - (cc) Nicolas Nova

“Très positif”. En plaçant des garde-fous dans le dispositif visant à mesurer la qualité de l’accès à l’Internet fixe, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a marqué des points. Surtout auprès de certains représentants de la société civile, dont la voix devrait porter plus que prévu. Une caution non négligeable, même si tout reste à faire pour prendre le pouls du Net français en toute transparence.

Gardiens de la transparence

Désormais, les structures pressenties pour auditer la qualité du Net en France ne sont plus les seuls opérateurs. Aux côtés de France Télécom, SFR, Bouygues Telecom, Free, Numericable, Darty Telecom – qui couvrent plus de 100.000 foyers- et de la Fédération Française des Télécoms (FTT), qui les représente pour la plupart, l’Arcep a décidé d’ajouter les “représentants d’associations d’utilisateurs et des experts indépendants ayant manifesté leur intérêt pour le travail.”

Free, SFR, Orange et Bouygues en autocontrôle

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Accorder à Orange, Free, SFR et Bouygues le luxe de devenir les seuls juges de la qualité de leurs offres d'accès à ...

Une décision présentée il y a quelques jours dans les locaux de l’Autorité, qui rompt avec les premières orientations des travaux. Ces derniers mois, la ligne suivie par l’Arcep laissait en effet aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) la maîtrise de la mesure d’un bout à l’autre de la chaîne : choix de la méthodologie, du responsable des mesures…

Certaines associations (Afnic, La Quadrature du Net, UFC Que Choisir) avaient pointé du doigt les risques d’une telle orientation, qui confie aux FAI le double rôle avantageux de juge et partie : fournissant une prestation d’un côté, lui donnant une note de l’autre. Pour en faire au final une utilisation commerciale, vantant les bons résultats de la mesure.

Face à la levée de boucliers de la société civile, l’Arcep a donc changé de cap. Une décision qui va plutôt “dans le bon sens” nous confie-t-on du côté des opérateurs, qui souhaitent dénouer “le fantasme sur la relation entre l’autorité et les opérateurs.”

Encadrement et contrôle

Concrètement, le “comité technique” ainsi installé a la lourde tâche de définir et d’installer le système permettant de mesurer la qualité du réseau français à l’horizon 2013. Le tout dans un souci de “transparence de la démarche”, ainsi que de “sincérité et [d’]objectivité des mesures”, indiquent les documents de travail que nous avons consultés.

Des paroles suivies d’encadrements stricts. A priori. Dans une “charte de fonctionnement”, l’Arcep indique que “les opérateurs s’engagent” à justifier le choix du prestataire unique chargé de mesurer la qualité du réseau. Expliquer les raisons de leur préférence mais aussi incorporer les éventuelles remarques adressées par les autres membres du comité technique. A savoir, la société civile. Une nouveauté que les opérateurs disent accepter, sous réserve de “proportionnalité”. Autrement dit, hors de question qu’ils prennent en charge un dispositif, qu’ils sont déjà obligés de financer, trop coûteux. La distinction entre les précautions nécessaires et superflues seront à coup sûr au centre de tous les débats.

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Rencontre avec Luc Saccavini, principal responsable technique du futur observatoire d'Internet de l'Inria. Avec ce ...

Les opérateurs et l’Arcep s’orienteraient vers la mise en place de “lignes dédiées”, sur lesquelles le prestataire effectuerait 24 heures sur 24 une batterie de mesures. Débits descendant et ascendant, temps de chargement d’une page web ou qualité de visionnage de vidéos devraient être passés au crible.

Pour encadrer le dispositif, le gendarme des télécoms s’engage également à financer un système de mesures parallèles. En janvier, l’organisme de recherche Inria proposait de s’associer à l’initiative. Difficile à ce stade d’en savoir davantage, mais l’Arcep favoriserait le volontariat, des internautes effectuant eux-mêmes des tests à domicile. Contactée par OWNI, l’autorité s’abstient de tout commentaire, indiquant qu’elle ne communiquerait que lorsqu’elle aura “une annonce finalisée à faire.”

Reste à savoir comment les résultats de ce contrôle individuel pourra être comparé à ceux du prestataire, sur les “lignes dédiées”. Autrement dit, sur des lignes privées de tous les biais liés à un usage quotidien et normal du Net : performances du poste, accès en WiFi…

Gestion de trafic dans le viseur

Plus intéressant encore, l’Arcep réintègre dans son dispositif les mesures de gestion de trafic. Ces pratiques des opérateurs, qui permettent de dégrader ou même de bloquer un site ou un service -à tout hasard, le peer-to-peer-, avaient été d’abord écartées du chantier. Chantier visant pourtant à juger la qualité de la prestation des FAI. Une aberration pour La Quadrature du Net, qui avait signalé à l’Arcep la nécessité de leur prise en compte dans un chantier visant à garantir la neutralité des réseaux :

Pour pallier aux graves carences de son approche de la notion de qualité de service, l’Arcep doit faire évoluer ses indicateurs, de manière effective, vers la mesure des pratiques de gestion de trafic et de la dégradation sélective [...]. Pour ce faire, elle doit réfléchir urgemment à un calendrier et à une méthode adéquats. Il n’y a qu’ainsi qu’elle pourra contrôler les dires des opérateurs quant à leurs pratiques de gestion de trafic et contrôler le respect de leurs obligations de transparence.

Pas sûr néanmoins que le résultat de ces mesures atterrissent dans le grand public. L’affaire est soumise à de multiples précautions. Car si l’on constate une dégradation de service sur un réseau, l’opérateur qui en a la charge risque d’être mis au ban des consommateurs. Or il peut pâtir des mauvaises pratiques d’un concurrent, plaident les FAI :

Sur le peer-to-peer par exemple, il suffit qu’un maillon fasse une restriction pour qu’elle soit identifié sur l’ensemble de la chaîne.

L’Arcep va donc prendre ces mesures avec des pincettes, en n’effectuant dans un premier temps que des tests très simples sur les débits. Afin de déterminer si les offres vendues par les opérateurs correspondent à la réalité.

Les autres mesures quant à elles devraient faire l’objet de publication semestrielle. Les consommateurs pourront les retrouver à la fois sur le site des opérateurs et sur le site de l’Arcep.

Rien n’est cependant arrêté, puisque le régulateur prévoit de lancer une nouvelle consultation publique sur le sujet. Mais les réajustements du gendarme des télécoms rendent optimistes certains participants, qui ”n’attendaient plus rien ou très peu” de ce groupe de travail. S’ils reconnaissent les efforts de l’Arcep, d’autres en revanche se montrent plus prudents. A l’UFC Que Choisir, le responsable des dossiers numériques Édouard Barreiro reconnaît ainsi la “bonne volonté de l’Arcep” tout en regrettant que “la collecte et le premier traitement des informations issues des mesures demeurent au main des opérateurs.” “Il y a toujours une suspicion”, conclue-t-il. Difficile en l’état de s’assurer que les mesures de contrôle seront suffisantes. Surtout au vu de la charge de travail, que les représentants de la société civile auront le plus grand mal à suivre. L’un d’entre eux confie : “ils ouvrent les portes, mais nous n’avons pas les moyens de participer à toutes ces réunions. À l’inverse des opérateurs.”

Pour le comité technique en effet, la tache s’annonce chronophage : deux réunions par mois sont à prévoir jusqu’en 2013. Puis d’autres, pour assurer le suivi du dispositif. Un fardeau titanesque mais nécessaire, pour faire en sorte que cette mesure donne aux 22 millions de foyers branchés en haut ou très haut débit une véritable chance de contrôler la prestation de leur FAI. Et pour que ce projet ambitieux ne devienne pas un simple miroir aux alouettes.


Photo par Nicolas Nova (CC-by)

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La guerre des tuyaux http://owni.fr/2012/04/04/interconnexion-arcep-tuyaux-guerre/ http://owni.fr/2012/04/04/interconnexion-arcep-tuyaux-guerre/#comments Wed, 04 Apr 2012 15:33:31 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=104515

L’Arcep veut fouiller les entrailles du net ! Le gendarme des télécoms cherche à comprendre les accords qui se nouent dans l’ombre, entre les différents acteurs de l’Internet, des plus connus (fournisseurs d’accès à Internet et sites) aux plus anonymes (tels que des intermédiaires techniques), afin que les octets circulent entre eux et jusqu’à l’internaute. Une décision [PDF] en ce sens a été publiée vendredi pour “la mise en place d’une collecte d’informations sur les conditions techniques et tarifaires de l’interconnexion et de l’acheminement de données” sur le réseau.

L’internaute, au bout de la chaine, a rarement conscience de ce business de coulisses. Pourtant, dès que ça bloque dans les tuyaux, l’effet peut vite se faire sentir sur sa navigation et déterminer ce à quoi l’utilisateur a ou non accès sur Internet. Ainsi pour les abonnés de Free, qui ont parfois du mal à lire une vidéo sur YouTube : une bisbille d’interconnexion ! Un cas concret à l’image d’un rapport de force bien plus large, qui oppose les opérateurs aux titans du web tels que Google ; les premiers exigeant des seconds qu’ils mettent davantage la main au porte-monnaie afin d’entretenir les infrastructures d’Internet. Car dans les tuyaux comme ailleurs, l’argent est le nerf de la guerre.

Résultat, la petite spéléologie appliquée au réseau que souhaite l’Arcep divise les forces en présence. Les seuls opérateurs nationaux à avoir répondu, Orange, SFR (dont la réponse n’a pas été rendu publique à sa demande) ou Free, y sont plutôt favorables quand d’autres, en majorité représentants des sites Internet, s’opposent à une telle initiative.

Petite spéléologie appliquée au réseau

Pour l’Arcep néanmoins, la question ne se pose pas : il faut étudier ces “prestations d’interconnexion et d’acheminement de données”, qu’elle juge au “fondement” même de l’Internet. En particulier parce qu’elles renvoient à des“usages et [des] contrats partiellement non écrits et souvent non publics” peu propices à une compréhension limpide du marché. Historiquement en effet, ces accords d’interconnexion se concluent de façon informelle, au coin d’une table, autour d’une bière, et font l’objet de clauses de confidentialité.

La neutralité cachée d’Internet

La neutralité cachée d’Internet

Alors que le gendarme des réseaux, l'Arcep, présente ses travaux en conférence de presse ce vendredi matin, OWNI ...

Par ailleurs, aussi étonnant que cela puisse paraître, en matière d’interconnexion la règle n’est pas à la rétribution. Mais plutôt au troc : les raccordements au réseau n’entraînent en général aucune contrepartie sonnante et trébuchante. On parle alors de “peering”. Et à en croire une étude du Packet Clearing House relevée par Google [PDF] dans sa réponse [ZIP] à l’Arcep sur le sujet, ce serait encore majoritairement le cas à plus de 99%. Un modèle d’autorégulation, spécifique à Internet, et à la base même de sa construction. L’idée étant que chaque acteur, de taille équivalente, a intérêt à se relier à un autre. Et qu’il ne sert à rien – sauf à engendrer des frais administratifs inutiles – de facturer cette liaison, puisque le trafic envoyé par l’un est équivalent au trafic envoyé par l’autre. En somme, du gagnant-gagnant, dans lequel les trafics se compensent. Mais où il est difficile pour une institution comme l’Arcep d’y voir clair.

Pour autant, hors de question de réguler ex ante ce marché si particulier : la Commission européenne a d’ailleurs déjà communiqué en ce sens. L’autorité des télécoms française déclare simplement désirer étendre sa connaissance des usages d’interconnexion via la mise en place d’un questionnaire, auxquels certains acteurs auront l’obligation de répondre “au plus tard deux mois après la fin de chaque semestre, à compter du premier semestre 2012.” Première échéance : 31 août prochain, prévient l’Arcep, qui exige des informations très précises : “nom et coordonnées du partenaire”, “informations sur le point / site d’interconnexion” ou bien encore “conditions financières” de la liaison.

Une curiosité qui fait frémir les parties concernées, quelque soit leur bord, opérateur ou éditeur. Dans une synthèse [PDF], l’autorité indique ainsi :

La quasi-totalité des contributeurs souligne le caractère hautement confidentiel des informations demandées et invite l’ARCEP à garantir pleinement, notamment sur le plan réglementaire, la confidentialité des  données collectées (secret des affaires) et à expliciter l’utilisation effective qu’elle entend en faire.

Internet, c’est pas français

D’autant qu’un autre problème de taille s’oppose à la divulgation de ces informations : si le régulateur peut demander de telles informations à des acteurs nationaux, il paraît beaucoup plus compliqué de le faire au niveau international. Problème : qui dit Internet, dit portée mondiale. L’Arcep en a d’ailleurs pleinement conscience puisqu’elle déclare vouloir étudier “les conditions de l’interconnexion et de l’acheminement de données susceptibles d’avoir un effet sur le territoire français, et ce quel que soit l’endroit où la personne concernée est établie.” On voit mal néanmoins comment elle peut parvenir à ses fins. Ce qui ne l’empêche pas d’essayer.

Ainsi, seuls les opérateurs de communication électronique qui ont “l’obligation de se déclarer à l’Arcep” sont tenus de répondre au questionnaire. En clair, des acteurs comme les FAI (Orange, Free, etc.) ou les hébergeurs tel OVH explique l’Autorité interrogée par OWNI. Quant aux autres, en particulier les sites étrangers, le régulateur se réserve le droit de les consulter afin de “vérifier ou compléter les informations recueillies” dans le questionnaire. Entre notamment en ligne de compte les acteurs ayant développé une “démarche active” à l’égard des internautes français : outre être établi dans l’Hexagone, détenir un site Internet en .fr, proposer des contenus en français ou bien encore proposer des services fournis en France. Ce qui fait pas mal de monde.

Dans le tas, certains ont déjà fait comprendre au régulateur français qu’il était hors de question de le voir mettre son nez dans leurs affaires. Ainsi l’opérateur Verizon, l’un des principaux opérateurs aux États-Unis, conclue sa réponse [ZIP] par un cinglant :

Verizon France apporte la démonstration que le projet de collecte trimestrielle d’informations sur les conditions techniques et tarifaires d’interconnexion et d’acheminement de données [...] est dépourvu de toute base légale lui permettant de l’imposer aux opérateurs. C’est pourquoi Verizon France sollicite de l’Autorité le retrait pur et simple de ce projet.

Même fin de non recevoir du côté des anglais du LINX, ou London Internet Exchange, échangeur londonien où s’interconnectent près de 400 acteurs de l’écosystème Internet. “Il y a tellement de pays dans le monde, si la responsabilité des opérateurs venait à être étendue aux autorités de toutes les pays concernés par leurs opérations, y compris ceux qui sont indirectement affectés, ils supporteraient une charge insupportable et le conflit juridique serait impossible à résoudre”, explique [ZIP] le responsable juridique de LINX, en qualifiant le projet de l’Arcep d’“obligation extra-territoriale” qui ne saurait s’appliquer aux opérateurs non établis en France. Y compris s’ils sont connectés à un réseau français.

Impasse juridique

Du côté des frenchies, on refuse aussi de jouer le jeu. France Telecom a indiqué [ZIP] qu’il ne donnerait pas d’informations concernant les acteurs étrangers avec qui il est en relation. Une alternative qui aurait pu s’avérer pratique pour contourner l’impasse juridique. Mais pour l’opérateur historique, “aucune obligation relevant de la réglementation sectorielle ne peut contraindre un opérateur national, à révéler l’identité ou des informations relevant strictement du secret des affaires portant sur un contractant, ne disposant d’aucune activité de fournisseur de services de communications électroniques sur le territoire national.” Sauf éventuellement dans le cas d’une enquête formelle menée par le régulateur français, qui peut être saisie de différends opposants certains acteurs du secteur. Mais pas dans le cadre d’une simple collecte d’informations.

Sans compter que le dispositif est lourd et contraignant. De nombreux acteurs, opérateurs comme éditeurs de contenu, s’en inquiètent, signalant qu’un relevé de données trimestriel engendrerait un coût non négligeable, en particulier pour les acteurs plus modestes d’Internet. Ce qui pousse les représentants des sites Internet tels que Google ou Facebook à plaider en faveur d’une démarche plus hiérarchisée au sein de l’Arcep. Le lobby Voice on the Net (VON) Europe, qui regroupe en son sein Google ou Skype, accuse [ZIP] ainsi le régulateur français de trop se disperser, laissant de côté des problèmes prioritaires, tels que “les pratiques discriminatoires mises en place par les opérateurs en France” sur les réseaux mobile et fixe :

VON s’étonne par ailleurs de voir que, alors que des projets précédents lancés dans le cadre de la neutralité des réseaux n’ont pas encore abouti de façon concrète, l’ARCEP se concentre maintenant sur l’interconnexion et les accords de peering entre les différents acteurs. Le fameux proverbe ‘Qui trop embrasse, mal étreint’ nous vient quelque peu à l’esprit.

La guerre du net

Un marché opaque, qui a le défaut de s’étendre au monde entier et sur lequel l’Arcep n’a que peu de prises. Pourquoi alors avoir publié cette décision, qui ne semble avoir qu’une portée très relative et bien maigre sur le vaste monde de l’Internet ?

Difficile d’en savoir plus en interrogeant directement l’Arcep. Il semblerait néanmoins que l’autorité veuille mettre son nez dans “un désaccord profond” qui “s’est installé et s’exprime de plus en plus concernant le financement de l’acheminement du trafic”. Désaccord qui s’assimile davantage à une guerre de position entre FAI et géants du web. Pour les opérateurs, les sites générateurs de contenu, tels que YouTube, encombrent leurs réseaux sans pour autant mettre la main à la poche. Pour les seconds, si les FAI disposent d’autant d’abonnés, c’est parce que les internautes veulent consulter les contenus que les sites mettent à leur disposition. Les forfaits doivent donc financer en contrepartie l’entretien des tuyaux du net, afin que les octets arrivent à bon port, sans encombres.

Le modèle d’interconnexion à la bonne franquette a donc du plomb dans l’aile. Les opérateurs, écrivait encore l’Arcep en 2010, souhaitant “une refonte des mécanismes d’interconnexion” afin de mettre en place un système plus formalisé, contrat et rémunération à l’appui, “sur le même modèle que la terminaison d’appel vocal.”

En France, cette guerre de tranchée a un emblème : l’affrontement de Free et YouTube, qui dure depuis des années. Les abonnés à Free savent qu’il est parfois difficile de consulter les vidéos du site de Google, en particulier à l’heure où la demande est la plus grande, le soir venu. Difficile en revanche de savoir qui en est responsable. Du côté de chez Free, on plaide que YouTube sature le réseau, et qu’il doit faire le nécessaire pour acheminer correctement ses vidéos jusqu’aux internautes. Le nécessaire étant un investissement dans les infrastructures du réseau. Et si Google garde le silence en la matière, des associations le représentant, telle que l’Asic, a déjà eu l’occasion d’expliquer sa position sur le sujet : les sites aussi contribuent au financement des tuyaux, pas la peine d’en rajouter. Résultat : chacun se renvoie la patate chaude. Et en attendant, les internautes se voient bénéficier d’un accès restreint à une partie d’Internet.

Bien plus qu’une seule question de techniciens ou d’argentiers, la guerre de l’interconnexion met donc la nature même d’Internet en jeu. Au même titre que les groupes de travail sur la qualité de service de l’accès à Internet, ou sur la transparence des pratiques des opérateurs sur Internet : toutes ces réflexions entrent dans le grand chantier neutralité des réseaux dans laquelle l’autorité s’est lancée fin 2010. Un rapport était attendu au Parlement et au Gouvernement “début 2012″ [PDF]. Il se fait toujours attendre.


Illustrations via FlickR: Quelqueparsurterre [cc-by-nc] et AndiH [cc-by-nc-nd]

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Le roi d’Orange démaquillé http://owni.fr/2011/09/21/orange-stephane-richard-bfm-france-telecom-internet-operateur/ http://owni.fr/2011/09/21/orange-stephane-richard-bfm-france-telecom-internet-operateur/#comments Wed, 21 Sep 2011 06:30:12 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=79886 C’est la rentrée ! Belle époque où l’on balade son cartable en crânant avec ses fournitures neuves. Et Stéphane Richard n’échappe pas à la règle: le boss de France Télécom/Orange s’est plié à l’exercice de com’ de ce mois de septembre, sur BFM Business, dans l’émission “Club VIP”. L’été s’était terminé dans la douleur pour “FT”: bourses qui ballotent, arrivée de Free dans le mobile ou fin de l’Internet fixe illimité; l’actualité a pas mal titillé l’ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde, qui se veut aujourd’hui rassurant.

Santé financière du groupe, stratégies sur fixe et mobile, investissements dans les infrastructures et les contenus: OWNI réécoute et dépiaute le discours officiel du patron d’Orange pour cette année.

L’illimité c’est pas fini. C’est “ajusté”

Qu’on se le dise, l’Internet illimité, “c’est pas fini” (comme il le dit à 16′25 de son entretien). Selon le patron d’Orange, c’est même une “polémique qui n’aurait pas dû exister”.

Selon lui, les plans de la Fédération Française des Télécoms (FFT – rassemblant les principaux opérateurs, Free et Numericable exclus) révélés par OWNI, ne valaient pas la peine d’être communiqués. Ils consistent pourtant à calquer les offres Internet mobile sur les forfaits fixes. A appliquer un tableau prévoyant de plafonner la navigation de salon, en excluant le peer-to-peer, la voix sur IP ou les newsgroup. Un détail, pas grand chose, tout juste la remise en cause du modèle français de l’Internet illimité. Pas de quoi tenir au courant les millions d’abonnés français.

Une broutille telle que Stéphane Richard ne lâche rien et s’appesantit sur l’“attachement” d’Orange à ce modèle qui “a permis le succès d’Internet en France”.

Modèle pérenne donc, mais tout de même “ajusté”. On ne sait pas bien en quoi consistent ces “ajustements”, reste qu’ils reviennent à tout bout de phrase dès qu’il est question de fin d’illimité:

Qu’il faille naturellement des ajustements qui se fassent dans un monde où tout change, les usages changent, les habitudes de consommation. Bien sûr tout ça, oui.

“Tout ça”, c’est donc d’abord une adaptation aux usages qui “changent”, un peu comme le monde ma bonne dam’. Dans le viseur de Stéphane Richard, le – déjà célèbre – “net goinfre”, évoqué à de nombreuses reprises fin août dernier, alors qu’Orange rétro-pédalait vigoureusement pour nous répéter qu’entre eux et l’illimité, c’était le grand amour. Ces “1% des gens” censés télécharger des films “toute la journée”, nous disait alors le porte-parole du groupe Jean-Marin Culpin. Si on ne sait toujours pas d’où sortent ces chiffres, ce qui semble néanmoins se confirmer à demi-mot c’est qu’au-delà d’un certain seuil, Internet sera donc… limité. Satanée boucle.

Internet ? Un marché “pas du tout appelé à baisser”

“Tout ça”, c’est aussi la hausse des prix sur le fixe. S’il se sait marcher sur des œufs, le patron de FT n’a d’autre choix que de cracher le morceau:

Les Français se sont habitués à payer pas cher l’accès à Internet, c’est très bien, ça a permis de développer formidablement l’usage de l’Internet en France. Maintenant, euh… il faut aussi que chacun prenne conscience que… euh… on va dans les années qui viennent plutôt vers une stabilisation ou une légère remontée des prix, qui est nécessaire si on veut investir dans les investissements lourds notamment dans la fibre.
(à 16′20 de son entretien)

Aaaah! “Les-investissements-lourds-notamment-la-fibre”. L’expression valise qui justifie à peu près toutes les offensives des opérateurs. Limitation des usages? “5% d’internautes mobilisent par leurs excès 80% de la bande passante. Il faut rendre les gens responsables ! “ La contribution des sites à l’entretien du réseau ? Une des “propositions concrètes” des opérateurs européens pour “relever le défi de l’investissement en bande-passante”. Défi qui justifie donc désormais un nouveau prélèvement dans les foyers français – et bonne rentrée, hein.

Détournement d'une campagne Orange par la Quadrature du Net

Mobile: les bons conseils de Stéphane Richard

Fort heureusement, sur le mobile: l’heure est à la baisse. Preuve en est ce tout nouveau forfait Orange, intitulé Sosh, et qualifié d’offre “low cost”. Bel effort de FT, qui selon son directeur pourrait représenter près de 15% des offres mobiles en France !

Des prévisions reluisantes auxquelles Stéphane Richard accorde du crédit uniquement pour son groupe. En ce qui concerne son tout nouveau concurrent sur le marché, Free, en revanche, il ne faut pas prendre les vessies pour des lanternes, prévient le boss de FT. Et d’enfoncer le clou:“quand j’entends des gens me dire que Free va, comme ça, moissonner dans les clients de Bouygues, SFR et les nôtres, des centaines de milliers de gens, je trouve que c’est une vision un peu naïve”.

Avec une entrée sur le mobile accompagnée d’offres à quelques euros, Xavier Niel risque de produire un “effet déceptif”, explique Stéphane Richard. Prévenant, il tient à mettre en garde les Français, en les invitant à ne pas s’attarder sur le tarif, mais sur le critère qualité/prix.

Le marché, ce n’est pas que question de prix. Le problème est: qu’est-ce qu’on a pour ce prix là ?
Je donne juste un conseil, si je peux me permettre, à tous les téléspectateurs. Quand il y aura toutes ces nouvelles offres, regardez ce qu’on vous offre pour ce prix là. Ne vous précipitez pas juste parce qu’il y a un prix qui paraît alléchant. Regardez quand même ce qu’on vous propose en terme d’heures de voix; ce qu’on vous propose en terme de SMS/MMS; ce qu’on vous propose en termes de data aussi.

(à 15′10 de son entretien)

Super pratiques les trucs et astuces conso de Stéphane Richard ! Prenez l’offre Sosh: sans les conseils de Stéphane, personne n’aurait vu les 10 mentions légales écrites en tout petit au bas de la promo du forfait. Avec Sosh, donc, on dispose d’un accès à Internet mais avec les “(3) usages P2P interdits” ou d’un certain volume de données en 3G rechargeable avec les (7) “pass internet 100Mo à 3€, 200Mo à 6€, 500Mo à 10€, valable 30 jours”. Bref, “quand il y aura toutes ces nouvelles offres, regardez ce qu’on vous offre pour ce prix là.”

Orange, partenaire de vos contenus

Après Deezer et Dailymotion, Orange annonce une poursuite de son offensive dans les contenus. De préférence ceux qui sont “vraiment prisés sur Internet”. Comprenez les vidéos, les jeux vidéo. Des services très fréquentés et particulièrement gourmands en bande passante. Oh wait !

Ceux-là même accusés par Orange de congestionner les infrastructures de réseau. En mai dernier, en plein bras de fer avec les éditeurs de contenu, Stéphane Richard déclarait à l’occasion de l’eG8:

Sans nous il n’y a pas d’Internet; sans nous, sans nos réseaux, il n’y a pas de Facebook, pas de Google. Tout ça n’est possible que parce que les opérateurs investissent pour construire les réseaux.

De menace pour les tuyaux du net, les sites deviennent donc une activité lucrative à laquelle les opérateurs ont tout intérêt à s’associer. La hache de guerre n’est néanmoins pas encore totalement enterrée, les opérateurs turbinant sec à Bruxelles afin que la Commission force les sites à financer les infrastructures. Mais voilà certainement “une polémique qui ne doit pas exister.”

Orange se dit donc “à l’affut” pour devenir “partenaires” des éditeurs de contenu à la mode. “Partenaires”, attention, et non pas “acteur directement dans le contenu”, tient à souligner Stéphane Richard. Autrement dit, pas d’incursion dans l’édition, houla non! A peine un rôle de facilitateur.

Prenez Deezer. Sur son forfait mobile Origami, Orange a aménagé une voie royale au service de streaming musical . Pour 5 euros de plus, l’abonné a le droit d’écouter tout le catalogue, sans que Deezer entre pour autant dans la limite de consommation de 500 Mo mensuel -fixée pour toutes les autres applications. Enfin de l’Internet illimité ! Enfin, de l’Internet, mais à la sauce Orange.

La crise rogne les marges

Un dernier mot sur la santé du groupe. En ces temps de chute, stress, ballotage, déprime, angoisse (et tout le toutim) des bourses mondiales, Stéphane Richard tient à le dire: “on n’a rien à voir avec la crise grecque. On n’a pas d’activités en Grèce.” Les clients et employés de FT n’ont pas de souci à se faire face à la crise financière.

D’autant plus que le groupe renforce ses positions en Europe (bizarrement son rôle en Tunisie, lui, n’a pas été mentionné), tout en “se mettant à l’abri pour une bonne année”. Le côté “auvergnat” de l’entreprise, confie Stéphane Richard.

Mais ce n’est pas la fête pour autant chez FT. Parce qu’en se tourneboulant, le monde, il vient menacer les marges des opérateurs. Et Stéphane Richard le dit: “moins on aura de marge, moins on investira”. Vous voilà prévenus.


Illustrations CC FlickR: miss_margaret, montage OWNI (CC FlickR: gpaumier, miri695, bryan hatcher)

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http://owni.fr/2011/09/21/orange-stephane-richard-bfm-france-telecom-internet-operateur/feed/ 14
Internet illimité: les opérateurs s’agitent http://owni.fr/2011/08/22/operateurs-agitent-fai-fin-internet-illimite-orange-sfr-free-bouygues-arcep/ http://owni.fr/2011/08/22/operateurs-agitent-fai-fin-internet-illimite-orange-sfr-free-bouygues-arcep/#comments Mon, 22 Aug 2011 15:41:05 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=76634

Ce week-end, les acteurs du net ont vivement réagi aux révélations d’OWNI relatives à un document de la Fédération Française des Télécoms (FFT) proposant la mise en place d’offres Internet fixe limité.

La FFT a ainsi eu l’occasion de s’exprimer sur la question, tenant un discours souvent contradictoire.
Samedi, le directeur général de l’organisation Yves Le Mouël, assurait à l’AFP qu’“il n’est pas question de la fin de l’Internet illimité sur [les lignes] fixes”, ajoutant: “cette affaire n’est pas à l’ordre du jour”.

Le lendemain, il déclarait pourtant dans une interview au journal Le Parisien consacrée au sujet, que la FFT réfléchissait bien à des solutions pour faire payer davantage les “net-goinfres”, autrement dit, les utilisateurs consommant beaucoup de bande-passante via le streaming vidéo, le jeux en ligne ou bien encore le téléchargement. A la question: “comment sera-t-il tenu compte de ces différences de consommation?”, Yves Le Mouël répond: “on a envisagé toutes les possibilités. Les solutions sont simples: soit plafonner le volume total consommé par mois, soit réduire le débit. Chaque opérateur fera ce qu’il veut.” Ce jour même, le responsable de la communication de la FFT affirmait sur Twitter que la position des opérateurs français était connue depuis un an. En effet, dans le document en date de juillet 2010 [PDF], la FFT répondait à l’Arcep, dans le cadre de sa large consultation menée sur la neutralité des réseaux et de l’Internet. Page 7, on peut y lire:

Afin que l’accès à l’internet présente une qualité de service suffisante, il est donc nécessaire de responsabiliser tous les acteurs de la chaîne, notamment en matière d’utilisation efficace des capacités de réseaux, depuis le consommateur qui doit savoir qu’à un usage exceptionnel correspond un prix spécifique, jusqu’au fournisseur de service [...]. [ndlr: les marquages en gras ont été ajoutés par la rédaction]

Là encore, l’idée d’une sanction des gros utilisateurs d’Internet, passant par une spécificité tarifaire au-delà d’un “usage exceptionnel” qui reste à définir, était lancée. Autrement dit, la limitation des offres Internet fixe sont bel et bien à l’ordre du jour, et ce au moins depuis 2010.

Rejoignant le mouvement amorcé par Free, Numericable samedi, suivi de Bouygues Telecom et SFR ce jour, se sont tout trois désolidarisés de la réflexion. Le premier rappelant n’être “plus membre de la FFT depuis plusieurs mois”, le deuxième s’attachant à “rassurer l’ensemble de [leurs] clients”:

Il n’a jamais été dans les projets de Bouygues Telecom de limiter l’accès à l’internet fixe à travers nos offres Bbox.

SFR indique laconiquement ne pas avoir “de projet en ce sens à date.”

Quant à Orange, il semblerait que l’opérateur soit en plein rétropédalage. Le groupe affirme ce jour sur Twitter: “la fin de l’Internet fixe illimité n’est pas à l’ordre du jour chez Orange France”. Pourtant, son porte-parole Jean-Marin Culpin, confirmait il y a quelques jours la teneur des travaux de la FFT à OWNI tout en déclarant: “oui, il y a certains forfaits sur lesquels on risque de mettre des seuils”. Des déclarations aujourd’hui déniées, qui semble indiquer qu’Orange a bien lancé un ballon d’essai… qui vient de s’écraser.

Face à l’ampleur des réactions, Éric Besson, ministre de l’industrie également en charge de l’économie numérique, a pris part au débat:

Le Gouvernement n’envisage aucune restriction de l’accès à Internet et travaille bien au contraire au développement du très haut débit fixe et mobile sur l’ensemble du territoire et pour l’ensemble des français.

Le Gouvernement travaille par ailleurs a encadrer l’utilisation du terme “illimité” par les opérateurs, afin de protéger les consommateurs contre certains abus. Certains consommateurs ayant souscrit des offres prétendument “illimitées” ont effet pu constater des débits qui n’avaient rien d’illimités.

Une sortie qui n’a pas manqué de surprendre les observateurs, en particulier du côté des opérateurs, qui soulignent le caractère commercial des offres qu’ils proposent. Entre l’Arcep, régulateur du secteur des télécommunications, et l’Autorité de la Concurrence, qui planche déjà sur les modalités d’interconnexions entre les différents acteurs du réseau, difficile d’apprécier la marge de manœuvre du gouvernement dans l’histoire. Malgré nos sollicitations, le cabinet d’Éric Besson n’a pas donné suite.

De même, l’Arcep, dont une consultation sur la qualité de service de l’Internet est à l’origine du document de la FFT, n’a pour le moment pas répondu à nos demandes et reste muette sur la question.

L’éventualité d’un Internet plafonné au sein des foyers français soulève de nombreuses interrogations (notamment dans vos commentaires) en particulier sur la réalité de la saturation du réseau, argument principal des opérateurs justifiant une adaptation de leur offre, ou de la proportion de ces fameux “net-goinfres”, nouveau bouc-émissaire des telco.

Image CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales quimby

Les autres articles de notre dossier :
Les vrais goinfres, ce sont les FAI
La fin de l’Internet illimité
Image de Une Loguy pour OWNI, téléchargez-la :)

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http://owni.fr/2011/08/22/operateurs-agitent-fai-fin-internet-illimite-orange-sfr-free-bouygues-arcep/feed/ 28
Le bon filon des télécoms maghrébins http://owni.fr/2011/04/22/le-bon-filon-des-telecoms-maghrebins/ http://owni.fr/2011/04/22/le-bon-filon-des-telecoms-maghrebins/#comments Fri, 22 Apr 2011 12:10:26 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=58635 Devinette : quel est actuellement l’eldorado des grands opérateurs téléphoniques mondiaux? Brésil, Inde, Chine ? Perdu. Suivez plutôt la piste des révolutions en cours dans le monde arabe: Tunisie, Egypte, Libye… mais aussi le Maroc. A l’heure où la plupart des grands marchés sont saturés (Europe, Asie, Etats-Unis), l’Afrique et ses pays émergents sont devenus un terrain de bataille central dans les télécoms.

A cet égard, les erreurs d’appréciation d’Orange en Tunisie sont peut-être à chercher de ce côté-là… A la fin du mois de février, en pleine enquête sur le montage financier de la filiale, une source proche des dossiers de France Télécom avait fourni à OWNI les trois raisons pour lesquelles la Tunisie est “une usine à cash”:

1> Le potentiel d’exploitation sur des marchés où la croissance annuelle s’affiche à deux chiffres
2> Le marketing “ethnique” pour inciter les émigrés installés en France à souscrire des offres couplées avec leur pays d’origine
3> Le roaming, “parce qu’il s’agit d’un pays touristique”

Le roaming, vrai moteur de l’usine à cash des télécoms

Dans le jargon de la régulation des télécoms, on l’appelle l’itinérance internationale. De façon plus usuelle, c’est le roaming, le fait d’appeler ou de pouvoir être appelé quelle que soit sa position géographique. Et notamment à l’étranger. Dans l’Union européenne, le Parlement a imposé depuis 2007 l’eurotarif: ce texte fixe un prix plafond de la minute de communication en Europe. Mais hors de l’espace communautaire, ce tarif est à la discrétion des opérateurs de chaque pays. Cette différence d’environnement législatif permet tous les excès, puisque les opérateurs ont alors entière liberté de surfacturer leur service de roaming. Un spécialiste du secteur ne mâche pas ses mots en utilisant l’expression suivante: “l’interco dans les pays à régime autoritaire”.

Aux yeux de Patrick Fouquerière, directeur des relations fournisseurs chez Iliad, “c’est le manque de concurrence” qui provoque des écarts significatifs, et notamment sur le pourtour méditerranéen:

Certains pays ont un opérateur historique qui ne joue pas son rôle parce qu’il se comporte de manière monopolistique. La conséquence directe, c’est que les tarifs sont beaucoup plus élevés, sur le roaming mais aussi sur le prix des terminaisons d’appels (quand un abonné appel un autre abonné par le biais d’un opérateur tiers, ndlr). Au Maroc ou en Algérie, il est quatre fois supérieur à ce qui se pratique en France. En Tunisie, c’est pire: vous payez 12 fois plus cher. De ce qu’on voit, les opérateurs locaux n’ont pas l’air de vouloir changer de stratégie. Ils estiment qu’ils font plus de trafic entrant parce qu’ils accueillent beaucoup de touristes, et veulent donc maintenir des prix élevés.

L’importance du tourisme

Vendredi 8 avril, Mehdi Houas, 51 ans, Franco-tunisien né à Marseille, est l’invité d’honneur du maire  de Paris. Sous les lambris de l’Hôtel de ville, le tout-nouveau ministre tunisien du Commerce, du Tourisme et de l’Industrie  du gouvernement de transition, essaie de convaincre ses interlocuteurs. Invité par Bertrand Delanoë, ils ont joué ensemble les VRP de luxe pour essayer de “sauver ce qui peut l’être de la saison touristique”.

Le ministre estime que 40% des Tunisiens vivent de cette manne. Par un syllogisme et par un jeu de vases communicants (le tourisme fait vivre la Tunisie; les opérateurs ont besoin du tourisme; le tourisme fait en partie vivre les opérateurs), il faudrait y ajouter la part que représente le roaming pour les opérateurs télécom. Qui y a recours? Les touristes, dans les hôtels de Djerba ou Hammamet. Plus qu’ailleurs, l’articulation du marché est profondément ancrée dans la gouvernance.

Explication de Patrick Fouquerière:

Il y a un vrai particularisme au Maghreb, parce qu’il y a une dimension politique, qu’on ne retrouve qu’à Cuba. La situation peut être similaire dans des pays d’Afrique noire ou en Libye, mais pas dans les mêmes proportions.


Imposer les règles du low cost

Tourisme, paradis législatif et… low-cost. Pour comprendre l’attractivité de ces marchés, il faut aussi saisir leur dimension hautement spéculative. Selon une règle simple: remplir au maximum tous les créneaux disponibles, y compris celui des heures creuses, véritable gouffre des opérateurs.

Dans ce marché hautement spéculatif, une minute de télécom devient aussi fluctuante qu’une place d’avion. C’est une “matière première virtuelle” déconnectée de sa valeur d’usage, dont le cours peut progresser de manière exponentielle, ce qui n’est pas sans rappeler les mécanismes de l’industrie pétrolière, où une même cargaison de brut peut être revendue dix fois entre son extraction et le consommateur.

Ainsi, l’intérêt de nouveaux opérateurs pour le marché de l’émigration ne s’explique que par ses différences entre pays du Sud et du Nord. Cela permet aussi de comprendre pourquoi le prix de la minute Paris-Tunis n’a rien à voir avec celui de la minute Tunis-Paris. Dans cette mondialisation, les opérateurs traditionnels assument le fait de se positionner aussi comme des opérateurs low-cost.

La Sofrecom, discret poisson-pilote d’Orange

Stéphane Richard, le patron d’Orange, le dit lui-même, son groupe “a pour objectif d’accélérer sa croissance en pénétrant de nouveaux marchés émergents à fort potentiel”. Récemment, l’entreprise a réussi à mettre un pied dans le marché irakien, au terme d’âpres négociations. Mais pour se faire une place au soleil dans des terres parfois hostiles, France-Télécom n’opère pas seul.

Dans le secteur de l’armement, les entreprises françaises ont l’ODAS (ex Sofresa), une entreprise administrée par l’Etat, chargée de faciliter les négociations avec les clients étrangers. Le leader français des télécoms a lui la Sofrecom, une filiale aux prérogatives de poisson-pilote, qui opère selon un modus operandi bien rôdé. Dans un premier temps, elle s’implante dans un pays où les télécoms sont une exclusivité publique. Puis, elle conseille les opérateurs locaux avec qui elle est susceptible de s’associer et qui deviennent alors des partenaires dans l’obtention d’une licence lorsque le secteur est privatisé. De poisson-pilote, elle devient alors cheval de Troie : une méthode assez efficace.

Forte d’un réseau de 1 000 consultants, la Sofrecom n’est officiellement présente que dans neuf pays, dont deux du Maghreb:

  • l’Algérie
  • l’Argentine
  • les Emirats Arabes Unis
  • l’Indonésie
  • la Jordanie
  • le Maroc
  • la Pologne
  • la Thaïlande
  • le Vietnam

Selon nos informations, elle aurait aussi pris part aux discussions organisées autour de la privatisation des télécoms en Syrie et en Libye, ce qu’elle reconnaît en creux. La filiale avait aussi opéré en Tunisie, au moment de l’implantation aujourd’hui problématique. Sollicitée par OWNI, la Sofrecom n’a pas donné suite à notre demande d’entretien. Règle d’or des affaires: rester discret.


Crédits photo: Flickr CC neutralSurface, the(?)

Téléchargez I’image de Une par Marion Boucharlat /-)

Retrouvez les articles de la Une “le business des télécoms au Magrheb” :

Lebara, opérateur low cost des quartiers populaires
Ben Ali: les compromissions d’Orange en Tunisie

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http://owni.fr/2011/04/22/le-bon-filon-des-telecoms-maghrebins/feed/ 3
Business model de l’Internet: des moments noirs à venir ? http://owni.fr/2011/01/24/business-model-de-l%e2%80%99internet-des-moments-noirs-a-venir/ http://owni.fr/2011/01/24/business-model-de-l%e2%80%99internet-des-moments-noirs-a-venir/#comments Mon, 24 Jan 2011 17:32:08 +0000 Serge Soudoplatoff http://owni.fr/?p=43577

Nous avons de la chance en France, grâce à Free, qui a forcé les opérateurs de télécommunications traditionnels à adopter des modèles tarifaires forfaitaires, non basés sur l’usage.

Comment cela est-il possible ? Il faut rappeler l’un des papiers fondateurs de l’Internet, si ce n’est le premier, publié en 1961 par Leonard Kleinrock, “Information flow in large communication Nets“.

Kleinrock s’intéressait à un problème simple : quel est le meilleur protocole pour faire communiquer deux ordinateurs entre eux ? Après avoir étudié les protocoles des opérateurs de télécommunication, il a conclu que ce n’était pas un bon paradigme, et sa thèse a porté sur le choix du paquet plutôt que de la commutation.

Pour dire les choses simplement, les protocoles des opérateurs de télécommunication sont basés sur le paradigme du train : la voie est ouverte et réservée, donc le train passera sans encombre. C’est la même chose avec le téléphone traditionnel : même s’il n’y a pas de voix sur la voie, celle-ci est réservée. À l’inverse, le protocole par paquet est basé sur le paradigme du camion : les messages sont mis dans des paquets qui sont mis dans des camions qui empruntent soit la route, soit l’autoroute, etc.

Économie de l’abondance vs économie de la rareté

On voit tout de suite l’importance du choix. Les protocoles de télécommunication sont basés sur une économie de la rareté : lorsque le nombre de communications atteint le nombre de canaux d’une antenne 3G, alors plus aucune communication supplémentaire ne passe, sauf à « virer » l’une des communications (ce que, semble-t-il, les opérateurs 3G font, sans franchement en faire de la publicité ; cela se nomme « les classes de service »). À l’inverse, le protocole par paquet est basé sur une économie d’abondance : jamais on ne refusera l’accès à l’autoroute sous prétexte qu’il y a trop de voitures. Tout au plus, le gestionnaire fera de la régulation de trafic. C’est la même chose dans le monde Internet, jamais des paquets ne sont refusés, sauf à vraiment atteindre la saturation absolue. Heureusement, jusqu’à présent, toutes les prédictions d’effondrement du réseau se sont révélées fausses. On le sait aussi dans l’économie du disque, le mp3 est dans une logique d’économie de l’abondance, alors que le disque est dans une logique d’économie de la rareté.

Le propre d’une économie de la rareté est de fournir de la très haute qualité, ce que les opérateurs nomment « la qualité totale » ; son inconvénient est d’être très chère de manière indifférenciée. Le propre de l’économie d’abondance est d’être efficace. Elle rationalise l’usage des moyens, elle profite de coûts de duplication faible. Son inconvénient est qu’elle privilégie le concept de « best effort » au détriment d’une garantie de service. La structure même de l’Internet, qui est « un réseau de réseau » et pas un réseau unique, est basé sur un jeu de LEGO. Des entreprises font des routeurs, d’autres des navigateurs, d’autres des moteurs de recherche, d’autres des réseaux sociaux, et tout ceci concoure à une économie à faible coût, chacun restant dans son domaine. Toute tentative de gérer l’ensemble des services de l’Internet s’est d’ailleurs soldée par un échec : AOL Time-Warner, Vivendi Universal, sont autant de rêves mégalos qui n’ont abouti qu’à des dépenses inutiles.

L’impact du modèle économique sur les usages est fondamental. Prenons l’exemple du stockage : à moins de 50 euros « street price » le téraoctet, le coût de stockage d’un fichier est ridiculement faible, donc sa duplication ne pose aucun problème. Google, en créant gmail, a fait le pari de l’abondance, alors que les directions informatique des grandes entreprises sont toujours dans une logique de rareté. Résultat : il vaut mieux avoir gmail qu’un email professionnel, on ne perd pas de temps à ranger et archiver. Prenons la bande passante : avec des offres forfaitaires illimitées, les fournisseurs d’accès sont dans une logique d’abondance ; alors qu’en faisant payer les directions informatique au volume, elles sont dans une logique de rareté. Résultat : il faut être chez soi plutôt qu’au travail pour voir des vidéos indispensables dans le cadre professionnel, ce qui est contraire au code du travail. Bref, ne nous étonnons pas si la France est un gros consommateur d’antidépresseurs.

Regardons maintenant la situation mondiale des fournisseurs d’accès. Nous avons la chance, en France, d’avoir Free. Sans Free, nous n’aurions pas d’offre triple play forfaitaire, avec des communications téléphoniques illimitées vers les fixes et les mobiles de 120 pays. Est-ce le cas partout ? Non.

En Australie, par exemple, aucun des grands ISP n’a d’offre illimité. Telstra [en], par exemple, limite l’usage, et lorsque cette limite est atteinte, baisse dramatiquement la bande passante. C’est le cas pour la grande majorité des ISP en Australie [en], avec des limites entre 2 et 200G par mois. À l’inverse, aux États-Unis, la guerre fait rage sur la baisse des prix [en], qui sont en ce moment entre 20 et 50 dollars par mois en illimité. En Angleterre [en], la situation ressemble à celle de l’Australie, avec d’une côté des opérateurs de télécommunication qui limitent l’usage, et de l’autre des nouveaux entrants qui offrent de l’illimité. En Allemagne, l’opérateur historique, T-Mobile, propose des packages illimités pour 35 euros par mois, avec possibilité de migrer vers le VDSL.

Maintenant, regardons ce qui se passe dans le mobile. En France, nous avons, sur le territoire, des offres en data illimitées. Même s’il faut faire attention lorsque l’on franchit les frontières, car le prix va jusqu’à 10 euros par mégaoctet, en fonction de règles qui sont totalement absconses, lorsqu’on reste bien franchouillard, il est possible de surfer de manière quasi illimitée. Que va faire Free en terme de modèle tarifaire lorsqu’il installera son service ? Va-t-il nous proposer des illimités dans le monde entier ou presque à bas prix ? Ou bien va-t-il se mettre dans une logique économique de rareté et facturer à l’usage ?

La tentation de la tarification à l’acte

J’ai coutume de dire que l’économie de l’Internet suit, avec une dizaine d’années de retard, celle du transport aérien. Or, les compagnies low cost, qui ont des points communs avec la logique de Free, ont toutes décidé, il y a quelques années, de faire payer les services un par un : le nombre de bagages, la priorité aux comptoirs, les kilogrammes, jusqu’à tester l’idée, émise par le PDG de Ryanair, de faire payer les toilettes, voire de faire payer pour un vrai siège, les autres étant debout. On le voit bien, la tentation est grande de revenir à une tarification à l’acte.

Cela peux-t-il se passer dans le monde de l’Internet ? J’en ai bien peur. Les fournisseurs d’accès en mobile commencent à parler d’abandonner le forfait pour aller à une tarification en fonction des données consommées. Les trois opérateurs français actuels, pour lesquels le mobile représente le revenu le plus important, ne pourront plus laisser faire un nouvel entrant avec d’autres logiques plus efficaces. Si Free arrive avec des offres forfaitaires en mobile, alors il n’y aura plus aucun gisement de revenus pour les trois autres, situation aggravée si la migration des clients est conséquente. France Telecom, qui a encore un nombre de salariés impressionnant, dont beaucoup de fonctionnaires difficilement transférables ailleurs, sera le plus touché. Étant en plus fortement syndicalisé, il est probable que 2013 verra des manifestations violentes de SUD et de la CGT, une version moderne de la révolte des canuts. Il n’est pas facile de prédire comment le gouvernement, quel qu’il soit, réagira ; mais il est sûr que les caisses de l’État, déjà très basses, ne permettront pas un modèle à la Bull, et donc France Telecom sera abandonné, sauf à avoir un gouvernement communiste dans son esprit, ce qui, hélas n’est pas impossible. Il ne restera donc que la solution d’une entente entre Free et les trois autres, sur des accords de roaming sympathiques par exemple ; la tentation sera alors grande pour Free de faire payer l’Internet mobile à l’usage. De plus, étant capable de rationaliser ses coûts, entre autres par l’utilisation d’antennes 3G sur les Freebox, Free aura une marge nettement supérieure aux autres opérateurs. Ça ne se refuse pas…

Et alors, si l’Internet mobile revient au paiement à la durée, quid du fixe ??? La tentation est grande de faire payer au volume, avec une première étape de limite supérieure, comme cela se pratique dans certains pays, comme on l’a vu.

Nous allons vivre quelques moments noirs. Les modèles économiques traditionnels risquent de revenir en force. Il faudra alors lutter, et trouver des solutions alternatives, par exemple des coopératives télécom, comme ce qui se pratique à Nuenen [néerlandais] en Hollande, au Canada, ou bien ce que fait notre ami Billaut-San à Villiers-le-Mahieu.

Je crois au modèle des coopératives télécom, pour contrebalancer les modèles économiques des opérateurs. Mais alors, que feront les ARCEP du monde entier ? Que décideront les politiques ??? Ceci est la clé. Les réseaux sont vraiment un acte politique de gestion du territoire.

Billet initialement publié sur Almatropie

Image CC Flickr R4vi

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http://owni.fr/2011/01/24/business-model-de-l%e2%80%99internet-des-moments-noirs-a-venir/feed/ 9
L’improbable job de Christine Albanel chez France Telecom http://owni.fr/2010/02/22/l%e2%80%99improbable-job-de-christine-albanel-chez-france-telecom/ http://owni.fr/2010/02/22/l%e2%80%99improbable-job-de-christine-albanel-chez-france-telecom/#comments Mon, 22 Feb 2010 08:43:43 +0000 Bluetouff http://owni.fr/?p=8691

Article initialement paru sous le titre “OpenOffice prochainement dans vos Livebox ou l’improbable job de Christine Albanel chez France Telecom”

Voila que je m’absente quelques jours de notre présipauté pour obligations professionnelles et qu’au premier push 3G dans le train je lis un tweet ahurissant de @nitot… Christine Albanel serait sur le point de se recycler… chez France Telecom ! Christine Albanel était attendue à la Bibliothèque Nationale, mais les bouquins tout ça, tant de culture d’un coup … elle n’était pas préparée à ça. C’est Le Figaro qui a lâché le morceau hier, suivit par Le Monde, puis toute la presse… la nouvelle s’est évidemment répandue sur le Net très rapidement, et le moins que l’on puisse dire c’est que ça tire à boulets rouges sur le nouveau boulet d’Orange .

À ma droite, une nouvelle équipe dirigeante pour l’opérateur historique, à ma gauche, Christine Albanel :

  • compétence IT proches du néant ;
  • qui s’est maintes fois illustrée dans l’hémicycle à coup de bredouillements hésitants et avec toute la détresse que l’on peut reconnaitre émanant du regard d’un basset enfermé dans une voiture, sur un parking de supermarché, par 40° à l’ombre ;
  • qui a gagné l’audacieux pari de nous faire passer pour des cons dans le monde entier avec son HADOPI inapplicable, tellement ni faite ni à faire que l’on attend même plus les décrets d’application, son pare-feu OpenOffice, ses envois de disques dur au juge, ses listes blanches, son délit de négligence caractérisée alors que ses propres services laissaient trainer un Mike’s Calendar remote code execution compliant® et un .profile accessible au navigateur sur le site son ex-ministère
  • si on comptabilise le nombre de bêtises que Christine Albanel est capable de débiter à la seconde, on se vite compte qu’on a en face de nous une spécialiste du très haut débit.

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De tels services rendus à la Nation valaient bien un petit parachutage, et comme vous le savez tous, Christine était ministre de la Culture comme Homer Simpson est agent de sécurité dans une centrale nucléaire, elle était en fait ministre des Internets, dans le sens Jacques Myard du terme. Bon ok, Christine se serait méchamment fait dégager à l’entretien technique de n’importe quelle hotline de FAI, il fallait donc lui donner un poste à la mesure de ses compétences reconnues, dans la nouvelle équipe de direction de l’opérateur historique.

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Cliquer ici pour voir la vidéo.

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Je ne m’étais pas posé la question de ce que notre présipaute pouvait nous préparer de pire qu’un Jean Sarkozy à la tête de l’EPAD, mais voilà, ça y est, j’ai la réponse, dur effectivement de ne pas voir planer le spectre de l’Elysée sur cette nomination que nous qualifierons très pudiquement comme une surprise. Car là où il y a de quoi avoir peur, c’est que notre Christine nationale va être en charge des « contenus », toujours selon le Figaro, elle occupera « un poste vaste et important autour de la communication et des contenus« . Comprenez que Christine va faire un stage chez Juniper pour poser des deny sur les sites web de gus pirates nazis pédo anarco violeurs vendeurs de médicaments qui envoient des emails à la chaine pour faire grossir le zizi. Et pourquoi France Telecom alors ? … et bien pour mieux vous préparer le lancement de la grande nouveauté 2010 d’Orange : le minitel en HD compatible iPad et vendu en exclusivité !

« Je veux des nominations irréprochables » © Nicolas Sarkozy (18e seconde)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

envoyé par ump.

Billet initialement publié sur Bluetouff’s blog

Photo de une o0bsessed sur Flickr

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