Collateral murder: Wikileaks vs US army

Le 6 juillet 2010

Spécialisée dans la mise à disposition de documents confidentiels, la plateforme Wikileaks a publié une vidéo qui révèle les conditions dans lesquelles deux journalistes ont trouvé la mort en Irak.

Nous republions ici l’article de Jean-Noël Lafargue, publié sur “Le dernier des blogs” en avril. L’occasion de revenir sur la première grosse fuite émanant de Wikileaks, qui a très récemment publier une base de données d’informations sensibles sur la guerre en Afghanistan.

Collateral Murder est le genre de documents qui permettent de trancher définitivement la question de la valeur du réseau Internet en tant que média d’information. Au delà des débats sans fin qui portent sur les vidéos « buzz », anecdotiques, séparées de leur contexte, où tel ou tel homme politique est montré d’une manière peu avantageuse, au delà de la question de la circulation de rumeurs qui faisaient dire à Jacques Séguéla que « Le Net est la plus grande saloperie inventée par l’homme », il existe des images de première importance que nous ne connaîtrions pas sans Internet, et c’est le cas ici.

L’agence Reuters a réclamé pendant un an de pouvoir visionner un enregistrement vidéo apte à révéler dans quelles conditions exactes sont morts deux de ses correspondants en Irak, supposément pris entre deux feux en juillet 2007. L’armée américaine a jusqu’ici traîné des pieds à fournir ces images, et il y a une bonne raison à ça : pris pour des combattants par des soldats américains qui ont confondu leurs caméras avec des fusils AK47, les deux journalistes ont été abattus sans pitié depuis un hélicoptère, tout comme une dizaine de personnes qui se trouvaient près d’eux. Une camionnette, dont les occupants étaient venus secourir les blessés, a essuyé le feu de la même manière, blessant très gravement deux enfants dont on n’a apparemment plus eu de nouvelles ensuite. L’erreur est incompréhensible, les images montrent le meurtre froid d’hommes surpris d’être fusillés sans raison et sans avoir eu la moindre chance de s’expliquer.

Les images, comme c’était déjà le cas du film Anaconda Target de Dominic Angerame, montrent bien à quel point une vision lointaine — on voit les corps et les mouvements mais on ne distingue pas les visages ni même la nature des objets de manière précise — rend possible les actions les plus inhumaines.

Le site web qui a révélé ces images, WikiLeaks, est spécialisé dans la mise à disposition du public de documents confidentiels. Garantissant l’anonymat de leurs sources par un procédé de transfert de fichiers très évolué, les créateurs de ce site ont mis à jour de nombreux faits d’importance diverse, allant du contenu de la mailbox de Sarah Pallin à des révélations scandaleuses sur l’industrie pétrolière Péruvienne, la prison de Guantanamo, les négociations du traité ACTA, le trafic de déchets dangereux dans des pays en développement ou encore la littérature interne de l’Église de Scientologie. Au total, plus d’un million de documents. WikiLeaks a un peu de difficultés à assurer sa pérennité et survit grâce à des dons.

Récemment, Wikileaks a publié un rapport issu du département de la défense américain qui le concerne, posant la question de la manière dont ce site doit être traité, et hésite entre deux politiques : l’utiliser à fins de propagande et de désinformation, ou bien le discréditer et le détruire en s’acharnant sur ceux qui y participent notamment. La rumeur prétend que WikiLeaks compte déménager et se placer sous la protection de la loi Islandaise. En effet, le pays des Geysers est en train de mettre au point une loi sans précédent inspirée par le meilleur des législations les plus libérales au monde en matière de protection de la presse. Ce processus, baptisé Icelandic Modern Media Initiative, est malheureusement à contre-courant de ce qui se passe dans l’ensemble des autres pays de la planète. Wikileaks est notamment censuré en Chine, en Israël, en Russie, au Vietnâm au Zimbabwe et nombre de ses pages sont apparemment filtrées par l’équivalent australien d’Hadopi.

À lire : l’article du Guardian (en anglais)

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