OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Richard Stallman, précieux radoteur http://owni.fr/2012/06/29/richard-stallman-precieux-radoteur/ http://owni.fr/2012/06/29/richard-stallman-precieux-radoteur/#comments Fri, 29 Jun 2012 12:32:28 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=114848

Richard Stallman à La Mutinerie Coworking à Paris, le 28 juin 2012 - (cc) Ophelia Noor

La Mutinerie, ses flamboyantes tentures rouges et son coffre de pirate en guise de table : l’espace parisien de co-working était tout désigné pour accueillir la conférence de Richard Stallman, hacker mythique qui a initié le mouvement du logiciel libre, sur le thème ”Logiciels libres et droits de l’Homme”. Une initiative des ONG la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et Reporters sans frontières (RSF), de leurs amis du cluster de hackers Telecomix, de Silicon Maniacs, avec le soutien de l’agence de communication LIMITE.

Drones d’intérêt général

Drones d’intérêt général

Des drones fabriqués en Bretagne pour équiper les opposants syriens, les aider à communiquer entre eux et témoigner des ...

En mode automatique, Richard Matthew Stallman, rms pour les intimes, a délivré son laïus habituel, devant un public acquis. Le même depuis presque trente ans, lorsqu’il claqua la porte du laboratoire d’intelligence artificielle du MIT en 1983 pour développer GNU, un OS dont le code est ouvert, en réaction à la logique propriétaire de plus en plus prégnante, gros sous oblige. Un retour à la nature originelle des logiciels puisque, on l’oublie souvent, les programmes ont d’abord été libres par défaut. Dans la foulée, la Free Software Foundation (FSF) est créée pour soutenir le projet.

(deliver Guru (clone SPEECH_FROM_30_YEARS_AGO)

Plus qu’un paramètre technique, l’ouverture du code est pour Richard Stallman une véritable philosophie. Il la résume en trois petits mots qui nous sont familiers, rappelé en ouverture, dans un français impeccable :

Liberté, égalité, fraternité.

Un triptyque d’où découlent quatre obligations, “quatre nouveaux droits de l’homme”, dans une société où l’informatique joue un rôle central : liberté d’utiliser le logiciel, de l’étudier, de le modifier et de le redistribuer. Mais aussi une quadruple obligation que doit respecter un programme pour pouvoir prétendre à une des licences labellisées “libre”.

Conférence de Richard Stallman sur les logiciels libres et les droits de l

Stallman est bien sûr agaçant par son côté sectaire, son intransigeance, qui consiste à démonter méthodiquement les outils que la plupart des gens utilisent au quotidien, en ignorant (faisant semblant de ?) que l’utilisateur lambda se contrefiche de savoir que Microsoft a mis des portes dérobées (backdoors) pour modifier Windows, ce “malware universel”,  ou qu’il ne peut pas tripatouiller le code, tant que ses besoins sont satisfaits. Lassant encore quand il file, as usual, la petite claque à Linux, l’OS libre à succès développé par Linus Torvalds et la grosse baffe à l’open source, avatar marketé parfois moins pointilleux sur les licences, qui a commis le crime de mettre en avant l’efficience des outils libres plutôt que l’éthique.

Richard Stallman joue d’ailleurs de cette étiquette en tonnant à moult reprises “parlez plus fort, je n’entends pas” (il est sourd comme un pot), ou en endossant le costume de Saint iGNUcius :

Saint iGNUcius, de l’Eglise d’Emacs
Je bénis ton ordinateur
Nous adorons le seul vrai éditeur d’Emacs
Tu dois prononcer la confession de foi :
Il n’y a aucun autre système que Gnu et Linux est un de ses noyaux

Richard Stallman, transformation en Saint iGNUcius avec la robe et l

Si l’homme occidental moderne fait furieusement penser au Discours de la servitude volontaire, de la Boétie, c’est somme toute son problème. En revanche, quand la liberté de communiquer, voire des vies, sont en danger, l’argument du “contrôle du logiciel sur l’utilisateur” pèse d’un poids nouveau. Et malheureusement, la surveillance du réseau s’accroit, comme l’a rappelé Antoine Bernard, le directeur général de la FIDH :

En Colombie, le président Uribe s’est livré à de l’espionnage sous couvert d’une procédure anti-terroriste. Des défenseurs des droits de l’homme, des magistrats, des policiers, ont été poursuivis jusqu’en Europe, leurs communications ont été interceptées.

Lui-même s’est fait tacler par rms pour utiliser Skype. Le bien pratique logiciel est troué comme une passoire et il a servi à espionner les opposants syriens grâce à un mouchard. Et ce n’est qu’un exemple.

Dès lors, il était logique de “connecter le monde du libre et des droits de l’homme”. La FIDH a “intégré l’enjeu depuis 2000″, les logiciels libres ont été installés, “non sans peine” car il est difficile de tourner le dos au “confort fallacieux de certains logiciels”, pour reprendre les termes de Nicolas Diaz, le webmaster de la FIDH. RSF, qui défend également des blogueurs et netcitoyens, souhaite aussi “engager plus la communauté du libre”.

“Bull éclatez”

Impossible de ne pas évoquer le cas d’Amesys, cette filiale de l’entreprise française Bull qui a vendu des systèmes de surveillance à des dictatures. La dualité de la technologie a bon dos, quand il s’agit de faire du chiffre d’affaires. La FIDH et la LDH ont déjà eu la satisfaction de voir que leur plainte déposée cet automne visant la société pour complicité d’actes de torture en Libye a permis l’ouverture d’une information judiciaire.

Gnu contre le taureau, Richard Stallman était symboliquement entré dans l’arène au printemps lors d’un séjour en Tunisie, le temps d’un happening, prouvant que le vieil oncle radoteur est aussi un gardien sacrément vigilant :

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Photographies par Ophelia Noor pour Owni

Owni a publié en ebook sur Amsesys, Au pays de Candy, enquête sur les marchands d’armes de surveillance numérique

Nos confrères des Inrockuptibles ont demandé à Richard Stallman de conseiller François Hollande. Dommage que les équipes du cabinet de la nouvelle ministre de la Culture Aurélie Filippetti soient déjà constituées, avec un certain tropisme hadopiesque.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

]]>
http://owni.fr/2012/06/29/richard-stallman-precieux-radoteur/feed/ 26
La croisière s’amuse à Guantanamo http://owni.fr/2012/01/04/la-croisiere-amuse-guantanamo/ http://owni.fr/2012/01/04/la-croisiere-amuse-guantanamo/#comments Wed, 04 Jan 2012 16:50:32 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=92335 Cet article a logiquement été “augmenté” avec la bande son de “La croisière s’amuse“… mais avec un volume diminué, histoire de ne pas trop vous embêter; vous pouvez cela dit le diminuer, ou le couper, en cliquant là :

Le 25 décembre dernier, au petit matin, quelques enfants mêlés à des soldats déguisés en lapin rose ou en petit lutin ont distribué, alors que le soleil ne s’était pas encore levé, des chaussettes fourrées de Noël à ceux qui venaient travailler au centre de détention de Guantanamo. En 2010, ils avaient entonné des chants de Noël, en uniforme, mais avec des bonnets rouges à pompons, rempli plus de 1000 chaussettes (avec, notamment, des… cotons-tiges comme cadeaux), puis s’étaient vu offrir des dizaines de milliers de cookies par des petites filles scouts d’Amérique. En 2009, les enfants de Gitmo -le surnom de la base américaine de Guantanamo- avaient même eu droit à la visite du Père Noël.

Le Père Noël s’affiche également en “une” du numéro de Noël de Wire, le journal de la base de Guantanamo qui, sur sa page “Command Corner“, affiche une photo, et les meilleurs voeux, du “Joint Task Fore Guantanamo Command Leadership“. Et dans le numéro suivant, fêtant la nouvelle année, outre un reportage photo sur la distribution de chaussettes à Noël, on apprend que le père Noël est venu à Guantanamo pour organiser l’envoi de bidons d’essence en Afghanistan :


En page 4, un officier explique aux soldats comment identifier les déprimés, et aider ceux qui voudraient se suicider. En page 5, on découvre que les soldats “adoptent” des enfants de 7-8 ans dont ils deviennent des correspondants. En page 7, un reportage photo sur une partie de paintball où les soldats devaient capturer un père Noël et, en page 8, un compte-rendu des concerts qui se sont tenus au Tiki Bar de Guantanamo, suivi du programme des deux cinémas de Guantanamo (le soir de Noël, c’était Les Trois Mousquetaires en 3D au Camp Bulkeley et Alvin et les Chipmunks au Downtown Lyceum, le cinéma en plein air de 2500 places de Guantanamo), puis des horaires d’ouverture des différents bars et restaurants de Guantanamo (dont un KFC, un Pizza Hut, et un karaoké).

Sur la page consacrée aux voyages de presse organisés à Guantanamo, on apprend par ailleurs que les journalistes peuvent également y manger mexicain au Taco Bell, acheter un sandwich Subway, ou un burger au McDonald’s((D’après la BBC, des “Happy Meals” auraient ainsi été proposés aux détenus lors des interrogatoires…)). Pour dormir, par contre, les journalistes devront se contenter de tentes collectives. Les toilettes des journalistes sont elles aussi des tentes collectives, tout comme les douches, la buanderie, et la “tente de récréation“, qui accueille une table de pin pont, une télévision, un baby foot… Parce qu’on sait aussi s’amuser, à Gitmo. Dans un autre numéro de Wire, on découvre qu’à Guantanamo, on organise ainsi des concours de vitesse sur des petits vélos à pédales d’enfants…

Le package de “bienvenue à bord (sic) destiné aux nouveaux arrivants précise que le département “Morale, bien-être et loisirs” de Guantanamo permet aux soldats, à leurs familles et enfants de louer un vélo ou un bateau, de faire de la pêche en apnée, ou au harpon, du kayak, du bowling, du golf, du paintball, et bien sûr de la plongée. Car le gros avantage de Guantanamo, explique Adam Pop, président de Soldiers Undertaking Disabled Scuba, qui incite les militaires amputés au combat à se mettre à la plongée, c’est qu’on n’y trouve aucun touriste :

La page Fitness & Sports de la base navale de Guantanamo indique que les ligues “fun” de volleyball (beach ou pas), baseball, basketball, etc. sont ouvertes aux 4-14 ans, mais également, bien sûr, à leurs parents. Des fêtes familiales sont aussi organisées, à l’instar de cette régate de pirates qui permettent aux enfants de ramer avec maman ou papa sur des rafiots bricolés.

Signe que la vie de famille bat son plein à Gitmo, le numéro de juillet de la Guantanamo Bay Gazette, l’autre journal de la base militaire, nous apprend que, en un an et demi, 29 bébés sont nés à Guantanamo :

A Guantanamo, on peut aussi assister à de nombreuses soirées et spectacles : pour Halloween, un concours de sosies avait ainsi été organisé, avec de vrais sosies de Cher, Madonna et de Lady Gaga ; pour la fête de la bière, les soldats de Guantanamo pouvaient manger des saucisses, et assister à un concert de musique bavaroise :


Sur les 3465 photos, 607 reportages et 445 vidéos partagés par les communicants de Guantanamo sur Dvidshub.net (Defense Video & Imagery Distribution System), le site créé pour fournir aux médias du monde entier des reportages sur l’action de l’armée US, on trouve aussi des reportages sur le “bataillon de la beauté de Gitmo” (sic), qui propose massages et soins de beauté, la blanchisserie de Guantanamo, ou encore sur ces groupes de rock qui se produisent régulièrement sur la base militaire mais, par contre, beaucoup moins d’informations sur le quotidien des prisonniers.

Tout juste apprend-on qu’au camp Delta, il y a un baby-foot, des barbelés, et des pigeons, mais également une bibliothèque. Au camp VI, où sont réunis les prisonniers “coopératifs“, pendant la “récréation“, on peut jouer au foot ou faire du footing dans la cour, alors qu’au camp V, on peut faire du vélo d’appartement, entre autres instruments de musculation. Par contre, si l’on veut s’asseoir sur le canapé bleu, il faut accepter d’y être entrâvé par le pied, tout comme le sont aussi ceux qui s’assoient dans la salle commune :


A contrario, les soldats de Guantanamo courent beaucoup, un peu partout : non seulement à l’entraînement, mais également lors des nombreux courses de fond, souvent intitulées “fun run“, organisées pour aller courir avec leurs chiens, ou dans la boue, ou encore à l’occasion des nombreuses épreuves sportives ou évènements qui, régulièrement, permettent aux communicants de Gitmo de filmer les soldats témoigner de leur enthousiasme :

Pure propagande, dénonce Daphne Eviatar de l’ONG Human Right’s First, qui refuse, depuis des années, de participer aux visites organisées pour la presse au motif qu’elles visent surtout à présenter Guantanamo comme un lieu de vie fort agréable où les détenus font du sport, prennent des cours de dessin, corrigent leur curriculum vitae, vont chercher des livres à la bibliothèque (menottes aux mains), apprennent à utiliser les logiciels de Microsoft ou se font soigner les dents, ce qui “détourne l’attention sur le fait que ces gens sont emprisonnés indéfiniment, sans procès, totalement coupés de leurs familles et communautés“.

Dix ans après l’arrivée du premier des 775 détenus passés par Guantanamo, 171 hommes y sont encore incarcérés, déplorait récemment Amnesty International. Sur les 12 qui y sont internés depuis janvier 2002, 11 n’ont toujours pas eu droit à un procès. A l’occasion de cet anniversaire, l’ONG publie un rapport accablant (.pdf) sur les très nombreuses violations des droits de l’homme incarnées par le centre de détention de Guantanamo.

En attendant que les Etats-Unis se conforment enfin au droit international, on pourra toujours suivre les aventures de Gitmo sur tout ou partie des différents comptes créés sur les réseaux sociaux par les chargés de com’ de Guantanamo : YouTube, Facebook, Flickr, Twitter, ou Dvidshub.net.

La plupart de ces vidéos et photos n’avaient été visionnées, à ce jour, que par quelques dizaines d’internautes seulement. OWNI a donc décidé d’aider les services de communication de Guantanamo à les faire connaître du grand public. C’était notre modeste contribution à la guerre contre le terrorisme international.