OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le web social ou la redéfinition de la valeur http://owni.fr/2010/11/25/le-web-social-ou-la-redefinition-de-la-valeur/ http://owni.fr/2010/11/25/le-web-social-ou-la-redefinition-de-la-valeur/#comments Thu, 25 Nov 2010 09:43:21 +0000 Thierry Lhôte http://owni.fr/?p=36869 Si l’on accole l’adjectif social au mot web (on l’a fait pour à peu près tous les termes existant: entreprise, démocratie, raison, etc.), c’est que dans l’optique d’un réseau on met l’accent sur les chaînes relationnelles. Si ces chaînes relationnelles, introduites par les rencontres sur le web, étaient identiques à celles construites dans tout type de société, locale ou nationale, le distinguo s’arrêterait là et nous pourrions clore le débat. Heureusement, ce n’est pas le cas, et l’on peut parler du web social comme d’une entité particulière, un construit commun sur un construit technique.

L’apparition du web social s’est faite avec le constat d’un mouvement de désintermédiation globale au sein de la sphère publique, mouvement analysé par Yochai Benkler dans son ouvrage sur la richesse des réseaux. La question centrale du web social, pour le moment, reste donc celle de la crise institutionnelle que nous subissons en héritage du monde industriel.

Repositionnement global de l’action

Il suffit de lire Balzac au moment des Illusions perdues pour observer que l’apport institutionnel du XIXème siècle, avec le développement massif des médias et de la presse, est le triptyque suivant: politique, affaires et culture de masse. Ces fondements sont remis en cause au nom de cette désintermédiation de la société, par la croissance de chaînes relationnelles parallèles qui échappent à ce jeu d’intérêts croisés qui s’était progressivement formalisé jusque dans son aboutissement: la culture dominante télévisuelle.

Le problème soulevé par le web social, c’est que la perte de cette position centrale demande un repositionnement global de l’action et du discours d’à peu près tous les acteurs institutionnels de la société pour justifier à nouveau leur existence et ceci sans garantie même de survie, disons le net, ils n’ont pas le choix: l’entreprise, le journalisme, les représentations légales, etc.

L’un des traits marquants de cette crise institutionnelle est qu’elle coïncide avec une crise d’efficacité économique. Et ceci a été mis en valeur par Umair Haque. Il serait impossible de justifier l’une par l’autre, mais la découverte de cette coïncidence est proprement géniale.

Crise de la valeur

Il ne s’agit pas de la crise des valeurs, mais d’une crise de la valeur. Lorsque l’on parle de crises de valeurs, généralement c’est pour réclamer un retour à un certain ordre moral compassé. Rien de bien nouveau car on peut librement attribuer cela à l’éternelle danse des moeurs, relâchement et resserrement au cours des siècles.

Une fois qu’on a remarqué l’association de l’inefficacité économique dévoilée par la crise financière avec l’inauthenticité des formes de représentation institutionnelle dévoilée par la désintermédiation, le repli social indique la voie vers une rupture naturelle : une redécouverte de la notion de valeur qui ne devient possible qu’avec la redéfinition du sens de l’action entrepreneuriale et, allons plus loin, politique. Tout se passe et s’écrit comme si la redécouverte du bon sens ou du sens commun devrait s’opérer avec la nécessaire redécouverte de la valeur d’usage comme d’utilité personnelle autant que d’utilité commune.

Le miroir du web fait que les personnes peuvent à présent s’identifier avec l’image d’une culture projetée plus authentique et débarrassée de ses artifices. Tout ce qui ne cadre plus dans cette logique reste à la porte, voire pire, peut se retrouver décriée jusqu’à la catastrophe, comme en atteste l’affaire du Logo de la marque GAP.

Et c’est la seule chose dont on peut être à peu près certain: s’il y a génération de valeur ou de richesse par le truchement du Web social, c’est le plus souvent une valeur non-apparente ou cachée et qui ne se traduit pas couramment en monnaie classique mais qui fait curieusement sens pour l’ensemble.

Le reste c’est du business model. On devrait toujours se poser la question suivante avant d’innover : pourquoi l’univers de l’Internet et du web semble hyper-résistant depuis quinze ans à la réalisation d’innombrables business models ?

Et ce que l’on appelle le web social n’aura de cesse d’y répondre à chaque fois qu’on le consultera.

Billet initialement publié sur Net & Sans Détour

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Crédits photo: Flickr CC Sreejith_K, victoriapeckham

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Transparence : les dangers de l’ivresse idéologique http://owni.fr/2009/10/13/transparence-les-dangers-de-livresse-ideologique/ http://owni.fr/2009/10/13/transparence-les-dangers-de-livresse-ideologique/#comments Tue, 13 Oct 2009 17:51:14 +0000 Thierry Lhôte http://owni.fr/?p=4579 Modernity, Mirrored and Reflected Infinitely - Josiah McElheny, 2003

Modernity, Mirrored and Reflected Infinitely - Josiah McElheny, 2003

Dans un essai publié vendredi dernier, Lawrence Lessig, prend ses distances avec le mouvement pour la Transparence et le Gouvernement 2.0, tel qu’il semble prendre le chemin, aujourd’hui.
« Like the decision to go to war in Iraq, transparency has become an unquestionable bipartisan value. »
« Comme la décision de faire la guerre à l’Irak, la Transparence est devenue une valeur bipartite qui ne supporte pas la contestation. »

De la part d’un juriste, les termes employés ne sont jamais innocents, et signale de la part de l’administration, du corps politique, ainsi que des associations de soutien à ce mouvement telles que la Sunlight Foundation, un aveuglement dangereux.

La nature idéologique de ce mouvement est caractérisée aussi par l’absence de critique dans sa pensée opérationnelle, car si la Transparence est prise au sens de Transparence nue, c’est à dire d’une transparence qui n’est pas accompagnée d’une réflexion politique orientant les résultats, alors dans la recherche du bien souhaité par l’exposition des données institutionnelles au travers des technologies de l’information, des catastrophes collatérales seront inévitablement déclenchées.
Autrement dit, la Transparence risque d’être la corde avec laquelle le système démocratique risque de se pendre.

Attention, il ne s’agit pas de la part de Lawrence Lessig d’un discours radical ; la radicalité est d’abord dans le messianisme orchestré dans la société autour de cette transparence et dont les média produisent le reflet optimal ; mais pas seulement, il y a aussi la radicalité des outils technologiques employés, en l’occurrence le réseau.
Lessig constate qu’à chaque libération d’une activité humaine sur le réseau Internet, il n’y a jamais eu de retour en arrière possible à l’état précédent. Une partie du contrôle sur cette activité est alors définitivement abandonné. Ce fut vrai pour les industries de la presse et de la musique, qui, même par refus de s’engager ne firent que retarder leur transformation forcée, au risque de leur disparition.

Et c’est l’analogie principale exposée, il n’existe que deux chemins possibles maintenant : soit les acteurs actuels du changement (corps administratif, politique, associatif) accompagnent intelligemment le mouvement de Transparence, soit ils continuent comme aujourd’hui à faire confiance dans la Transparence nue et le système démocratique se retrouvera dans le meilleur des cas obligé de subir des transformations brutales imprévues, au risque même, s’il refuse de se plier à cette violence, de sombrer.

Si l’on ne prend pas en compte les limites comportementales humaines en jeu permanent avec le réseau, et que l’on décide d’ouvrir les données parlementaires et gouvernementales uniquement parce que l’on croit absolument que l’ouverture est bonne en elle-même, au lieu d’atteindre l’objectif d’une surveillance citoyenne appropriée et souhaitée, on établira des machines à créer de l’incompréhension, puis des mécaniques de ressentiment incontrôlables au sein de la société.

“La lumière du soleil (sunlight) est le meilleur des désinfectants”, telle est la devise que la Sunlight Foundation a empruntée à Louis Brandeis, et qui fait référence à l’effort de transparence pour « laisser passer les rayons du soleil » qui détruiraient définitivement la corruption au sein des organisations (messianisme américain typique), Lawrence Lessig note qu’il suffit de s’être aventuré dans un marécage pour constater que la lumière du soleil peut avoir une autre effet que celui d’un désinfectant.

Lire l’article sur le blog originel

photo par mon ami loranger – MoMA, New York, janvier 2005

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La Transparence ou le “Coca Light” technologique http://owni.fr/2009/10/13/la-transparence-ou-le-coca-light-technologique/ http://owni.fr/2009/10/13/la-transparence-ou-le-coca-light-technologique/#comments Tue, 13 Oct 2009 14:08:35 +0000 Thierry Lhôte http://owni.fr/?p=4643

Tim Wu

Tim Wu

Le débat continue, à la suite de l’essai de Lawrence Lessig, sur le site du magazine The New Republic. Rappelons que Lessig en tant que juriste de renom, après s’être occupé de droit d’auteur, se concentre récemment sur la montée exponentielle des investissements du lobbying au Congrès américain, qui, d’après lui, s’est récemment transformé en véritable mécanisme de corruption officielle.

On a cru Lessig attaché à la croisade de la Sunlight Foundation et de sa co-fondatrice Ellen Miller, mais cela ne semble plus le cas, puisqu’il met en garde sur les modalités d’application et le zèle de ce mouvement pour la transparence (rendre public par le Web les données parlementaires et gouvernementales), qui risquent, si ce dernier n’est pas mieux pensé et accompagné, de transformer la démocratie en véritable champ de bataille, dressant les citoyens contre les élus et inversement.

Tim Wu, lui, pense que Lessig n’est pas allé assez loin, et qu’il a manqué le point essentiel de ce que l’on pouvait opposer au mouvement pour la Transparence et du Gouvernement 2.0.

Il signe un brillant article, empreint de pensée classique d’origine chinoise et sans complexe. S’inspirer de la tradition est toujours un pas majeur pour un technophile, car on aboutit généralement à un regard qui englobe l’humanité, plutôt qu’à une forme de reporting des sciences humaines qui souvent se noie dans un verre d’eau conceptuel.
Une vision que l’on rencontre rarement, mais qui n’est pas sotte, que la technologie n’est pas là pour remplacer la décision, qu’elle ne le peut pas. On rejoint un peu la pensée de Robert Kahn, l’architecte de l’Internet, lorsqu’il affirme qu’en matière de design de réseau les décisions importantes se partagent à 10% pour la technologie et le reste concerne la politique.
Pour se placer définitivement parmi les hérétiques, on pourrait ajouter que ni les difficultés, ni les joies de l’être humain sont effacées par la pratique de l’Internet, mais que la vie réelle est toujours là en profondeur, et que le tragique ou la comédie de l’existence n’ont en aucun cas disparu et surtout pas dans la récente croute artificielle et mobile que l’on appelle Web social.

Tim Wu commence par qualifier de mythe de la civilisation américaine, que des contraintes externes imposées sur les pratiques politiciennes produiraient nécessairement du bon gouvernement. Que le politique serait à envisager comme une forme de chimie ou d’ingénierie, qu’il suffirait d’appliquer telle ou telle action extérieure sur une subtile mécanique pour en corriger des dysfonctionnements.
De fait, en ne manquant pas de citer Lao Tseu au passage, il constate exactement l’inverse : l’exercice d’une pression morale extérieure ne fait que produire un alibi de bon comportement ou une sorte de validation positive automatique de l’action du parlementaire ou du ministre, qui, en se conformant à ces procédures peut continuer d’exercer comme bon lui semble à l’abri de ce paravent.
Trop de transparence renforcerait la ruse initiale des acteurs, signe alors l’échec de ce qui est recherché par la Transparence, puisque les politiques finiront par s’esquiver derrière cette transparence pour ne pas avoir à rendre compte d’autre vertu que celle d’obéir et de se conformer à ce cadre exigé et mise en place par la société civile.
Cela encourage même au bout du compte à une forme de déresponsabilisation. L’apparence d’un passeport en règle n’a en effet jamais permis de détecter un terroriste

A l’évidence, être ou paraître conforme aux attentes du public est un point qui entretient certainement une confiance réciproque, mais en aucun cas ne permet de s’assurer de la compétence de l’élu, ni de sa vertu, ni de sa volonté d’améliorer le destin de ses électeurs, qualités qui appartiennent à la personne mais pas aux règlements et modèles comportementaux qu’on lui impose de l’extérieur.
Une analogie amusante est celle de la mode des années 80 du Coca Light (Diet Coke) ou des produits sans graisses (low or fat free) dans l’industrie alimentaire américaine, qui répondaient à un besoin puis à une ordonnance du public, mais en fait n’a pu que déplacer les problèmes de santé des personnes sans pour autant transformer l’américain moyen en homme mince et élégant.
La Transparence serait en fait le Coca Light politico-technologique d’aujourd’hui. Voici où en sont les illusions américaines, que de simples applications Web permettront de résoudre les habitudes de corruption entendues comme effets du lobbying intensif.
Tim Wu conclut assez justement que dans l’élection 2008, les américains ont choisi entre deux personnalités qui s’appuyaient sur le thème changement, et « qu’ils ont voté non pour des cures politiques à la mode, mais pour un type différent de leader.
En fin de compte, c’est peut-être la seule réforme qui fera une différence. C’est un changement, non sur ce que l’on connaît des personnes qui sont en charge du pouvoir, mais plutôt sur qui elles sont. »

Bien joué, Tim.

Photographie – Tim Wu – Wikimedia commons

Lire l’article sur le blog originel

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Réfléchir en terme de générations : un levier politique http://owni.fr/2009/10/05/reflechir-en-terme-de-generations-un-levier-politique/ http://owni.fr/2009/10/05/reflechir-en-terme-de-generations-un-levier-politique/#comments Mon, 05 Oct 2009 01:12:25 +0000 Thierry Lhôte http://owni.fr/?p=4212 Entre GenX et GenY, la chute du mur

Entre GenX et GenY, la chute du mur

Assez récemment, une invention provenant des Etats-Unis envahit notre espace culturel. Celui du discours sur les générations, dans l’ordre historique : Boomers, Gen X, Gen Y.

On avait jusqu’ici pour nous satisfaire, la querelle de l’ancien et du moderne, qui était assez simple à comprendre puisqu’il s’agissait de mettre en scène les évolutions des goûts et des mœurs avec les figures du combat. L’ancien ou le traditionnel ne perdant jamais tout à fait, le moderne ne gagnant pas complètement, non plus. Ainsi, le monde allait son train dans des sentiments de désaccord et de réconciliation progressifs.

Dans cette note du blog d’Eric S. Raymond, est démontée par l’exemple une vue établie par les travaux de Thomas Kuhn : que les changements successifs de paradigme seraient validés par les générations.

Si cette proposition n’est pas confirmée par l’observation de l’histoire, notamment celle des sciences “dures”, elle est plutôt en accord avec les récents développements des sciences sociales ou dites, par opposition, “molles”.

D’après Eric S. Raymond, ce comportement particulier des sciences “molles” serait du au fait qu’elles ne sont pas complètement des “sciences”, que leur emploi est vulnérable, notamment, à la volonté d’imposition d’une vision politique ou franchement militante, déterminée par avance.

Et l’on comprend mieux, à l’heure actuelle, ce souhait profond de commencer à diviser les générations entre elles, pour mieux faire passer certains discours marketing, d’entreprises, ou de politique pure.

Je me limiterais au terrain du Web et du message profond que l’on cherche à faire passer à la Gen Y sous prétexte qu’ils seraient radicalement différends : faire accepter l’abandon de la liberté pour la transparence, nier l’inquisition et le profit par le détournement de ses données propres au nom du développement personnel assisté par le Web, la recherche du boulot non-conventionnel pour accepter de nouvelles formes de travail qui auraient été qualifiée, à une époque, comme désocialisantes et aliénantes par les Boomers, etc.
Certes, ce n’est pas la première fois que l’on vient faire les yeux de l’amour à la jeunesse, ni la dernière.

en référence à : Armed and Dangerous » Blog Archive » Brother, Can you Paradigm? (afficher sur Google Sidewiki)

Photo par mon ami loranger – July 2008 – East side gallery, Berlin, Germany – Plaubel Makina 67 + Kodak e100v

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Etats-Unis : l’activisme conservateur a comblé son retard sur le Net http://owni.fr/2009/09/23/etats-unis-lactivisme-conservateur-a-comble-son-retard-sur-le-net/ http://owni.fr/2009/09/23/etats-unis-lactivisme-conservateur-a-comble-son-retard-sur-le-net/#comments Wed, 23 Sep 2009 10:14:33 +0000 Thierry Lhôte http://owni.fr/?p=3870

washington_912Pour tenter de limiter le pouvoir d’Obama, il y eut les campagnes de courriel pour rassembler d’autres militants, comme pour diffuser un nombre important de rumeurs sur la réforme de la santé. Lors de Town Hall meetings qui furent de véritables pièges pour les députés et sénateurs démocrates, des cameramen amateurs fournirent aux mainstream medias les images les plus virulentes par le biais de Youtube, la presse vidéo se servit sans bourse délier.

Au contraire de ce que l’on peut imaginer, la pression réelle ne vient pas nécessairement de Fox News qui, de toute façon, n’attire le public électoral indépendant qu’à 22% de son audience, mais d’une organisation qui est devenue depuis la dernière manifestation réussie du 12 septembre le coeur de la contestation anti-Obama : FreedomWorks.

Deux articles, l’un du Guardian, l’autre du Temps, montrent que le mouvement grassroot monté par Obama lors de son élection et mis en action par l’Internet, fut analysé et reproduit par cette association conservatrice.

Il ne s’agit pas que d’un site comme point central, mais d’un réseau d’information sur le Web, d’une page Facebook et surtout d’une adresse Twitter, cette dernière relayant les dernières annonces d’évènements, remerciements, articles, communiqués de presse. Au coeur de ce dispositif, un professionnel de l’activisme de 27 ans, Brendan Steinhauser.

En l’espace d’une dizaine de mois, le mouvement conservateur refait donc surface, après la défaite de McCain aux présidentielles. Un sticker pour donations sur le site permet à l’instar du site de campagne d’Obama, à FreedomWorks, de pouvoir se financer à hauteur des 4/5èmes des 8 millions de dollar de budget annuel. Freedomworks annonce une structure pyramidale qui agit sur un réseau global de 800000 personnes, leurs objectifs n’étant pas seulement d’enrayer la réforme de la santé mais aussi de stopper les projets d’Obama sur la réduction du CO2.

On voit se profiler ce qui demain pourra devenir aussi une véritable guerre d’opposition en France, avec un terrain mobilisé et animé par les possibilités des réseaux sociaux du Web. Sur le long terme, surement un effet d’affolement des médias classiques et pourquoi pas le dépassement en efficacité de vieilles formes telles les jeunes populaires et autres jeunesse socialiste, qui, par la créativité, rassemblera des personnes de tous les âges, ponctuellement, pour des opérations de terrain. Peut-être que quelques unes des futures grandes carrières politiques s’offriront à celles ou ceux qui auront eu le courage de bâtir puis de mettre en action ces passerelles populaires.

Faisons même un peu de Science-fiction, le militantisme pourrait être enfin rétribué à sa juste valeur, celle du terrain, en distribuant des points d’attentions, telle une monnaie virtuelle à chaque militant en regard de son temps investi et de ses missions. Capital de points accumulés qui permettra de s’adresser par la suite en priorité à l’un de ses élus pour activer une démarche de résolution d’un problème quotidien, ou gagner une aura ou un droit de parole particuliers au sein du parti. Une méritocratie de l’action politique en quelque sorte.

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> Article initialement publié sur net & sans détour ]]> http://owni.fr/2009/09/23/etats-unis-lactivisme-conservateur-a-comble-son-retard-sur-le-net/feed/ 2 Barack Obama et la nouvelle idéologie du Web social http://owni.fr/2009/09/04/barack-obama-et-la-nouvelle-ideologie-du-web-social/ http://owni.fr/2009/09/04/barack-obama-et-la-nouvelle-ideologie-du-web-social/#comments Fri, 04 Sep 2009 07:12:14 +0000 Thierry Lhôte http://owni.fr/?p=3226

Cela a commencé il y a quelques jours, Fabrice Epelboin éminent technophile du Web francophone, de son flux d’articles préférés, sortait une pépite, la traduction, publiée sur le vénérable site Internetactu, d’un texte fondateur sur une des visions probables du Web de demain.

A la rédaction de ce texte, deux sommités de la sphère du Web commercial actuel, l’initiateur du Web 2.0 Tim O’Reilly et John Battelle.

Ce texte décrit la transformation du Web 2.0 ou du Web collaboratif ou du Web social, comme vous déciderez de l’appeler, vers un Web au carré. C’est à dire un Web qui se développerait comme un enfant venant à la rencontre du monde réel, explosant son enveloppe première qui était le Web primordial inventé par Tim Berners Lee ou le World Wide Web.

La vision était splendide, si bien qu’on se serait déjà cru projeté dans la prochaine production de Steven Spielberg ou de James Cameron. Mais ce qui a valeur d’argument de l’autre côté de l’Atlantique, parce que ce n’est au bout du compte que de l’émotion pure, ne saurait cacher chez un esprit européen ce qui en fait est un triste pied de nez à Tim Berners Lee et son projet de Web sémantique que j’ai cité dans mon article précédent sur ce blog.

Tim O’Reilly se pose en visionnaire et semble dire à son adversaire : “tu vois, ma perspective englobe la tienne et à partir de maintenant, c’est moi qui suit aux commandes de la destinée de ce mystérieux paquebot conceptuel qu’est le Web pour les intellectuels de la planète.”

Jusqu’ici, je me disais, rien de grave, juste deux personnes qui ont pété les plombs sur leur stature personnelle et nous jouent une mauvaise pièce sur la scène médiatique mondiale. Or cela va plus loin que cela.

Il y a deux années, Tim O’Reilly, lors de l’une de ses propres conférences du Web 2.0, se faisait étriller par l’architecte juridique de la Free Software Foundation, l’organisme le plus attaché aux libertés fondamentales au sein de et à travers les différents bouleversements informatiques qui secouent notre monde actuel.

Un peu contrit de cette leçon socratique admonestée par ce vigoureux juriste qu’est Eben Moglen, et de surcroît devant son public, Tim O’Reilly qui ne put se défendre dans le dialogue vif et précis qui s’était engagé, choisit de s’expliquer dans un article postérieur, plus au calme.

La conclusion de cet article est (sans bien sûr qu’Eben Moglen put répondre, cette fois-ci) que les gens de la Free Sotware Foundation sont trop attachés aux libertés regardant la technique, logiciel et matériel informatique, et qu’ils sont par là même incapable d’imaginer une liberté supérieure qui dépasserait le cadre circonscrit de leur préoccupations.

Trés bien, me disais-je, même si c’est une insulte à un adversaire non-présent, technologiste certes, mais professeur d’histoire du droit à l’Université de Columbia, je peux très bien imaginer que Tim O’Reilly ne fait là que règler ses comptes, et qu’il soit en fin de compte un partisan avoué de la liberté, même face aux intérêts étatiques ou commerciaux, surtout si c’est une liberté supérieure.

Toujours rien de grave.

Or voici qui commence à devenir gênant, le texte fondateur du Web au carré, ne comporte nulle part le terme de liberté, et ne propose même pas une réflexion sur les possibilités d’atteintes à la vie privée par l’exploitation des données des utilisateurs dans ce nouvel univers. C’est comme s’il fallait croire que le mouvement d’abandon des données des utilisateurs, les plus intimes et inconscientes soient-elles dans ce monde meilleur, leur garantissait dynamiquement en retour,  quelque part, le contre-poison à leur exploitation malveillante, soit par un Etat, soit par un trust.

Et voilà ce que je réalise : que demande en fait Tim O’Reilly pour la réalisation de ce rêve cinématographique d’un monde meilleur ? la transparence, le dernier buzz à la mode des publications sur le Web social… mais la transparence de qui ? celle de tous les intervenants du Net, du gouvernement comme celle du citoyen. Avouez qu’il commence à y avoir de quoi rire.

Et cette transparence serait donc une forme de liberté supérieure ?

Mettons-nous à nu face aux gouvernements et nous serons libres ?

Voltaire aurait eu un accès de rire mémorable s’il avait pu entendre cela de son vivant.

Il ne faut pas bien sûr juger sur une première source d’information, surtout si elle se présente sous la forme d’un texte inspiré, en voici une deuxième, tiré d’un article d’un reporter en technologies du New York Times, Saul Hansell, qui s’intitule le silence de l’administration d’Obama sur la vie privée.

Saul Hansell commence par faire remarquer que l’administration Obama s’est engagée sur un certain nombre de sujets d’importance concernant la cybertechnologie. Un certain nombre… mais curieusement, pas sur la protection de la vie privée…

Or il a pu deviner la position de l’administration d’Obama, lors de sa participation à un colloque sur les libertés informatiques (Computers, Freedom and Privacy Conference) à Washington. Voici ce qu’a dévoilé Peter Swire, Professeur de droit de l’Ohio, et membre de l’équipe de transition d’Obama.

D’après ce professeur, il ne pourra y avoir de voix officielle de l’administration Obama sur la question du respect de la vie privée en ligne, car il y a une scission entre l’opinion classique des experts technologiques sur la vie privée et celle, émergente, des professionnels qui sont nés avec les réseaux sociaux, le Web 2.0.

Je continue par une traduction de l’article, car cela est savoureux.

“Le mouvement du Web 2.0 est opposé au mouvement pour la vie privée.” dit-il. Traditionnellement, les défenseurs de la vie privée font pression pour une politique de minimisation des données , a t-il argumenté. Le moins d’informations conservées sur les personnes, le moins de possibilités pour le gouvernement ou les entreprises  de s’attaquer aux personnes.

La nouvelle idéologie [celles du Web social] tourne autour de ce que M. Swire a appelé “l’autonomisation par les données”. Les gens assemblent et contrôlent les informations sur eux-mêmes grâce au réseautage social en ligne et par d’autres sites. Et l’accès aux données peut créer des mouvements politiques et sociaux, comme les bénévoles se sont rencontrés et organisé pendant la campagne présidentielle Obama.

“Nous sommes les consommateurs qui sont devenus les producteurs de leurs propres données”, a déclaré M. Swire. “Nous sommes assez puissants pour pouvoir faire des choses politiquement efficace avec les données.”

Mme Crawford, qui a déclaré que la Maison-Blanche lui avait interdit de répondre aux questions lors de ce colloque, n’a pas réagit sur le commentaire de M. Swire. Dans sa présentation, cependant, elle a mis en évidence l’engagement de l’administration à créer data.gov, un référentiel des informations collectées par le gouvernement fédéral. Même s’il n’est pas destiné à diffuser des informations sur les individus, cette base de données représente la position de l’administration qui est que “l’information est le pouvoir.”

“Nous n’avons aucune idée de comment ces données seront utilisées et c’est le but de l’opération,” dit-elle.


Maintenant, nous sommes assez équipés pour dire que sur ce sujet de la vie privée, une non-décision de Barack Obama correspond à une décision en faveur de la nouvelle idéologie du Web social. Mais ce n’est pas tout.

Dans un autre excellent article – et j’ai encore choisi une référence de presse qui ne peut pas déranger le camp démocrate – du Washington Post, est relatée une décision rapide et discrète de l’administration Obama qui revient sur une interdiction pour l’Etat fédéral d’employer les données des citoyens qui viennent sur ses sites, pour en dresser un profil et le conserver.

Cette interdiction datait de 9 années. et remonte donc à 2000.

Là encore, je traduis et cite l’article car c’est une nouvelle fois savoureux.

Les soutiens du changement disent que le réseautage social et les services similaires, qui souvent tirent avantage des technologies de pistage, ont transformé la manière dont les gens communiquent sur l’Internet et les aides d’Obama disent que ces services peuvent rendre le gouvernement plus transparent et augmenter la participation du public.


Il faudra qu’on m’explique en quoi l’établissement d’un profilage des citoyens qui viennent sur les sites des agences fédérales, représenterait la promesse d’une plus grande transparence de l’Etat. Une plus grande transparence du citoyen, oui, sûrement.

Mais ne soyons pas chafouins, accordons, comme le fait cet article, le bénéfice du doute à Barack Obama et à ses conseillers, qu’ils n’utiliseront ces données que pour le bien public, même si ce n’est pas exactement “transparent.”

Et puis, comme beaucoup de développeurs le reconnaissent, comment pourrait-on créer des application dynamiques sur le Web, par exemple, sans ces bons vieux cookies ? Difficile certes, sauf qu’en tant que gouvernement démocratique, on n’est pas contraint de s’associer avec des géants privés de l’Internet pour partager et croiser les données collectées de part et d’autre, en bonne intelligence.

C’est le cas hélas que cite ce même article du Washington Post, d’après deux sources distinctes, l‘Electronic Frontier Foundation et l’Electronic Privacy Information Center, qui font état d’un contrat signé le 19 février 2009 entre Google et une agence fédérale que personne ne veut nommer.

Si l’interdiction est levée, ce contrat et bien d’autres se passeront dans le silence le plus absolu ; les agences fédérales n’auront plus à soulever et motiver des exceptions pour obtenir le droit de passer des accords avec des réseaux sociaux ou collaboratifs privés et centralisés, comme Facebook, Flicker, etc. Toujours dans le but de récolter et miner des données laissées par le citoyen.

J’aurais une dernière prévention pour Barack Obama et ses conseillers : le fait qu’après tout les risques de collusion entre les pouvoirs privés et publics, après tant d’affaires qui ponctuent l’histoire politique des Etats-unis, cette fois-ci seront écartés. Car n’avons nous pas là, pour une fois, un personnel politique extrêmement sensible et “au courant” des bonnes pratiques en matière de nouvelles technologies ?

Regardons objectivement si c’est le cas.

Je vous renvoie à un article du Wall Street Journal pour référence. Mais là, vous pourrez en trouver beaucoup d’autres : ces deux affaires sont plus connues, car elles ont pratiquement fait la une politique, ce dernier mois d’août.

Se rendant compte que les républicains avaient mis en place une campagne décentralisée, à partir du terrain, où chaque militant envoyait à sa famille, ses amis et ses connaissances un courrier vindicatif sur la réforme du système de santé, comment Obama et ses conseillers ont-ils choisi de contrer cette stratégie ?

Premièrement, par la délation.


Une adresse éléctronique a été mise en place à la Maison Blanche pour accueillir les dénonciations de tout bon citoyen qui trouvait un courrier électronique “suspect” (fishy) dans sa boîte aux lettres. Le citoyen n’avait qu’à faire suivre (forward) ce courrier en utilisant l’adresse généreusement fournie par les équipes du Président.

Evidemment, comme il existe encore des procédures démocratiques, il a suffit qu’un député républicain demande officiellement des explications pour que l’adresse des dénonciations soit définitivement supprimée.

Deuxièmement, par le spam (sic).


David Axelrod, l’un des conseillers principaux d’Obama, et paraît-il l’artisan de sa campagne, a trouvé une autre idée brillante. Pourquoi ne pas réveiller la base de manière centralisée ? Par exemple, se servir de listes d’adresses électroniques de prétendus soutiens populaires d’Obama, et d’envoyer le même courrier militant à tout le monde. Un coup de génie en effet…
Quelqu’un dans son entourage auraitpu lui expliquer qu’il s’agissait de spam, que c’était une erreur grossière et que les conséquences au niveau de la communication pouvait être plus négatives que les bénéfices espérés.

Là encore, cela fit scandale dans l’ensemble des médias et les républicains durent se taper sur les cuisses.

On peut à présent dresser une conclusion simple.

En accord avec l’industrie du Web Social, l’administration Obama entend profiler et constituer des bases de données sur les citoyens qui effectueront des démarches et des recherches d’informations sur les sites des agences fédérales.

Le gouvernement 2.0 est en plein essor.

Soit dans sa configuration envisagée, le contrôle du citoyen par son obligation de transparence comme garantie de sa participation à la vie collective. Servage prolongé jusqu’au bénéfices des acteurs privés du Web social.  Voici venir un meilleur monde selon O’Reilly, et je vois d’ici deux excellents connaisseurs de la technologie que sont Barack Obama et David Axelrod opiner du chef.

Il y a eu, à une lointaine époque, un projet à peu près similaire aux vues du village planétaire  transparent de Tim O’Reilly, inventé par le célèbre Walt Disney. La citée transparente idéale : les employés de la maison Disney qui, habitant dans les parcs d’attraction de la marque, montreraient l’exemple d’une vie réglée, vertueuse et heureuse aux clients ébahis par tant d’harmonie.

Projet qu’un artiste, lors d’une interview dans les Cahiers du cinéma, Orson Welles, qualifiait de fasciste.

Nous n’en serons pas loin si les intérêts privés en jeu se déploient avec l’aval d’un gouvernement affaibli et si peu circonspect face à la nouveauté.
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