OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Établissements de réinsertion scolaire: silence dans les rangs http://owni.fr/2011/07/20/etablissements-de-reinsertion-scolaire-silence-dans-les-rangs/ http://owni.fr/2011/07/20/etablissements-de-reinsertion-scolaire-silence-dans-les-rangs/#comments Wed, 20 Jul 2011 13:00:41 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=71971

Décidément, les ERS (établissements de réinsertion scolaire) sont un sujet sensible. En novembre dernier, Rue89 titrait « Chut ! L’Education nationale ne communique pas sur les ERS ». Contacté par OWNI afin de faire un bilan chiffré précis, le ministère de l’Éducation nationale, en la personne d’une attachée de presse revêche mal réveillée, nous a répondu :

Apparemment, vous n’allez pas sur le site du ministère. Il y a une page avec toutes les informations, mise à jour en mars.

Opendata, qu’ils disaient. En guise de bilan, le ministère fournit à ce jour simplement la liste des établissements et un résumé de la circulaire. En se fendant au passage d’un petit mensonge : « La consultation et l’accord de l’élève et de sa famille sont nécessaires. » Ce qui contredit la circulaire encadrant le fonctionnement des ERS : l’accord est certes « nécessaire », mais s’il « ne peut être obtenu, une saisine du procureur peut être engagée par l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’Éducation nationale » pour décider du placement.

EducScol, le site du ministère pour les professionnels de l’éducation, n’est guère plus généreux :

La création d’une vingtaine d’ERS est demandée pour l’année scolaire 2010-2011. Les ERS accueillent pendant un an au moins un effectif global de 15 à 30 élèves, âgés de 13 à 16 ans, issus des classes de 5e, 4e et 3e.

Faire le bilan de cette première année d’expérimentation de classe pour élèves difficiles avec des informations parcellaires de mi-parcours, même Gérard Majax ne saurait résoudre ce tour de passe-passe. Et de nous renvoyer aux académies concernées.

Incidents à répétition

Les ERS, c’est l’histoire d’une expérimentation montée à la va-vite, sans concertation, dans la foulée des Etats généraux sur la violence à l’école de 2010. La circulaire a été publiée au JO au milieu de l’été, c’est dire… Le projet suscite d’emblée des critiques de la part du milieu éducatif. Au programme, des effectifs très réduits, un taux d’encadrement élevé, l’internat et un programme mixant cours le matin et activités diverses l’après-midi dont une bonne dose de sport. Le coût du programme, 15.000 euros par élève soit deux fois plus qu’un élève dans un cursus classique, et autant qu’un élève de classe préparatoire aux grandes écoles, fait aussi frémir, dans un contexte de réduction budgétaire : c’est déshabiller Paul pour habiller Pierre, reprochent certains en substance.

Le premier établissement ouvre dans le département des Alpes-Maritimes, présidé par un partisan de la droite sécuritaire, le député UMP Eric Ciotti. Dix autres suivront, et dans un certain nombre d’entre eux, on est loin des Jolies colonies de vacances.

Ainsi, des élèves de Seine-Saint-Denis sont envoyés à Craon dans la Mayenne. Croisant « à la suite d’une erreur d’organisation » des collégiens en route pour la cantine, raconte Le Parisien, ils sortent les poings. Ils seront exclus… Les professeurs demanderont même la fermeture de l’ERS. À Portbail, dans la Manche, une expérience similaire tourne aussi court. L’ensemble des huit pensionnaires, aussi venus du 93, sont exclus après avoir semé la pagaille dans le village. À Nanterre, les professeurs se mettent en grève pour protester contre la mise en place de l’ERS.

En novembre, Luc Chatel fait le point. S’il concède que le dispositif est perfectible, annonçant trois pistes d’amélioration, le dispositif en lui-même n’est pas remis en cause. La liste des établissements est fournie, chose naguère refusée, ainsi que les effectifs, avec un prévisionnel le cas échéant. Curieusement, le site de l’Education nationale n’affiche à l’heure actuelle que la liste des établissements, et non les effectifs…

Et au dernier rapport d’étape, en mars, donc, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, reportage à l’appui :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Puisqu’il n’est pas possible d’obtenir un bilan au terme de cette première année, OWNI s’en est chargé. Où l’on retient surtout que la communication reste aléatoire, en fonction de la réussite apparente de chaque établissement. Apparente, car, comme le rappelait Emmanuel Davidenkoff, il est prématuré de juger la réussite d’un projet de réinsertion scolaire à si court terme, qui arrive après d’autres dispositifs de ce type (classe-relais, SEGPA, etc) :

Réinsérer socialement oui, scolairement, c’est très rare. Toutes les études montrent que le retour dans le circuit scolaire reste l’exception.

Communication minimale

Dans un certain nombre d’ERS, nous n’avons pas eu de retour de l’inspection d’académie, et il a fallu faire avec les articles parus dans la presse locale le plus souvent pour se faire une idée, le cas échéant :

  • du collège Haute-Bruche à Schirmeck : pas de réponse aux sollicitations
  • du collège Paul Fort, rattaché au collège Pierre et Marie Curie à Dreux, où l’on a essuyé un « refus de communiquer à la presse ».
  • de l’internat scolaire Mauchamp à Verney : pas de réponse aux sollicitations.
  • des établissements rattachées à la Seine-Saint-Denis, collège Fenelon à Vaujours et ERS externalisés dans la Mayenne et la Manche, collège Volney à Craon (Mayenne) et centre PEP Elie Monboisse à Port-Bail (Manche) : pas de réponse aux sollicitations.

Concernant ce dernier, on apprend sur maville.com qu’il a été réouvert en décembre avec un taux d’encadrement renforcé et des effectifs réduits : « aujourd’hui l’effectif n’est plus que de 3 élèves, l’un des jeunes ayant été renvoyé, et le nombre d’adultes est passé à 11 : “2 enseignants, 4 assistants d’éducation, 3 volontaires service civique, 1 coordonnateur et le directeur”. » Et l’objectif était de « mettr[e] un élève supplémentaire chaque mois », « et en tout état de cause le nombre d’élèves “ne dépassera pas dix”. » Silence sur le coût de l’opération.

Sur les huit pensionnaires du collège Jean Monnet de Bagnères-de-Luchon, ouvert début novembre 2010, « deux d’entre eux sont aussitôt repartis. Le premier a été exclu pour avoir « perturbé » le groupe. Le second a demandé à quitter la structure », rapportait Rue89. « Ouvert comme 11 autres établissements de ce type en France après les vacances de la Toussaint de cette rentrée scolaire, l’établissement de réinsertion scolaire (ESR) de Luchon a eu un peu de mal à démarrer. Mais aujourd’hui, il fait référence », indiquait La Dépêche du Midi, sans donner davantage de détails.

Paradoxalement, quelques mois après ce commentaire laudatif du journal local, l’inspection d’académie nous a répondu ainsi :

L’académie de Toulouse a expérimenté le dispositif des établissements de réinsertion scolaire. Après quelques mois de fonctionnement (ouverture de l’établissement en cours d’année scolaire), il nous semble prématuré de tirer des conclusions. Chaque élève étant unique les équipes sont désormais tournées vers la rentrée scolaire 2011-2012 et la mise en place d’une pédagogie au service de la réussite et de la réinsertion des élèves de l’académie qui intègreront le collège. Nous ne souhaitons pas donner d’autre suite à votre demande.

Après la grève initiale, l’ERS du collège Jean Perrin de Nanterre a de nouveau un peu fait parler de lui dans la presse en mai. En cause, un stage militaire qui a tourné au fiasco. Un document de l’académie annonce que « tous les déplacements se feront au pas cadencé » (sic). Dans les faits, rapporte Le Parisien, « cette semaine placée sous le signe de l’autorité s’est finalement révélée très tendue. Au point que la hiérarchie militaire a décidé de ne pas la médiatiser plus que cela. Peu désireuse que cette opération soit considérée comme un fiasco, la Grande Muette s’est montrée peu loquace. Selon nos informations, le stage a été marqué par des altercations à répétition et une hostilité ouverte à l’égard des encadrants militaires. [...] Pas forcément formés à une pédagogie de pointe, les militaires se trouvaient donc limités dans leurs moyens de coercition. Impossible de leur imposer les traditionnelles séries de pompes en cas de manquement à l’autorité. “L’Éducation nationale a sans doute compté sur nous pour les mater…” résume un militaire avec amertume. Raté !»

Nous n’avons pas eu de retour de l’inspection d’académie. L’Humanité a eu plus de chance apparemment. Son état des lieux est éloquent : « Stage militaire qui vire au fiasco, absentéisme, mise à l’index des élèves décrocheurs… [...] Marianne Auxenfans, responsable du Snes-FSU des Hauts-de-Seine [...] regrette aussi que l’ERS ait achevé son année scolaire sans être doté d’une véritable équipe pédagogique. [...] Neuf mois après son ouverture, aucun projet pédagogique n’a été présenté au conseil d’administration du collège », etc.

Quant aux résultats qu’on nous a fournis, sous couvert d’anonymat, ils sont très mauvais : « Il y a eu une montée en puissance, avec quinze élèves inscrits cette année au final, mais quatre ne sont jamais venus. Sur les onze restants, cinq ou six étaient absents de façon perlée chaque jour. Concernant les résultats à l’examen, le brevet D.P.6, trois sont venus à une épreuve sur les trois qu’il compte, deux ont assisté à deux épreuves. De toute façon, il n’y a pas eu de contrôle continu. Il me semble qu’un élève redoublera dans une troisième générale, sinon, ils seront orientés en CFA. » Le dispositif devrait être reconduit.

Bilan a priori présentable

Le collège Jean-Baptiste Rusca à Saint-Dalmas-de-Tende s’est montré disert dans la presse locale, fort de son bilan a priori présentable. Nice-Matin détaille ainsi qu’«en grande difficulté à leur arrivée, 13 des 19 élèves ayant fréquenté l’ERS de Saint-Dalmas-de-Tende vont retrouver une scolarité “ordinaire”. [...] Le dispositif sera reconduit l’an prochain à l’identique. Il y a eu, bien sûr, des échecs. Des jeunes ont quitté très vite l’ERS pour ne pas avoir pu s’adapter aux conditions de l’internat. Ils ont depuis été réorientés vers d’autres filières. En tout cas, pas de quoi remettre en cause cette expérience. » On n’en saura pas pas plus sur le nombre de jeunes qui ont quitté l’établissement.

Contacté, l’inspection d’académie nous a transmis le numéro de téléphone de la proviseure de l’établissement… qui nous a envoyé baladé :

C’est au rectorat de donner l’autorisation de communiquer.

Bonne surprise en Lozère : nous avons eu un retour rapide et poli de l’inspecteur d’académie, M. François Lacan. Il dresse un bilan positif de cette première année. « Nous n’avons pas été pris de cours car nous avons déjà cette culture. Nous sommes un petit collège de campagne habitué à recevoir des élèves en difficulté issus de milieu urbain. » (( lire Témoignages et présentation de projets éducatifs )) Sur les 20 élèves, la majorité préfèrent rester dans cet environnement l’année prochaine. Le dispositif sera reconduit à la rentrée prochaine, avec 15 élèves au lieu de 12 cette année (on se demande d’où vient le chiffre de 20 annoncé en novembre).

Pas de réponse non plus dans le Val d’Oise. Le bilan semble bon si l’on s’en tient à cet article paru dans La Vie :

« le lycée Saint-Jean est placé sous tutelle des Apprentis d’Auteuil, une fondation spécialisée dans l’accueil d’élèves en difficulté. Surtout, le directeur a imposé deux conditions qui ne figuraient pas dans le cahier des charges du ministère : que les jeunes soient volontaires pour suivre ce programme, “afin d’accompagner au mieux leurs besoins et leurs projets”, et qu’ils partagent les mêmes lieux de vie que les autres lycéens, “cantine et internat compris”.

À Craon, au contraire, tout était fait pour que jeunes de l’ERS et collégiens ne se croisent pas : l’internat et les salles de classe de l’ERS étaient aménagés à l’étage d’un bâtiment, les jeunes n’en sortant que pour les repas, à des horaires décalés. “Le jour de leur arrivée, on les a fait passer par la porte de derrière, raconte Maryline Buggin. Il est évident qu’ils se sont sentis stigmatisés, exclus.” »

Tiens, tiens, la clé de la réussite serait-elle d’avoir un projet réfléchi, au sein de structures spécialisées, soit le contraire de ce qu’a fait le ministère ?

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Les jolies colonies de Chatel http://owni.fr/2010/09/02/les-jolies-colonies-de-chatel/ http://owni.fr/2010/09/02/les-jolies-colonies-de-chatel/#comments Thu, 02 Sep 2010 13:45:49 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=24077

Cela faisait partie des dispositions annoncées par Nicolas Sarkozy en mai dernier, à l’issue des États généraux sur la sécurité à l’école : la création d’”établissements de réinsertion scolaire” (ERS) accueillant des élèves de 13 à 16 ans particulièrement perturbateurs en internat, une mesure destinée à endiguer la violence scolaire. Une circulaire envoyée à la fin du mois de juin et publié au JO dans la torpeur du mois de juillet vient d’en préciser les contours.

Les ERS recevront des élèves du second degré qui ont fait l’objet de multiples exclusions, “qui ne relèvent ni de l’enseignement spécialisé et adapté” et qui ne peuvent pas non plus être placés dans le cadre pénal. Ils seront placés la plupart du temps dans des internats, par effectif de quinze à trente, sous la houlette “d’un encadrement renforcé et de l’appui de différents partenaires.” Les ERS seront placés sous la responsabilité du chef d’établissement public local d’enseignement auquel il sera rattaché. Les ERS pourront être situés dans des locaux annexés à l’établissement scolaire de rattachement, de préférence distinct du reste de l’établissement”. À l’écart, au propre comme au figuré ?

Le placement pourra se faire sans l’accord des parents

Le placement pourra se faire sans l’accord des parents : “Il est nécessaire que l’accord du jeune et de sa famille ou du responsable légal soit mentionné dans le dossier. Si cet accord ne peut être obtenu, une saisine du procureur peut être engagée par l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’Éducation nationale, afin que puisse être étudiée l’opportunité de prononcer un placement en ERS au titre de mesure d’assistance éducative.”

Les ERS fixent quatre objectifs : “l’acquisition du socle commun de connaissances et de compétences, l’appropriation des règles du vivre ensemble, la définition d’un projet de formation ainsi que l’implication des familles.” La réinsertion se fera “dans un parcours de formation générale, technologique ou professionnelle.”

Sauf que la suite de la circulaire préempte une forte option pour les deux dernières, considérées comme des voies de garage en France. Ainsi, “des stages en lycées professionnels, en centre de formation des apprentis et en entreprises sont organisés” ; “Pour les élèves les plus âgés, des poursuites d’études sont envisagées, soit sous statut scolaire, notamment en lycée professionnel, soit par voie de l’apprentissage.” En sachant que ces voies protègent moins du chômage que l’enseignement supérieur…

Par ailleurs, l’obtention de différents certificats n’a pas un caractère obligatoire : “Afin de valider leurs acquis et de faire entrer les élèves dans une dynamique de réussite reconnue, il convient d’avoir un objectif de certification, chaque fois que cela est possible : certificat de formation générale (CFG), diplôme national du brevet (DNB), attestation scolaire de sécurité routière (ASSR), brevet informatique et internet (B2I), attestation de prévention de secours civiques (PSC1), jeunes officiels, brevets sportifs ou d’animateur, etc.”

Des enseignements seulement le matin

Les élèves auront un emploi du temps aménagé : le matin, enseignements, l’après-midi des activités “notamment des activités sportives à raison de deux heures chaque jour et des ateliers autour de la citoyenneté, de la santé, etc” ; et pour finir, en fin d’après-midi, “l’accompagnement éducatif”.

Le chiffre de dix ERS pour l’année 2010-2011 a d’abord été avancé dans la circulaire, le président Sarkozy a fixé comme objectif une vingtaine au cours du premier trimestre. On sait déjà qu’il y en aura un dès la rentrée à Nice : l’annonce en a été faite le 1er juillet entre autres par Eric Ciotti, député UMP et président du conseil général des Alpes-Maritimes. Ce dernier a récemment fait parler de lui pour avoir proposé «jusqu’à deux ans de prison pour les parents» d’un mineur délinquant qui n’aurait pas respecté le plan de probation sous leur responsabilité, en prenant faux exemple sur le Canada.

L’encadrement sera assuré par des enseignants et des assistants d’éducation. Le choix des enseignants se fera “sur la base du volontariat et sur poste à profil”. Sans que cela ait un caractère obligatoire : il est seulement “souhaitable que ces personnels aient une expérience d’enseignement devant des publics scolaires en difficulté et témoignent de leur motivation pour travailler sur un projet pédagogique et éducatif avec internat.” Ils seront éventuellement assisté de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), des éducateurs du conseil général, d’intervenants associatifs, de volontaire du service civique…

Parmi les partenaires, outre le ministère de la Justice et des Libertés, le ministère de la Jeunesse et des Solidarités actives, les associations agréées complémentaires de l’enseignement public et les fondations reconnues d’utilité publique…, on retrouve le ministère de la Défense, dont les compétences en matière d’éducation sont bien connues. Contacté entre autres pour avoir des précisions sur ce point, le ministère de l’Éducation n’a pas répondu. Ce choix semble somme toute logique lorsque l’on sait que les EMS (équipes mobiles de sécurité), un des quatre axes majeurs du plan de “sanctuarisation des établissements scolaires”, font appel à des ex-policiers et gendarmes.

Le texte ne précise pas ce qu’il sera fait de ces élèves s’ils ont dépassé l’âge limite. Il est juste mentionné les solutions en cas de réussite du processus de réintégration.

En parallèle et en toute contradiction, le gouvernement veut tailler dans les effectifs des professeurs dans les trois ans à venir, en application de la politique de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Il envisage ainsi la suppression des Rased (Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté), l’augmentation des effectifs par classe, une formation des enseignants revue à la baisse, prévoyant que les nouveaux professeurs seront directement affectés à un poste. Un programme qui a conduit les à commencer l’année scolaire 2010 par une grève. On rajoutera aussi que le plan banlieue a été vidé de sa substance.

“Il faudrait redonner à ces élèves un espoir”

Le détail de ces ERS ne fait pas l’unanimité parmi le milieu éducatif, curieusement. Le SNES est dubitatif : “Cela fait des années que l’on cherche une solution pour ce public très particulier, sans avoir trouvé la formule-miracle, je ne pense pas que celle-là résolve le problème, nous a expliqué Roland Hubert, co-secrétaire général Syndicat national des enseignements de second degré. Les ERS centrent leur approche sur le comportemental, cela ne suffira pas. De plus, la PJJ est partenaire, or elle a tendance à axer son travail sur la réparation et non la prévention. Il faudrait redonner à ces élèves un espoir, un sens pour qu’ils puissent se reconstruire. Il faut qu’il y ait une vraie réflexion sur les raisons de leur blocage. Là, c’est du dressage, on leur fait faire du sport pour les défouler, on leur apprend à être de bons citoyens pas gênant, aux détriments de l’apprentissage, qui est réduit. ‘Projet de vie’, ce sont des mots, nous serons attentifs à la réinsertion réelle.

“Une fois de plus, face à un problème grave, on apporte une réponse qui s’apparente à un effet d’annonce, estime Dominique Hocquard, président de l’ACOPF (Association des conseillers d’orientation psychologue de France), faisant allusion à la force de proposition sécuritaire du gouvernement. Pour beaucoup, les chefs d’établissements ne sont pas dupes. Il existe déjà des dispositifs, comme les classes-relais, il faudrait mieux renforcer leurs moyens.” Les dispositions même des ERS sont mises en cause : “Alors que ces élèves sont placés, pour ne pas dire enfermés, comment peuvent-ils se projeter positivement ? Les enseignements seront basiques et réduits et on ne leur propose qu’une formation professionnelle à court terme”. Une formation professionnelle “dévaluée” du coup, souligne-t-il : tout juste bonne pour des perturbateurs. Il note enfin l’ambiguïté des ERS, “une pénalisation déguisée d’une certaine façon”, puisque le placement pourra être imposé.

L’UNSA-éducation souligne de son côté le manque de concertation sur ce projet : “Cela a surpris tout le monde, explique Patrick Gonthier, secrétaire général du syndicat. Aucune réunion n’en a fait état, c’est une annonce exclusive du président de la République.” Il craint que les critères de sélection n’amènent à réunir des profils très différents. La diminution de la part des apprentissages leur fait également peur. Surtout, c’est le choix d’une structure fermée, en extérieur, qui suscite le plus de crainte chez eux : “Il vaut mieux rester dans l’enceinte éducative, cette solution risque de produire un contre-effet, c’est-à-dire d’accentuer la démotivation et d’exclure à long terme les élèves. Peu de pays ont adopté des solutions externalisant autant”, détaille monsieur Gonthier.

Établissements scolaires ou pénitentiaires ?

s’interrogent carrément Les Cahiers pédagagiques. [...] Surtout la circulaire s’étend sur “la stricte discipline”. [...] On voit mal comment le socle commun peut être sérieusement préparé dans un cadre pareil.” [...] On est surpris de la naïveté du programme pédagogique des ERS qui prétend imposer le respect et faire apprendre dans un internat imposé. Tout enseignant sait bien que le respect se construit, il n’est pas du, et qu’on peut apprendre la contrainte, voire la soumission, mais pas apprendre par la contrainte. Mais on est aussi surpris du positionnement de ces ERS par rapport aux classes relais.” Et de conclure, rejoignant les critiques précédentes : “les ERS avec leur caractère semi clos, un dispositif où on voit bien que l’enseignement est secondaire face aux exigences comportementales risque plutôt d’accélérer la marginalisation des jeunes parqués dans des structures qui préparent plutôt à l’enfermement. Définitif ?”

Les ERS sont un exemple de la volonté du gouvernement de se focaliser sur la sécurité à l’école, alors que de l’aveu même du ministre de l’Éducation, “99% des élèves ne connaissent pas la violence”. Une position dénoncée entre autres par l’OZP (Observatoire des Zones Prioritaires) : “La violence à l’école – et sa répression – tendent à devenir le sujet qui envahit tout le discours sur l’école, comme s’il fallait persuader les familles que l’école publique est un lieu dangereux pour leurs enfants.”

Et si les fines huiles de la majorité donnaient des cours sur les valeurs ?

Pour finir en lolant, nous avons imaginer que les fines huiles de notre majorité interviennent en fonction de leur compétences et expériences sur quelques valeurs que nos jeunes en difficulté sont sensés intégrer. “Les pratiques sportives sont à développer tout particulièrement, pour les valeurs qu’elles portent” :
- “respect des règles” : Alain Joyandet, qui se permet de construire.
- “goût de l’effort” : Jean Sarkozy, qui a failli être président de l’Epad à 23 ans malgré son absence de diplôme. Comme dit si bien Patrick Devedjian citant Corneille, ““Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années”.
- “persévérance” : Christian Estrosi, dit “le motoditacte” en raison de la taille de son cerveau, propulsé ministre de l’Industrie.
- “esprit d’équipe” : David Douillet, qui soutient sans faille Rama Yade, la secrétaire d’État aux Sports.
- “loyauté” : Bernard Kouchner, retourneur de veste.
- “dépassement de soi” : Frédéric Lefebvre, qui n’en rate pas une pour soutenir Nicolas Sarkozy. Au choix, ici, ou bien encore ça.
L’éducation à la citoyenneté est privilégiée : des ateliers citoyens sont conduits, en collaboration avec des partenaires de divers ministères (Justice, Défense, Intérieur) et d’associations, afin de proposer un travail approfondi sur la nécessité du respect des règles :
- “de vie collective” : le fraternel Brice Hortefeux, si respectueux de ses camarades auvergnats en public.
- “de registre de langue” : Nicolas “casse-toi pauvre con” Sarkozy (Le Canard enchaîné nous rapporte aussi régulièrement en page 2 les fleurs de langage du petit Nicolas).
- “de comportements” : toujours le même, expliquera comment se comporter face à une personne importante : éteindre son portable, par exemple.
- “de tenue vestimentaire” : Roselyne Bachelot, porteuse de crocs roses.
Les jeunes peuvent s’engager également dans des actions auprès d’associations d’aide aux handicapés, aux personnes âgées, de lutte contre la pauvreté, etc.
-Eric Woerth parlera ainsi de l’amitié qu’il a nouée avec une vieille dame importunée par sa méchante fille et son trop plein d’argent.

À lire aussi :

La circulaire sur les ERS

Vous voulez des pions ? Vous aurez des ex-policiers.

Image CC Flickr D.Reichardt et SpinAirR

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